Suisse | Un pédocriminel en fuite au Portugal est acquitté en appel, en son absence

Condamné en 2017 à 3 ans et demi de prison ferme, un Portugais a été acquitté en son absence par le Tribunal cantonal neuchâtelois. Sa fille a pourtant été jugée crédible.

Lors de son premier procès devant le Tribunal criminel de La Chaux-de-Fonds, le quadragénaire s’était engagé à ne pas fuir au Portugal dans l’attente de sa comparution en appel. Image: Jean-Guy Python

«Mon client s’engage ici devant vous à ne pas fuir dans son pays d’origine.» Ces propos remontent au 17 août 2017 et ont été tenus face au tribunal criminel neuchâtelois des Montagnes par l’avocate de Nino*. Un maçon portugais – alors âgé de 45 ans – accusé de viol par sa fille Carla*.

Des abus qui auraient été commis durant sept ans, jusqu’en 2008 – la victime présumée avait alors entre 10 et 16 ans –, entre leurs lieux de vie successifs : principalement dans un hameau du Jura français, également dans les Franches-Montagnes et à La Chaux-de-Fonds.

Les trois juges avaient alors qualifié le récit de la plaignante de «riche (en détail), cohérent, spontané», sans entrevoir la moindre «tendance à l’exagération, et condamné Nino aux 3 ans et demi de prison ferme requis par la procureure Sylvie Favre.

Sans toutefois ordonner une incarcération du quadragénaire dans l’attente de son éventuel procès en appel, compte tenu de ses attaches en Suisse.

À savoir son amie, avec laquelle il vivait depuis dix ans, et une place de travail à durée indéterminée décrochée au printemps 2017.

Seulement voilà : il y a trois mois, le maçon s’est réfugié au Portugal.

La relation avec sa compagne «caution» s’est terminée.

Et ses ressources financières ne lui permettraient plus de refaire le trajet jusqu’à Neuchâtel.

«C’est uniquement parce qu’il a peur, et qu’il a quelque chose à se reprocher», a déclaré hier la discrète Carla en réponse aux questions des juges cantonaux.

Avant de se dire «en colère».

À l’heure du nouveau verdict, coup de théâtre: la Cour d’appel pénale a prononcé l’acquittement du condamné.

Tout en confirmant le caractère crédible des déclarations de la plaignante et décrété que cette dernière n’avait aucun intérêt à inventer ses accusations.

Soit le fait d’avoir été abusée au domicile familial, parfois en visionnant un film pornographique, au volant, dans les bois, et même lorsque Nino la conduisait au catéchisme…

La cour a en outre noté que la relation sexuelle que l’accusé (lui-même abusé dans son enfance) avait entretenue au Portugal avec sa nièce par alliance, alors âgée de 20 ans «ne parlait pas en sa faveur».

Lui en avait alors 34.

«Nous ne disons pas que la plaignante n’est pas crédible, ni que le prévenu est innocent.

Mais qu’en fonction des éléments au dossier, il reste un doute», a justifié le juge cantonal Pierre Cornu, après avoir qualifié la culpabilité du maçon de «probable».

Et de reprocher à la procureure Favre de «ne pas avoir apporté de preuves suffisantes».

«Ce dossier ne montre que des éléments de crédibilité, on ne peut pas se contenter de dire : c’est dommage qu’il n’y en ait pas d’autres», réagit la représentante du Parquet de La Chaux-de-Fonds, qui se dit «surprise» par un jugement «ambigu».

«Je ne me suis pas battue pour qu’il s’en sorte…», a spontanément lâché Carla à la sortie du tribunal.

Enceinte d’un deuxième enfant, la Neuchâteloise aura la lourde tâche d’expliquer un jour à sa fille, aujourd’hui âgée de 19 mois, pourquoi elle l’aura tenue à l’écart de son grand-père maternel.

En dépit de ce verdict d’acquittement.

Source : Le Matin

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