Vienne – Maine et Loire | Jason Fourmann écope d’une peine de 30 ans de prison
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 16/01/2025
- 19:44
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Poil brun hirsute, moustache, regard furieux, Jason Fourmann s’agite sur sa chaise en beuglant :
” J’veux pas d’un avocat de merde ! S’il faut payer, j’ai les moyens !”
Vraiment ? Et avec quoi ? Les policiers de Saumur qui l’ont placé en garde à vue, ce 21 septembre 2020, savent bien que cet éternel glandeur, qui vit dans une caravane, est fauché comme les blés.
“Celui que vous m’avez choisi est un nul ! braille-t-il encore, furibard”.
Il est vrai qu’à 31 ans, Jason Fourmann a déjà été condamné à dix-neuf reprises. Autant dire que les avocats commis d’office dans le Maine-et-Loire, il les connaît tous ! Il les a tous épuisés par ses provocations et ses déclarations fracassantes.
“D’abord, s’écrie-t-il, j’y suis même pas allé, chez la dame !”
La dame ? Quelle dame ? Les policiers ne lui ont même pas encore dit qu’il était suspecté – entre autres – de viol et d’extorsion sur une femme de 73 ans, et le voilà déjà qui évoque sa victime…
Dans la pièce, les fonctionnaires le regardent avec un amusement incrédule. De toute évidence, ils n’ont pas pêché la truite la plus oxygénée de la rivière.
Disons-le franchement : Jason Fourmann est con comme un manche. Ce qui ne signifie pas qu’il ne soit pas dangereux. Au contraire. Immature, impulsif, drogué en permanence, il serait plutôt du genre à commettre le premier délit qui se présente. Trois jours plus tôt, le 18 septembre, alors qu’il traînait dans Saumur vers 9 heures du matin, il a remarqué des clés oubliées sur le contact d’une Twingo. Il a aussitôt volé la voiture pour s’offrir une petite balade motorisée à travers le pays
Il chaparde une sacoche noir
Chemin faisant, Fourmann siffle quelques bières. Près du lac de Maine, à Angers, il chaparde une sacoche noire contenant un portable, qu’il va revendre 50 euros – moitié en liquide, moitié en cocaïne. Puis il remonte la Loire, en quête d’un coup à faire.
À 18 h 15, il repère l’endroit idéal au 1 de la rue de la Croix-Piot, à Varennes-sur-Loire. Une vieille maison de tuffeau blanc, plantée au milieu des champs, sans voisins immédiats, le dos tourné à la route. Le rôdeur franchit la haie, contourne le bâtiment, s’approche de la baie vitrée du salon, histoire de vérifier si l’endroit est habité.
C’est ainsi que Gisèle P., 73 ans, voit apparaître un petit homme en bermuda et mocassins, très bronzé, qui pourrait passer pour un vacancier. Elle lui demande ce qu’il veut. Le type fait semblant de s’être perdu. Puis il s’éloigne. Pour revenir un peu plus tard. Avec de très mauvaises intentions.
Il est 18 h 20 quand Fourmann s’introduit chez la dame par la fenêtre. Surprise, elle se défend comme elle peut et essaie de le brûler au visage avec sa cigarette… L’autre la saisit par la nuque, l’entraîne à l’étage, la plaque sur son lit et la viole. Il fouille ensuite son sac à main, s’empare de sa carte de crédit. Pour la forcer à révéler son code, il exhibe un couteau qu’il a bricolé lui-même, avec un bout de tuyau en guise de manche et un fer triangulaire. Mais Gisèle P. a du tempérament. Elle fournit un faux code, et quand l’intrus lui réclame une cigarette, elle lui montre un paquet vide.
“Je vais prendre ta bagnole, annonce Fourmann. T’as de l’essence, au moins”.
La police retrouve son profil génétique
Il échange sa Twingo – qui n’a plus de carburant – contre la Citroën C3 grise de Mme P. Au passage, il croit malin d’emporter le téléphone fixe de sa victime… Sans voir qu’elle a un portable. À peine a-t-il vidé les lieux qu’elle alerte la gendarmerie.
Dans la Twingo abandonnée, les enquêteurs retrouveront, parmi d’autres indices, l’ADN de Jason Fourmann, déjà condamné pour délits routiers, trafic de drogue, violences sur conjoint et même un homicide involontaire pour lequel il a fait quatre ans de prison ! Alors qu’il conduisait ivre et sans permis sur une route de la Sarthe, Fourmann a renversé en juin 2013 un étudiant qui circulait à moto, le laissant agoniser sur la chaussée… On peut encore ajouter à son palmarès plusieurs viols sur mineur, commis sur ses propres filles et sur celles de son ex-compagne !
Bref, le type est un vrai nuisible. Et il n’a pas encore terminé sa désastreuse petite virée à bord de la C3 volée
Il repère la petite fille
Le lendemain, 19 septembre 2020, il roule vers le sud, en direction de Poitiers. Il est 11 h 50, quand à Villiers, dans la Vienne, il repère la petite Vickie*, 9 ans. La fillette est sortie acheter du pain dans une boulangerie proche de son domicile. Une gamine ? Pourquoi pas ? Voilà qui le changerait de la mamie de la veille. Jason Fourmann ne fait ni une ni deux. Il pile à côté de Vickie, la soulève de terre et la jette dans le coffre. Des passants le voient ensuite s’enfuir hors du village. L’un d’eux essaie de le poursuivre à vélo, en vain.
Le ravisseur atteint la commune de Frozes. Là, sur un chemin longeant des éoliennes, il fait sortir l’enfant et l’assoit sur ses genoux. Il essaie de dissimuler son visage sous un masque chirurgical, ce qui n’empêche pas la petite de remarquer sa peau brune, son haleine de fumeur, ses cheveux presque noirs tartinés de gel et son très reconnaissable caleçon, d’une couleur orange fluo ! On en sourirait presque, sans le viol abject qui va suivre.
Fourmann arrache la culotte de Vickie, la couche sur la banquette, la pénètre avec ses doigts et son pénis. Comme elle hurle, il la menace de mort et tente de l’assommer d’un coup de poing à la tempe. Puis, son désir assouvi, il la libère et démarre… La fillette réussit à regagner Villiers à travers champs. Une employée de boulangerie et deux villageois qui la cherchaient déjà la ramènent à ses parents à 13 h 15
La jeune victime a tout relevé
Elle a tout retenu, même le modèle de la voiture de son agresseur – une Citroën C3 grise. Elle indique l’emplacement du viol, où d’autres indices matériels sont relevés : culotte souillée, mégots, traces de pneus… Retrouver Fourmann est presque trop simple. Le 21 septembre, l’homme se rend à Gennes-Val-de-Loire, pour s’en prendre à Myriam R., l’ex-compagne qui l’a dénoncé pour le viol de ses filles.
À 15 heures, elle signale sa visite aux gendarmes. À 16 heures, il est repéré et pris en chasse par la police de Saumur.
Oubliant que sa C3 n’est pas un 4×4, l’idiot tente de traverser un champ labouré, où il s’enlise. Il est interpellé en pleine gadoue, à 16 h 10.
Voilà donc les enquêteurs en présence d’un personnage à la fois aussi dangereux que pitoyable.
D’emblée, il se trahit, en évoquant de lui-même l’agression de Gisèle P. Et maintenant qu’il a commencé à parler, plus moyen de l’arrêter ! S’ensuit une succession hallucinante de faux-fuyants, de bobards entrecoupés de vantardises. D’abord, le vol de la Twingo. Il s’agissait simplement d’un emprunt, jure Fourmann. Il avait la ferme intention de la rendre, dès qu’il aurait fini de s’en servir ! Pareil pour la C3 ! Et Gisèle P. ? Oh, elle, il lui a juste demandé de l’aide, parce qu’il était en rade. Et puis, bon, il l’a peut-être un peu secouée par les épaules…
“Mais je ne l’ai pas violée, proteste-t-il ! Je n’ai pas besoin de violer ! Si je veux, je baise tous les jours, moi”.
On a sa fierté, tout de même !
“Et de toute façon, poursuit-il, une femme comme elle, rien qu’avec une calotte, je l’assomme ! Pas besoin de couteau pour ça ! Si j’aurais voulu, je l’aurais massacrée ! (sic)”
Bref, il aurait pu tuer la veuve P., mais il ne l’a pas fait.
Conclusion : il est innocent ! C.Q.F.D. Il faut attendre sa troisième garde à vue pour qu’il avoue le viol et son interrogatoire par le juge d’instruction pour qu’il avance une explication piteuse :
“J’étais drogué, je ne savais plus ce que je faisais…”
La retraitée a pourtant affirmé que Fourmann était parfaitement lucide.
Même litanie de forfanteries et de lâchetés au sujet de la petite Vickie. En prison, le sinistre individu n’a pu s’empêcher d’appeler son frère – Jean-Charles, qui se fait appeler Brandon – pour frimer :
“La gamine, il m’est venu l’idée de la tuer, tu penses bien…”
Mais devant le juge, il se défile :
“Je l’ai pas violée, à peine attouchée”.
« J’suis pas Michel Fourniret ! »
Son argumentation, au fond, est toujours la même : il aurait pu faire tellement pire !
“J’suis pas Michel Fourniret, répète Fourmann ! J’aurais voulu la tuer, je serais pas devant vous. On l’aurait pas retrouvée, on saurait même pas qui c’est qui l’a fait !”
Le parquet de Poitiers s’étant dessaisi de l’affaire Vickie au profit de celui d’Angers, Jason Fourmann a finalement été jugé à huis clos par les assises du Maine-et-Loire, pour les deux viols, accompagnés de vols, menaces et séquestration, mais aussi pour des délits annexes révélés par l’enquête,
Trois jours durant, enquêteurs et avocats ont ramé pour dénicher dans son passé chaotique une excuse, un début d’explication, quelque chose… Il est vrai que Fourmann n’a pas été gâté. Il dit avoir subi, à 6 mois, une intoxication aux médicaments – dont personne n’a trouvé trace. Son père ne l’a pas reconnu avant ses 19 ans. Très tôt, il a quitté l’école et sombré dans la drogue. De trois compagnes successives, il a eu quatre enfants qu’il connaît à peine.
“Enfin, je crois, dit-il. Je suis pas certain de la naissance du dernier…”
Ces femmes l’ont toutes quitté rapidement, en raison de sa violence…
L’ensemble donne un tableau lamentable, certes, mais pas un cas d’irresponsabilité.
L’accusé jouit d’un plein discernement et d’un plein contrôle de ses actes, ont conclu les experts.
Constatant sa dangerosité avérée, la cour d’assises n’a pris aucun risque.
Elle a condamné Jason Fourmann à la peine maximale qu’il encourait : trente ans de réclusion, assortis de dix ans d’obligation de soins.
*Le prénom a été changé.
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