Var | Un père accusé de viols et tortures organisés sur ses propres enfants

LE PERE ET LE GRAND PERE ACCUSE DE CRIMES SEXUELS CONTRE LEURS ENFANTS ET PETITS ENFANTS

Illustration Photo Sébastien Botella

Un père de famille cannois divorcé originaire de Carqueiranne et son propre père de 80 ans ont été mis en examen, à Grasse, pour « viol incestueux sur mineur de moins de 15 ans » et « torture et acte de barbarie sur mineur de moins de quinze ans par un ascendant ».

Les victimes présumées : les trois enfants et petits-enfants, deux garçons et une fille qui ont entre 8 et 11 ans.

C’est la mère de famille qui a donné l’alerte. Une affaire qui aurait des ramifications jusqu’en Italie.

Un Cannois, originaire de Carqueiranne dans le Var, a-t-il commis ou non les atrocités dont il est soupçonné? Certes présumés, l’énoncé des faits qui lui sont reprochés glace le sang.

Le 4 décembre dernier, Serge, ce père divorcé de 44 ans, a été mis en examen par le juge Charlotte Gardé pour “viol incestueux sur mineur de moins de 15 ans” ainsi que “torture et acte de barbarie sur mineur de moins de quinze ans par un ascendant”.

Dans la foulée, début janvier 2020, Mario, 80 ans, le grand-père paternel, domicilié lui dans le Var, est également mis en examen pour des faits similaires. Compte tenu de son état de santé, il est, lui, placé sous contrôle judiciaire strict.

Les victimes présumées? Ce sont les trois enfants et petits-enfants de Serge et Mario. Deux garçons et une fille qui ont entre 8 et 11 ans.

Leur père est incarcéré depuis neuf mois à la prison de Grasse. Mais l’enquête est loin d’être close.

La fratrie affirme avoir été la proie de plusieurs membres de la famille à Cannes et dans la Var.

Elle évoque aussi des “ hommes masqués” lors de leurs vacances dans un petit hameau de la région de Cuneo.

Plusieurs commissions rogatoires ont ainsi été délivrées, en France et en Italie.
Dans un souci de protection des mineurs, les noms des protagonistes de ce dossier ont été modifiés.

Ce sont Antoine, 10 ans, Julien, 9 ans et Elisa, bientôt 8 ans qui, à l’automne 2019, se sont spontanément confiés à une éducatrice chargée d’une mesure d’assistance qui courait depuis un an.

Un an plus tôt en effet, Antoine, Julien et Elisa s’étaient plaints auprès de leur maman, Nadia, 37 ans, du comportement de leur père.

Nul soupçon alors de sévices sexuels. Les trois enfants évoquent des fessées trop appuyées et très régulières à leur goût, bien qu’ils ne voient plus leur père qu’un week-end sur deux.

Elisa, la benjamine, reproche à son père de

“l’obliger à prendre la douche avec lui et de la frotter trop fort”.

Et surtout, les trois parlent de brimades, notamment d’un jour où leur père les aurait abandonnés sur une aire d’autoroute entre Cannes et Toulon, les laissant seuls pendant une demi-heure pour les punir d’avoir chahuté à l’arrière de la voiture.

Nadia a refait sa vie. Se consacrant tout entier à son travail, Serge est célibataire. Bien que divorcé depuis 2015, le couple s’entend bien.

“On en parle donc assez librement. Il me dit alors que tout cela est très exagéré. Que fessées il y a sans doute eues, mais qu’il va s’amender. Il me jure aussi qu’il laissera désormais la petite se doucher toute seule. Je me dis que les petits vivent peut-être mal le contraste entre mon éducation et celle plus stricte de Serge. Je fais certes un signalement, mais à ce moment-là j’ai toute confiance en lui”,

raconte Nadia.

Nadia, la mère de famille divorcée, a fait un signalement après que ses enfants se sont plaints du comportement de leur père, son ex-mari. DR

Aujourd’hui sous le choc, Nadia confesse avoir toujours poussé “les petits” à garder le contact avec leur père.

“Ils faisaient souvent des caprices terribles pour aller chez lui. Jusqu’en 2018, j’ai toujours tenu bon. Je leur disais qu’on n’était plus amoureux, mais qu’on était de très bons amis. Et avec du recul, je m’en veux terriblement.”

Car c’est ce signalement qui conduit les trois enfants à être suivis par une éducatrice de Grasse. Et c’est elle qui, un an plus tard, le 30 octobre 2019, recevra la terrible confession de Julien.

Il a alors 10 ans. Il est le cadet. Il demande à pouvoir lui parler seul, hors la présence de sa maman. En fait de longs discours, il se serait alors contenté de lui tendre un carnet secret, lui demandant de le lire… mais surtout pas à haute voix.

Dans ce cahier, d’une écriture fébrile, il raconte les sévices présumés que son père lui ferait subir depuis 2015. Détail glaçant, il illustre son témoignage de dessins censés représenter son calvaire présumé.

Tout bascule alors. L’éducatrice transmet immédiatement ces “informations préoccupantes” au juge pour enfants.
Cette fois, Nadia, la mère, porte plainte sur les conseils de son avocat, Me Badenes.

Interrogés par les gendarmes de Mandelieu quelques semaines plus tard, Antoine, Julien et Elisa confirment séparément le témoignage initial de Julien.

Ils l’agrémentent d’autres faits présumés. Ciblant plusieurs personnes de l’entourage familial de leur père dont ils disent avoir été victimes.

Évoquant des soirées dans un bois en Italie avec “un homme masqué”: quand Serge, pour raison professionnelle, ne pouvait les garder pendant les vacances scolaires, c’est dans un petit hameau du Piémont que les trois enfants étaient régulièrement confiés à leurs grands-parents ou à leurs oncles et grands-oncles.

Ils racontent notamment que Mario, leur grand-père, leur aurait fait subir les mêmes abus supposés que leur père:

Des faits de viols répétés – pénétration digitale et buccale – mais aussi de pratiques scatologiques, scatophagies et urologiques (la coprophagie (ou scatophagie) consiste à consommer des matières fécales, ndlr) sous contrainte.

Et sous la menace de mort en cas de divulgation de ces atrocités présumées.

La suite de l’enquête est une succession d’expertises psychiatriques afin de déterminer le degré de crédibilité de la parole des enfants, d’écarter les risques de phénomène “récitatoire” pouvant laisser supposer que leurs confessions seraient orientées, voire suscités par un tiers.

Mais aussi d’auditions des parents et des proches du père. Selon les enfants, les faits se seraient déroulés entre 2015 et fin 2018 dans le studio de Cannes qui est la résidence principale de leur père. Dans la villa des grands-parents à Carqueiranne. Et en Italie dans un petit hameau du Piémont. Plusieurs commissions rogatoires ont été lancées.

Neuf mois après son incarcération, Serge, le père, clame son innocence (lire par ailleurs). S’il vient de perdre par décision de justice son autorité parentale, il conserve l’espoir de retrouver ses enfants.

Le mot « machination » n’est jamais prononcé, mais ses proches ne sont pas loin d’en être convaincu.

Confiées à la garde exclusive de leur maman, les trois victimes présumées souffrent, elles, des troubles psychologiques graves – peur panique, hallucination et régression infantile qui se manifestant par des problèmes récurrents d’incontinence.

Fin juillet, la toute première confrontation d’Antoine, Julien et Elisa avec leur père à sa demande aurait été pour eux une souffrance.

L’issue de ce premier crucial face-à-face n’a pas filtré.

“LA PAROLE DES ENFANTS N’EST CORROBORÉE PAR RIEN!”

Depuis sa cellule, Serge n’a jamais cessé de clamer son innocence. Son conseil, Me Rebaudengo, que nous avons contacté, se refuse à tout commentaire sur ce dossier. Ses demandes de mise en liberté ont jusqu’à présent été refusées.

En mars dernier, Serge avait d’ailleurs engagé une grève de la faim pendant sept jours. S’il n’est pas à l’isolement, seul André, son ancien patron, a obtenu un droit de visite au parloir de la prison de Grasse. Ce dernier est d’ailleurs aujourd’hui son meilleur avocat:

“Je vais le voir une fois par semaine.”

Ce Cannois d’une quarantaine d’années a, il est vrai, mis toute sa confiance en Serge. Depuis qu’il l’a recruté en 2005, il lui a permis de gravir tous les échelons dans sa société, lui confiant le management de la relation entreprise.

Serge, le père de famille, est incarcéré à la maison d’arrêt de Grasse. Seul André, son ancien patron, a obtenu un droit de visite au parloir.

Serge, le père de famille, est incarcéré à la maison d’arrêt de Grasse. Seul André, son ancien patron, a obtenu un droit de visite au parloir. Photo J.-F. Ottonello

“Depuis huit mois, on lui a interdit les visites des membres de sa famille. Ok, mais plusieurs demandes de parloir ont également été déposées par des collègues de travail, et toutes
ont été rejetées… Pourquoi?”,

s’interroge-t-il.

Le secret qui a été la règle autour de cette enquête de la gendarmerie de Mandelieu, il a pensé parfois à le briser.

“Je me disais qu’il était peut-être utile qu’on parle de cette affaire, pour faciliter la recherche de la vérité.”

André ne mâche pas ses mots:

“J’ai côtoyé Serge pendant plus de dix ans, je suis pourtant père moi-même de deux enfants, les actes dont on parle sont odieux, mais j’ai l’intime et absolue conviction qu’il est tout simplement innocent. Peut-on laisser un homme neuf mois en prison, sur la base de témoignages de si jeunes enfants?

La parole des enfants est toujours à prendre en compte, mais si elle n’est pas corroborée par des éléments de preuve ou des constatations précises, est-elle suffisante pour faire subir cela à un père ? Or, il n’y a rien dans ce dossier.”

Les “lenteurs de l’instruction ” causées en partie par la crise de la Covid-19 inquiètent le patron et ami du mis en examen:

“Les enfants ont porté des accusations contre plusieurs personnes de la famille. Aujourd’hui, la commission rogatoire qui a été lancée en Italie a été réalisée, des perquisitions ont été effectuées dans les maisons familiales du Piémont.

S’il n’en est rien sorti, n’est-il pas temps à tout le moins de permettre à Serge d’obtenir un contrôle judiciaire, même très strict. Cet homme est innocent, il est à bout et je suis très inquiet pour lui compte tenu de ce qu’il vit en détention.”

UN PÈRE DIVORCÉ COMME TANT D’AUTRES?

Jusqu’à son interpellation début décembre 2019, Serge est un père divorcé comme tant d’autres. Aucun antécédent judiciaire. Une vie normée pour cet homme de 44 ans qui partage son existence entre un job qui le passionne et l’éducation de ses enfants.

C’est à l’Université de Toulon-La Garde qu’il a fait toutes ses études. Il y a décroché une thèse de troisième cycle (bac + 6) en audit des entreprises.

Après un court contrat dans l’Armée pour des missions de formation, il est embauché par une structure d’insertion à Cannes.

Alors que toute sa famille vit entre Carqueiranne et Six-Fours, Serge commence une nouvelle vie sur la Côte d’Azur. Il y joue au football à un bon niveau dans un club du bassin cannois.

Très attentif à son hygiène de vie, il pratique plusieurs sports, le jogging et de la musculation. Hors son emploi qu’il prend très à cœur, la musique est sa grande passion. Guitariste, Serge joue dans un groupe de rock niçois. Concerts. Projet de disque même.

C’est d’ailleurs à Cannes qu’il rencontre Nadia en 2005. Elle est hôtesse d’accueil dans l’événementiel. En 2007, ils se marient. Dès la naissance de leur premier enfant en 2011, elle décide de se consacrer à son rôle de maman.

Un choix concerté pour ce jeune couple d’autant qu’un an plus tard, né un second fils et que 14 moins plus tard c’est l’arrivée de la benjamine.

Comme souvent, l’arrivée des enfants perturbe l’équilibre du couple. Ni heurts, ni disputes retentissantes.

En 2015, le divorce se fait en bonne intelligence. Une fin en douceur qui, s’il la subit, ne semble pas déstabiliser Serge. Ce dernier accepte de verser une pension alimentaire de 1 800e. Le jugement prévoit qu’il prendra ses enfants un week-end sur deux et pendant les vacances scolaires.

Serge se donne alors à fond dans son travail. Il est d’ailleurs décrit par ses proches et ses collègues de travail comme un homme
« sincère, calme, loyal, très attaché à son rôle de père ».

Bien que très réservé sur sa vie privée, il ressemble à un jeune divorcé… qui n’aurait pas encore refait sa vie.

Du moins jusqu’à ce que surviennent les premiers témoignages de ses enfants fin 2018. Il ne s’agit pas encore d’accusation relevant d’abus sexuel (lire par ailleurs), mais le destin de ce quadragénaire bascule à ce moment-là.

“DES ACTES MONSTRUEUX”

Me Massimo Bianchi, l’avocat des enfants, Photo DR

 

Tout autant que Me Rebaudengo, l’avocat du père, le conseil qui intervient dans ce dossier aux intérêts des trois enfants s’interdit de commenter le fond du dossier.

Avocat au barreau de Marseille, Me Massimo Bianchi est entré tardivement dans le dossier.

“Je le rappelle, le père de ces enfants demeure présumé innocent en vertu d’un des principes fondamentaux souvent oubliés dans notre code de procédure pénale. Si j’interviens en qualité de conseil “pro bono” (N.D.L.R. : à titre gracieux) des trois enfants mineurs Antoine, Julien et Elisa en leurs qualités de parties civiles, c’est uniquement parce que je suis convaincu de la véracité de ce qu’ils ont indiqué et qui a déclenché l’ouverture de cette procédure.

La cohérence, la concordance et la confirmation de leurs paroles révélant les actes monstrueux dont ils se prétendent unanimement victimes et ce, en adéquation avec leurs séquelles psychiques et physiologiques, démontrent malheureusement suivant mon analyse « de facto » l’authenticité des accusations qu’ils ont formulées.”

APPEL A TEMOIN

 

Nous lançons un appel à témoin, pour toute personne désireuse de faire avancer l’enquête et qui possède des informations complémentaires concernant l’affaire. Merci de bien vouloir rentrer en contact avec nous, via les coordonnées suivantes :

WantedPedo mail :

wantedpedo@hotmail.com

téléphone :

07.86.67.66.24

 

source : varmatin

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