Une ancienne athlète raconte l’emprise et les violences sexuelles de son entraîneur
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Pédocriminel En liberté
- 19/11/2025
- 10:28
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“Ce n’était pas une histoire d’amour, c’était une histoire d’emprise”.
En novembre 2023, Anne, une ancienne athlète d’aviron girondine, fait un signalement pour viol sur mineur avec circonstance aggravante d’autorité sur la victime, contre Xavier G., son ancien entraîneur. Durant des années, il aurait entretenu une relation avec son élève de 13 ans de moins, comme l’ont révélé nos confrères de l’Équipe.
Trente ans après, Anne a choisi de sortir du silence pour “protéger les autres enfants”.
Entraîneur reconnu dans le monde de l’aviron, Xavier G. coachait encore il y a un an, des athlètes au sein de la Société Havraise Aviron, située en Seine-Maritime, avant d’être interdit d’entraîner, en octobre 2024. Des accusations réfutées depuis le départ par le principal intéressé.
“Mon client a toujours contesté avoir eu le moindre comportement inadapté. Il considère donc que les faits reprochés ne sont pas établis”
, indique Me Nicolas Desmeulles, l’avocat de l’entraîneur.
“Charismatique et respecté”
Pour Anne, l’aviron a été “une révélation”.
“Ce que j’aimais, c’est que c’était un sport exigeant”
, se remémore-t-elle.
Habitant à Mérignac, près de Bordeaux, la collégienne rejoint l’Émulation nautique de Bordeaux en 1991. Elle fait la rencontre de Xavier G., alors âgé de 27 ans, appelé par le club bordelais pour ses résultats notoires.
“Il était charismatique, respecté et exigeant. Si on voulait faire partie des bateaux, il fallait être présent sans arrêt”
, se souvient Anne.
L’adolescente évolue rapidement, décroche plusieurs titres de championne de France et réalise des stages au sein de l’équipe de France. “Quand les résultats sont arrivés, je me suis mise à y croire et une relation de confiance s’est installée, explique celle qui s’entraînait quinze heures par semaine au lycée. Il me motivait, me rassurait, me faisait croire en mes capacités.”
Grâce à cette relation de confiance, Xavier G. devient le chauffeur d’Anne.
“Il a proposé à mes parents d’aider dans la logistique pour les entraînements. Il venait me chercher au collège. À l’époque, je prenais ça comme un privilège”
, détaille-t-elle.
Des allers-retours réguliers, entre le club, le collège et le domicile d’Anne. “Un été, il a prétexté avoir besoin d’aller chercher quelque chose chez lui. C’est là où il y a eu les premiers gestes”, se remémore douloureusement Anne, trente ans après les faits.
J’étais pétrifiée, je n’avais jamais eu d’expérience avec des garçons
La Girondine indique alors débuter, dans le silence, ce qu’elle qualifie aujourd’hui son “histoire d’emprise”.
“Vous savez que ce que vous ressentez n’est pas normal, mais personne ne parlait de tout ça à l’époque”
, souffle-t-elle.
Au lycée, Anne se souvient de la présence de son entraîneur, à chaque pause méridienne. “Il venait me chercher à midi. Parfois j’allais m’entraîner mais souvent, il m’emmenait dans son appartement puis me ramenait en cours”, explique Anne.
Dans ses souvenirs, ce studio, situé dans le centre de Bordeaux n’était aménagé que d’un matelas, posé à même le sol.
“C’était crade. Il n’y vivait pas.”
“J’étais seule”
Loin d’une jeunesse classique en raison de ces entraînements soutenus, Anne s’isole davantage. “Quand vous êtes jeunes, vous avez envie d’être avec vos copains, d’avoir vos amourettes d’ados. Moi, je n’avais pas le droit, confie-t-elle. Ma vie était résumée au sport et à l’école. Lui, il était partout.” À l’aviron d’ailleurs, leur relation crée des tensions, de la distance avec ses coéquipières.
“La proximité et la préférence qu’il avait pour moi, ça m’a aussi isolée du groupe”
, regrette Anne.
Quand les parents d’Anne découvrent les faits, ils interdisent à l’entraîneur “toute relation” avec leur fille. En vain. “Je leur ai fait du chantage affectif parce que j’étais sous emprise et persuadée de vivre une histoire d’amour. Ils étaient pris au dépourvu, ne savaient pas comment réagir, tempère Anne. Ils n’ont pas parlé parce qu’ils craignaient que ça nuise à ma carrière.”
Durant leurs deux mois d’enquête, les journalistes de l’Equipe Léonie Perano et Matthieu Cazalets vont échanger avec les anciennes coéquipières et membres du staff. “Xavier G. était adoré du club et avait une place prédominante au sein de la direction, donc les gens ne disaient rien”, explique Léonie Perano.
Contacté, Didier Mau, président de l’Emulation nautique de Bordeaux au moment des faits, n’a pas souhaité s’exprimer “au regard du secret de l’instruction en cours”.
Ce sont des systèmes qui sont établis depuis tellement d’années qu’il n’y avait pas de réaction. L’omerta découle de tout ça.
Au travers de multiples témoignages évoquant ses méthodes “musclées“, voire “odieuses” et “violentes“, les journalistes de l’Équipe vont découvrir l’existence d’autres victimes présumées de l’entraîneur.
“Nous avons notamment eu plusieurs témoignages qui pointaient une autre femme”
, confirme Léonie Perano.
Remettre en ordre le puzzle
“Conditionnée à accepter des choses inacceptables”, Anne a un déclic, trente ans plus tard, lors d’un ciné-débat sur le thème de la violence dans le sport, organisé par une agent du comité olympique.
“J’ai entendu les personnes témoigner et je me suis dit que c’était mon histoire qu’ils décrivaient”
, explique la quadragénaire.
Vous remettez en ordre les pièce du puzzle et vous vous dites qu’entretenir une relation avec une gamine de 14 ans, c’est pas de l’amour, c’est du viol.
En novembre 2023, Anne décide alors d’alerter la fédération d’aviron qui la redirige vers l’association Colosse aux pieds d’argile. “J’ai été entendue par le service de la jeunesse et des sports et au vu de mes déclarations et des circonstances aggravantes, le parquet a été saisi”, explique Anne, qui a, par la suite, été entendue par un officier de police.
“Depuis, presque rien n’a bougé. C’est comme si on attendait un épuisement de la victime.”
De son côté, Me Nicolas Desmeulles évoque également un “signalement réalisé par l’administration en application de l’article 40” auprès de la procureur de la République du Havre, sans entrer dans les détails, au regard du secret de l’instruction.
“Sanction disproportionnée”
Son client, est depuis parti s’installer au Havre où il entraîne d’autres rameurs et rameuses. Pour “protéger” ces jeunes sportifs, Anne décide aussi de faire un signalement, épaulée par l’association Colosse aux pieds d’argile, aux services de l’Etat et notamment la Cellule Signal-sport, mise en place en décembre 2019.
Une enquête administrative est ouverte à Bordeaux puis délocalisée en Seine-Maritime. Une vingtaine de personnes des clubs bordelais et havrais vont être auditionnées entre l’automne 2023 et l’été 2024.
Le préfet de Seine-Maritime prend un arrêté le 23 octobre 2024, notifié à Xavier G. par le service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES) : une interdiction définitive d’exercer une fonction éducative et sportive, professionnelle ou bénévole et une interdiction d’intervenir auprès d’un public mineur, dans le cadre d’activité physique et sportive.
En cascade, le ministère des Sports lui retire sa carte professionnelle d’éducateur sportif.
La sanction s’avère injustifiée, à tout le moins, largement disproportionnée.
Quelques mois plus tard, le sexagénaire conteste la décision préfectorale devant le tribunal administratif de Rouen. Le recours en annulation demandé par son avocat était étudié ce vendredi 7 novembre, au Tribunal administratif du Havre. Si le délibéré est annoncé au 21 novembre, son avocat est confiant.
“Le rapporteur public, un magistrat sur lequel les juges s’appuient pour prendre leur décision, a produit un mémoire favorable à mon client”
, explique Me Nicolas Desmeulles.
Selon l’avocat, le rapporteur n’aurait ainsi pas jugé l’interdiction “nécessaire” au regard des éléments qui lui ont été soumis et demanderait son annulation. “Depuis 30 ans, il n’y a rien qui puisse être reproché à mon client, donc le risque prétendu qu’il ferait courir aux licenciés quand il gère l’entraînement est inexistant”, assure son conseil.
“Aucun témoignage concernant des comportements prétendument inappropriés n’a été recensé et que, bien au contraire, les licenciés de son club ont été unanimes à lui manifester leur soutien, au même titre d’ailleurs que son employeur.”
Son employeur était notamment présent à l’audience de ce vendredi.
Présent au Championnat de France
Xavier G., alors sous le coup de ces interdictions, a été aperçu par plusieurs témoins, lors des Championnats de France 2025, à Libourne, en juin 2025. Des dizaines de clichés l’affichent sur un ponton, échangeant avec les équipes et à proximité des jeunes athlètes. “Quand j’ai appris ça, ça a été un bouleversement, une colère”, fulmine Anne qui signale immédiatement sa présence.
“Si les sanctions ne sont pas appliquées, les agresseurs potentiels peuvent continuer d’agir en toute impunité.”
Ça veut dire que potentiellement, tous les gamins peuvent être en danger.
Sur place, la FFA ne peut agir, indiquant ne pas posséder de “pouvoir de police”. “La sanction c’est l’interdiction d’encadrer. Il n’était pas missionné par le club ce jour-là, indique la fédération qui fait cependant remonter “tout de suite” aux autorités administratives la présence de l’ex-entraîneur. Il se trouvait dans une zone réservée aux équipes, d’où on a considéré qu’il devait s’en aller”, précise la Fédération.
Simple spectateur ou missionné en tant qu’entraîneur par son club : son statut serait difficile à déterminer au regard des preuves et témoignages recensés lors d’investigations lancées suite aux signalements d’Anne et de la Fédération française d’aviron (FFA).
Si l’infraction était caractérisée, une fermeture administrative pourrait être ordonnée à l’encontre du club havrais, ainsi que le signalement aux autorités judiciaires du non-respect d’une mesure administrative constituant un délit.
Parents, éducateurs, enfants
Aujourd’hui, Anne l’affirme, elle n’a “pas de colère”. “Je ne veux pas le punir. Je veux que les choses soient sues pour qu’on puisse avancer ensemble. Quand on met un enfant dans un club, on veut qu’il soit protégé”, explique celle qui est aujourd’hui mère d’une jeune fille.
Anne milite notamment pour une prévention accrue, auprès des encadrants, mais aussi auprès des enfants et des parents.
“Il faut faire de la sensibilisation auprès de toutes les parties pour que chacun puisse réagir rapidement, détaille Anne. Cette sensibilisation devrait faire partie intégrante du parcours d’intégration dans un club.”
“Il y a quelque chose de grave qui s’est passé, maintenant, qu’est-ce qu’on en fait pour ne plus que ça se reproduise ?”
Au cours de leur enquête, Léonie Perano et Matthieu Cazalets pointent eux aussi “le manque d’investissement” et les “difficultés” au sein des fédérations pour mettre en place ces protections. “Il y a des prospectus, des formations mais rien d’obligatoire, de contraignant”, confirme Léonie Perano.
De son côté, la Fédération française d’aviron assure avoir mis en place depuis des années des sessions de sensibilisation dans “toutes les formations de l’éducateur sportif “ pour être “plus réactif dès qu’il y a des comportements déviants”.
“Nous avons également signé une convention avec l’association Colosse aux pieds d’argile auprès de qui on sollicite régulièrement des interventions pour les jeunes, les encadrants mais aussi les structures”, souligne-t-elle.
En parallèle, la FFA indique avoir lancé une étude sur le sexisme au sein de leur discipline.
“Elle a débouché sur une campagne pour prévenir les situations qui peuvent engendrer de l’emprise ou de la soumission.”
La Fédération s’est également dotée d’un organe disciplinaire, créé pour recevoir les signalements et faire des rapports aux autorités.
Depuis son témoignage, Anne affirme avoir reçu deux autres retours de victimes de violences sexuelles dans le monde de l’aviron, dont une présumée de Xavier G., la remerciant d’avoir levé le voile sur une omerta. Suite aux mesures administratives, la Société Havraise d’aviron a modifié la fiche de poste de Xavier G. afin de respecter les interdictions.
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