Belloy-en-France | Condamné à 15 ans de prison pour avoir étouffé son bébé
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 23/11/2023
- 14:03
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Le visage enfoui dans le matelas de son lit parapluie, le nourrisson était décédé après « dix ou quinze minutes d’asphyxie intense », a relevé l’avocate générale de la cour d’assises du Val-d’Oise.
C’est l’histoire tragique d’une petite fille née le 10 juillet 2020 qui, cinq mois plus tard, sera tuée par son père après avoir été brutalement étouffée dans l’appartement familial de Belloy-en-France (Val-d’Oise), le 10 décembre 2020.
154 jours durant lesquels le nourrisson, victime de plusieurs asphyxies provoquées, avait été violenté et terrorisé par son géniteur, sans que sa mère ni aucun autre membre de la famille n’interviennent pour éviter ce drame.
« La chronique d’une mort annoncée, ou plutôt la chronique d’un crime annoncé », a fustigé l’avocate générale.
Dans le box des accusés, le visage dissimulé par un masque chirurgical, Yacine ne réagit pas.
Condamnée pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner
Jamais, au cours des quatre jours d’audience devant la cour d’assises, le jeune homme de 23 ans n’aura montré le moindre signe de tristesse, et encore moins de culpabilité.
Jusqu’au bout, il a plaidé l’accident après avoir provoqué le décès de sa petite fille par asphyxie.
Afin de faire cesser ses pleurs, il l’avait allongée sur le ventre dans son lit avant de la recouvrir d’une couverture et d’un manteau à capuche, puis de poser sur sa tête un sac à langer de 1,4 kg.
« Je ne voulais pas lui faire du mal », a-t-il marmonné face aux jurés avant de replonger dans son mutisme.
Reconnu coupable de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, il a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle par la cour d’assises de Pontoise, jeudi 16 novembre.
Une peine assortie du retrait définitif de l’autorité parentale de Yacine sur sa fille aînée.
« Ma fille… elle ne respire plus ! »
Sa compagne, 21 ans, qui avait été témoin des violences, sans toutefois les dénoncer, a écopé d’une peine de trois ans avec un sursis probatoire de trois ans pour non-empêchement de crime.
« Je veux m’excuser auprès de ma fille que je n’ai pas su protéger. J’aurais pu agir avant. Je ne peux pas retourner en arrière », a-t-elle confié en pleurs à la barre.
Le soir des faits, c’est elle qui avait contacté les pompiers après avoir retrouvé sa fille inanimée dans son lit parapluie.
« Ma fille… elle ne respire plus ! », crie au téléphone la mère de famille, totalement paniquée.
Au bout de la ligne, l’opératrice du Codis 95 lui explique les manœuvres de réanimation à effectuer en attendant l’arrivée des pompiers et des médecins du Samu 95 et du Smur Pédiatrique de Pontoise.
Malgré leurs efforts, le nourrisson ne pourra être réanimé, son décès étant prononcé sur place.
Alors qu’aucune trace de violence n’est constatée sur l’enfant, les médecins concluent, dans un premier temps, à la mort subite du nourrisson.
Appel anonyme
L’affaire aurait pu en rester là sans un appel anonyme au 119, la plate-forme consacrée à l’enfance maltraitée. Au téléphone, il s’agit en fait de la sœur de l’accusé qui ne sera identifiée que par la suite par les gendarmes.
Elle accuse alors le père de la jeune victime d’avoir étouffé sa fille, dénonçant également des violences de sa naissance à sa mort sur cette dernière ainsi que sur sa sœur aînée alors âgée d’un an et demi.
Face aux militaires, l’adolescente, ayant elle-même été agressée par ce dernier un mois plus tôt, précise avoir vu, à plusieurs reprises, son frère mettre ses mains sur la bouche de ses filles pour les faire taire lorsqu’elles pleuraient.
« Vous voulez savoir comment on fait pleurer un bébé ? »
Ce dernier prenait également plaisir à se filmer en train de faire peur à sa fille aînée en lui présentant un drone et une tondeuse devant le visage, ou en la réveillant après avoir enfilé un masque d’Halloween.
« Vous voulez savoir comment on fait pleurer un bébé ? », dit-il dans ses vidéos.
Des agissements dont sa compagne a été témoin, sans toutefois ne rien faire pour l’en empêcher ni alerter qui que ce soit.
« Vous avez cette responsabilité de mère, vous avez votre téléphone, mais vous n’appelez personne. Pourquoi ? », l’a interrogée l’avocate générale.
« Je ne sais pas. J’en suis consciente, répond-elle, des sanglots dans la voix. Je culpabilise tous les jours, je n’ai plus ma fille. »
Le soir du drame, après avoir vu Yacine prendre violemment leur fille pour l’emmener dans sa chambre, elle n’était pas montée voir son enfant pour s’assurer que tout allait bien. Elle l’explique par la crainte d’être violentée par son compagnon :
« Si je m’interpose et essaye de faire quelque chose, on va tous s’en prendre plein la gueule. Je ne veux surtout pas qu’il s’en prenne à moi », et de lâcher dans un soupir « je ne me suis jamais dit que cela pourrait aller jusque-là ».
« Il s’en est pris à l’être le plus faible qui soit »
Auparavant, durant près de deux heures, la présidente de la cour d’assises puis la partie civile, auront vainement tenté d’obtenir des réponses de la part de l’accusé. Il n’aura livré que quelques explications à peine audibles, son avocate se retrouvant contrainte de jouer les interprètes.
Du bout des lèvres, il a simplement admis « c’est mon comportement inadapté qui a entraîné la mort « , contestant avoir posé le sac sur la tête de sa fille qui s’était retrouvée le visage enfoui dans son matelas, avant de décéder après « dix ou quinze minutes d’asphyxie intense », a relevé l’avocate générale.
« Il s’en est pris à l’être le plus faible qui soit, un nourrisson qu’il avait le devoir de protéger », a souligné la magistrate avant d’assurer que l’accusé « n’est pas violent parce qu’il ne supporte pas les pleurs de ses enfants », mais « parce que les pleurs, il veut les contrôler. Il les provoque quand il n’y a en a pas pour asseoir son pouvoir de domination, régner sur ses enfants ».
« Plusieurs personnes auraient pu intervenir »
« C’est l’enfant roi, le frère roi, le conjoint roi et le père roi. La fin de cette souveraineté s’est terminée par un drame », avait avancé quelques instants plus tôt Me Christian Gallon, l’avocat de la partie civile, soulignant l’absence de réaction de la mère de la fillette, mais également des autres membres de la famille.
« Il y en a eu des signaux d’alerte, des moments ou plusieurs personnes auraient pu intervenir pour éviter cette tragédie. »
Un silence qui a coûté la vie à N. au bout de 154 jours.
« 154 jours où un petit cœur a battu, où des petits poumons ont respiré, a relevé Me Christian Gallon. 154 jours entre le moment où une mère a donné la vie à une petite fille, avant que son père ne lui ôte ».
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