Rivesaltes | Corps déplacés en secret la vérité explose enfin sur les enfants harkis

non

Je présente mes excuses aux familles
Le maire de Rivesaltes a enfin révélé l’emplacement des corps des enfants harkis morts au camp de Rivesaltes. C’est en présence de la ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens Combattants que les familles viennent d’apprendre que les dépouilles ont été déplacées dans la discrétion.

Que sont devenus les corps des 60 enfants ?

Ils sont plus de 20 000 Harkis à avoir été enfermés dans le camp de Rivesaltes, près de Perpignan, entre 1962 et 1965. Une période durant laquelle 146 personnes au moins y sont mortes.

Parmi elles, 60 enfants dont 52 bébés. Enterrés dans le camp, les corps restent toujours introuvables malgré les recherches menées depuis dix ans.

Lueur d’espoir. Il y a trois mois, un secteur était enfin identifié et les tombes découvertes, mais vides.

“Je suis anéantie”, témoignait alors Ghalia Thami, dont le frère est mort quelques jours après sa naissance au camp de Rivesaltes.

 Un nouveau choc et une immense déception pour les familles des disparus qui attendent plus que jamais des réponses.

“Je sais ce que sont devenues les dépouilles”

“Je sais ce que sont devenues les dépouilles”, affirmait, ce vendredi matin, au micro d’Ici Roussillon la ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens Combattants.

Patricia Miraillès promet des annonces concrètes ce jour à l’occasion d’une réunion à la mairie de Rivesaltes, mais c’est d’abord aux familles que celle-ci veut s’adresser.

Apporter des réponses à ces femmes et ses hommes qui attendent désespérément de savoir ce qui est arrivé aux corps des 60 enfants Harkis morts de malnutrition et de froid dans l’enceinte du camp de transit de Rivesaltes.

Rester dans l’incertitude, une “double peine” que racontait Ali Amrane, né dans le camp Joffre, où il a perdu son frère jumeau.

C’était lors de l’ouverture des tombes localisées par la préfecture le 10 décembre dernier.

“Cela a été un choc psychologique pour tous ! On s’est tous regardé, il y a eu un silence dans la salle. Et lorsque j’ai posé la question à l’adjoint au maire de Rivesaltes, où sont les corps ? Là, aucune réponse.”

Réunion ce vendredi à la Mairie de Rivesaltes

Il ne peut pas dire qu’il n’est pas au courant. J’ai des documents officiels et ils disent qu’il lui a été versé une somme de 30 000 francs pour acheter des ossuaires. Il ne peut être que responsable de l’exhumation et nous pouvons même parler de profanation de tombes, déclarait il y a quelques mois Ali Amrame, en parlant du maire de Rivesaltes.

La position d’André Bascou, aux commandes de la Ville depuis 1983 a, à plusieurs reprises, été mise en cause par les familles dans la disparition des corps des enfants.

Des enfants enterrés à l’époque de manière très sommaire dans un cimetière de fortune à non loin des baraquements dans lesquels ont été entassées des milliers de personnes à peine débarquées d’Algérie.

Ce vendredi matin, une réunion était organisée en Mairie de Rivesaltes en présence de la ministre Patricia Miraillès, accueillie par le maire, André Bascou et en présence de la députée des Pyrénées-Orientales Michèle Martinez, des sénateurs Jean Sol et Lauriane Josende, la vice-présidente de la Région, Agnès Langevine, la Présidente du Département Hermeline Malherbe ainsi que le Maire de Perpignan, Louis Aliot. Les familles de réfugiés Harkis sont également présentes et attendent beaucoup de cette réunion.

“Je présente mes excuses aux familles”

Au cours de la réunion et devant les familles venues chercher des réponses, le maire de Rivesaltes confirme que des documents ont été trouvés après la réunion du 10 décembre dernier.

Des archives indiquant que les tombes ont été déplacées entre le 15 et le 19 septembre 1985 par la mairie, à la demande de l’armée au cimetière communal de Saint-Saturnin.

“Je présente mes excuses” dit André Bascou.

Le maire reconnaît qu’il n’a pas fait faire de recherches extensives avant le 10 décembre 2024 malgré les demandes répétées des familles.

“On aurait pu faire mieux” dit celui-ci en prétextant ne pas savoir qui a signé le document de transfert des petits corps.

La déclaration d’André Bascou laisse éclater la colère des familles présentes en mairie, envahies par un sentiment d’incompréhension et d’injustice bien que soulagées de connaître enfin la vérité.

“Il est trop tard pour des excuses, pas pour un ancien combattant, pas pour des enfants. Ce ne sont pas des numéros, ce sont des citoyens français”, tempête la nièce d’un ancien interné du camp de Rivesaltes à l’encontre de l’édile.

“On a tourné en rond pour rien”, poursuit la nièce de Monsieur Atout. “Vous aviez la vérité”

Les dépouilles déplacées discrètement dès 1985, à qui la faute ?

Au jeu des responsabilités, le maire n’endosse que la faute de ne pas avoir été “attentif” aux documents signés dans les années 80.

Ce dernier qui dit n’avoir été contacté que par une seule famille de réfugiés Harkis renvoie la balle vers l’Armée.

La Grande Muette n’aurait, selon lui, à l’époque pas été en mesure de fournir des documents permettant d’identifier formellement les 60 corps.

Une accusation balayée par la Ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens Combattants.

Cela n’a rien à voir avec l’Armée et Monsieur Bascou doit faire la lumière sur ce qu’il s’est passé” a répondu Patricia Miraillès.

Les dépouilles auraient donc ainsi été transportées sans mot dire il y a déjà 40 ans au cimetière qui se trouve à 8 km de l’actuel Mémorial du Camp de Rivesaltes, au cœur de la ville de 9000 habitants.

51 “tombes” sans aucune indication de nom ou de numéro et sept autres flanquées d’un simple numéro. Enfin, deux sépultures porteraient les noms d’Atout et de Gueriere du nom de réfugiés décédés dans le camp ou à l’Hôpital de Perpignan.

Selon la Ministre, c’est un arrêté municipal en date de 1985 qui aurait permis, sur demande de l’Armée, de déplacer les dépouilles suite à la vente d’une partie des terrains militaires au Département des Pyrénées-Orientales.

Des familles encore en attente de réponses

L’autre information importante du jour a été révélée par les archéologues mobilisés sur les recherches des dépouilles.

Ces derniers ont expliqué que parmi les 146 personnes décédées et internées dans le camp de Rivesaltes, 71 corps ont ainsi été envoyés vers les cimetières de l’ouest et du Vernet à Perpignan.

En tout, ce sont donc 131 dépouilles qui ont enfin été localisées au grand soulagement des familles après tant d’années à réclamer leur recherche. Neuf corps de défunts décédés à l’Hôpital resteraient encore à ce jour introuvables selon les archéologues.

Les réponses apportées ce vendredi par André Bascou en mairie de Rivesaltes suscitent colère et incompréhension pour des familles de réfugiés Harkis qui n’ont eu de cesse depuis des années de rechercher leurs défunts. Ces révélations impliquent évidemment beaucoup d’autres questions auxquelles va devoir répondre le maire de Rivesaltes.

Les familles qui sont sur place actuellement attendent également une identification formelle des corps et la possibilité d’un lieu de recueillement.

Source(s):