Bobigny | Il monnayait des rapports sexuels avec des adolescents

C’est la rencontre de deux mondes misères », se désole une avocate avant le début de l’audience, lundi soir très tard au tribunal de Bobigny. D’un côté, le monde de David* et Ilies*, placés dans un foyer, 14 ans et déjà beaucoup de bleus à l’âme. De l’autre, celui de Fawad* et de quelques compatriotes qui ont élu domicile dans un recoin de l’A86 depuis près de deux ans.

Photo Le Parisien

Voilà sept ans que ce jeune homme de 28 ans a quitté femme et enfant au Pakistan pour une vie meilleure en Europe. Il travaillait au noir sur les marchés.

Lundi, il a été condamné à un an de prison ferme pour avoir monnayé des relations sexuelles avec les adolescents, contre quelques euros ou un joint de cannabis.

Les adolescents n’étaient pas là pour le raconter, laissant les avocates Perrine Crosnier et Sophie Jauneau, au nom du conseil départemental, l’administrateur ad hoc parler en leur nom.

« Arrêtés pour une affaire de feux de poubelle, c’est incidemment qu’ils ont expliqué avoir eu des relations sexuelles en échange d’argent ou de cannabis », relate la présidente Hélène Langlois.

La rencontre avec Fawad s’est faite en présence de l’éducateur. Un match de foot avait été annulé, la sortie a finalement eu lieu dans ce parc au-dessus de l’A86. D’après l’enquête, l’éducateur était au téléphone lorsque les adolescents ont été présentés à Fawad.

« Il a demandé à David de lui faire des bisous contre de l’argent, il a eu une relation sexuelle avec lui. Puis avec moi », a expliqué Ilies à la brigade des mineurs de Bobigny.

Deux, trois fois, personne ne sait très bien combien de fois les rencontres ont eu lieu, mais ce qui est acquis, c’est que les mineurs sont retournés dans le recoin de l’A86 après leur audition par les policiers.

« Il nous devait de l’argent », ont-ils justifié.

Fawad a été interpellé le 2 novembre et confronté aux adolescents, qui n’ont jamais varié.
Leur témoignage a été jugé des plus crédibles, tant par la brigade des mineurs que par les médecins qui leur ont prescrit 10 jours d’incapacité totale de travail (ITT) pour le retentissement psychologique.

Dans le box, l’air totalement hébété, Fawad répète son innocence. « Je suis un bon pratiquant de l’islam, je suis choqué qu’on m’accuse » dit-il, par la voix d’un traducteur, en jetant un œil à ses compatriotes dans la salle. Après avoir nié que les enfants étaient entrés dans son squat, il a admis qu’ils y étaient venus « pour fumer la chicha ».

« Pourquoi avez-vous nié les connaître alors ? » interroge son avocat Me Sofiane Zoghlami.

« J’avais peur de la police… » dit-il sans vraiment convaincre.

« En France, les relations homosexuelles ne sont pas interdites, en revanche ce qui nous préoccupe ce sont les enfants en danger, prostitués », tente de lui faire comprendre la substitut du procureur, Olivia Farges.

En plus des douze mois de prison, et de 6 000 € à payer pour le préjudice moral, Fawad sera inscrit au fichier judiciaire des auteurs d’agressions sexuelles.

*Tous les prénoms ont été modifiés


Les adolescents sont retournés dans leur foyer 

Contrairement à ce qui a été indiqué au procès, l’éducateur en charge des adolescents au moment de leur rencontre avec Fawad, n’a pas été licencié. « Il était intérimaire et son contrat a pris fin », précise le directeur de la structure qui accueille toujours les deux adolescents à Drancy.

Aucune sanction n’a été prise contre le vacataire. Cette structure est partenaire de l’aide sociale à l’enfance du 93 et avait remporté un appel d’offres pour l’accueil des enfants en très grande difficulté, précise le conseil départemental. En cours d’ouverture en octobre, la structure basée à Drancy a eu recours à des intérimaires.

« Depuis, nous avons embauché des éducateurs » dit le directeur précisant que le lieu d’accueil « n’est pas un centre éducatif fermé » à vocation répressive, mais un lieu où il est surtout question de « créer du lien et redonner confiance ».

« L’important, c’est ce lien, et on obtient des résultats », dit-il. Le recours à la prostitution de ces jeunes de 14 à 18 ans, n’est pas un cas isolé.

« Avec leur vécu, ils n’ont pas toujours conscience de la gravité », explique le directeur.

« On a beaucoup travaillé avec eux (les deux adolescents, NDLR) pour qu’ils témoignent auprès des policiers et des avocats pour le procès », ajoute-t-il.

Source : http://www.leparisien.fr

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