
Seilh | Deux anciennes élèves accusent une religieuse de violences sexuelles
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
non
- 13/05/2025
- 18:47
Catégories :
Mots clés :

Deux anciennes élèves d’un établissement scolaire catholique de Seilh, à l’ouest de Toulouse, témoignent des violences sexuelles qu’elles auraient subies de la part d’une sœur dominicaine, à des années d’intervalle.
L’une d’elles a été reconnue comme victime par la Commission Reconnaissance Réparation (CRR) mais depuis rien n’a bougé.
Les Dominicaines font au contraire corps pour protéger l’image de leur sœur.
D’après les victimes présumées, un viol et des agressions sexuelles auraient eu lieu.
Ces femmes aujourd’hui âgées de 58 et 45 ans étaient collégiennes à l’époque. Elles sont persuadées de ne pas être les seules victimes.
Nous avons rencontré trois autres pensionnaires qui appuient ces témoignages et dressent le portrait d’une religieuse aussi charismatique que malveillante.
Une aura décrite comme “extraordinaire”
En 1996, Sophie* passe en classe de 3e. Elle est scolarisée dans un établissement catholique à Seilh, au nord-ouest de Toulouse. Elle se trouve enthousiasmée par une des sœurs qui encadre le groupe. Une femme assez jeune, qu’on nommera sœur Anna pour préserver son anonymat.
Une sœur qui ne ménage pas ses efforts pour attirer la sympathie des élèves.
“C’est une personne qui dégage une aura extraordinaire”, explique Sophie aujourd’hui âgée de 45 ans.
“C’est un peu Whoopi Goldberg dans “Sister Act”… Une personne très rock’n’roll, très solaire, emblématique. Elle paraît extrêmement sympathique et elle a des attitudes avec nous très maternelles, dans sa façon de nous prendre dans les bras, de se coller à nous.
Elle a vraiment ce côté tactile qui peut faire penser qu’elle est pleine de bienveillance mais, en fait, c’est avec des intentions complètement autres”.
Des accusations de câlins au viol
La sœur est présente pendant les temps de récréation, elle est aussi chargée de la surveillance des élèves, le soir, à l’internat. Sophie est interne.
“Elle venait toujours se lier aux conversations, elle venait nous faire des câlins. C’était la sœur vers laquelle toutes les élèves se dirigeaient pour se confier sur leurs problèmes”.
Rien de suspect jusqu’au jour où Sophie apprend le décès de son oncle. Elle est bouleversée.
“Je pleurais évidemment. Elle m’a mise à l’écart des autres élèves. Elle m’a dit qu’elle allait s’occuper de moi. Elle m’a emmenée dans une salle de bains. Elle a fait brûler de l’encens et a commencé à me nettoyer. Je suis dans la baignoire, nue. Elle me dit de fermer les yeux, de me calmer et de m’étendre.
Et là, j’ai été pénétrée avec un objet, je n’avais jamais eu de rapport, je ne savais pas ce qui se passait”.
Tentative de suicide
“Je pense qu’elle m’avait donné aussi quelque chose pour me calmer car j’étais dans un état un peu inerte. Après, quand on est reparti de cette pièce où elle m’a dit de surtout pas m’en faire, que c’était normal, elle m’a empêchée de parler à des personnes que j’ai croisées dans le couloir.
Je pleurais beaucoup, des camarades ont voulu savoir ce qui se passait, elle leur a dit : “non, ne vous en faites pas, je m’en occupe”.
Sophie explique qu’alors elle regagne sa chambre et supplie qu’on appelle sa famille, qu’on vienne la chercher. Elle décrit un problème gynécologique.
“J’avais le sexe extrêmement enflé, j’avais les lèvres inférieures qui étaient très épaisses. J’ai refusé l’examen gynécologique, on m’a juste donné de quoi me calmer et on m’a traité comme si j’avais un problème gynécologique banal. Je n’avais pas du tout les mots, je ne comprenais pas ce qui s’était passé. Je ne le comprenais pas et je ne pouvais pas y croire”.
Sophie regrette aujourd’hui de ne pas avoir laissé le médecin l’examiner. Après ce qu’elle décrit elle-même comme un viol, la scolarité de la jeune fille devient chaotique.
“Je me suis mise à être absente presque tout le temps… Je trouvais de l’apaisement uniquement quand on s’éloignait de cet établissement. Je faisais tout pour partir, je me souviens d’une époque où je ne me nourrissais plus à l’internat. J’évitais au maximum qu’on soit seules. J’ai fait une tentative de suicide”.
Déscolarisée
Suite à cela, Sophie a été déscolarisée. Aujourd’hui encore très marquée par cet évènement vécu comme traumatique, Sophie dit s’être réfugiée pendant des années dans le déni. Mais elle a dû faire face à son mal-être.
Au fil de sa dépression, les souvenirs sont remontés à la surface. Elle a déposé plainte en 2023 mais sans résultat.
Celle-ci vient d’être classée sans suite faute d’éléments suffisants. Fait étonnant car une autre victime présumée s’est signalée, comme l’a révélé France 3 en 2019.
Elle met en cause cette même sœur Anna. Cette femme est aujourd’hui âgée de 58 ans.
Pour elle, les faits dénoncés sont prescrits d’un point de vue judiciaire. Mais une “pré-enquête canonique” a été ouverte en 2018 et elle a été reconnue comme victime par la CRR (Commission reconnaissance et réparation).
Alice* était elle aussi en 4e quand elle affirme avoir été agressée par sœur Anna. Elle témoigne de baisers forcés, de caresses sur les seins, jusqu’à ce que les choses aillent plus loin.
Les agressions auraient eu lieu au sein de ce même établissement scolaire catholique, à Seilh.
“J’étais la seule à avoir une chambre tout au fond du dortoir, témoigne-t-elle. J’étais toute seule dans une chambre alors que les dortoirs à l’époque regroupaient 5 à 6 élèves. Elle venait me voir tous les soirs. Elle s’asseyait à côté de mon lit et elle me parlait.
Au début, il n’y avait rien de particulier, puis elle a commencé à s’asseoir et finalement s’allonger. Et après les caresses sont arrivées”.
“C’est à partir de là que j’ai eu peur…”
Alice a voulu parler à une autre sœur qui s’était interrogée sur la présence de la nonne chaque soir dans cette chambre. Mais cette surveillante, une étudiante, a été déplacée entretemps.
Quand sœur Anna a, d’après Alice, tenté de l’embrasser, la collégienne a réagi.
“Je l’ai repoussée fortement. Mais après, elle est revenue. En fait, ça se passait tous les soirs. Et quand elle ne venait pas dans ma chambre, le soir, elle écrivait un petit mot en me disant que ce soir, elle ne venait pas. Et elle me mettait le petit mot sous l’oreiller.
J’étais angoissée. Ma première action, c’était toujours d’aller voir sous l’oreiller s’il y avait un petit mot. J’avais peur… C’était… Je ne sais pas comment l’exprimer”.
“Je ne comprenais pas ce qui arrivait. La première fois, quand je l’ai repoussée, elle s’est excusée et elle est vite partie.
Et le lendemain, elle est revenue, comme si de rien n’était en fait. C’est à partir de là que j’ai eu peur. Quand elle arrivait dans le couloir, on entendait ses pas. J’avais même compté combien il y avait de pas. J’entendais ses pas, le rosaire qui…
Et c’est là que j’avais le plus peur… Je savais qu’il fallait que je sois gentille avec elle. Parce que sinon, le lendemain, c’était l’enfer”.
Alice décrit des réflexions, des humiliations visant à faire croire aux autres élèves qu’elle est mauvaise, voire qu’elle incarne le diable.
“Elle me disait aussi que je n’étais pas une bonne fille, que je ne ferai rien de ma vie, que je n’étais rien”.
“Cerbère dans les couloirs”
D’autres faits se seraient déroulés en dehors du dortoir :
“une fois, c’était très violent. J’étais derrière elle dans un escalier. Elle s’est retournée. Elle m’a coincée contre le mur. Elle me maintenait avec son bras. Elle me tenait comme si elle voulait m’étrangler. Et elle a essayé de m’embrasser.
Heureusement que quelqu’un est arrivé. Elle m’a lâchée et on est reparti. Et moi, je suis allée en classe et là, je pleurais. C’est une élève qui s’en est souvenue et qui m’a dit que je pleurais”.
D’autres collégiennes que nous avons interviewées se rappellent ce double visage de la nonne et certaines d’entre elles, de ce lien malsain qu’elle aurait instauré avec Alice.
Raphaëlle* dit avoir repéré rapidement ce comportement étrange. Elle témoigne du fait que la sœur venait chercher Alice en classe pour l’emmener avec elle faire des courses à l’extérieur. Elle se rappelle les soirées à l’internat.
“C’était notre Cerbère qui passait dans le couloir tous les soirs”, se souvient-elle.
Un soir, elle dit avoir surpris la sœur dans la chambre de son amie.
“Je suis rentrée exprès. Elle était en train de brosser les cheveux d’Alice. Je me rappellerai toute ma vie parce qu’Alice avait les cheveux très très longs jusqu’aux fesses. Et elle lui brossait les cheveux langoureusement. J’étais hyperchoquée. Je sentais qu’Alice avait peur. On savait… Enfin, moi, je savais qu’il y avait un truc qui n’allait pas. J’essayais de faire le maximum pour Alice. J’avais peur aussi”.
Face à la réaction de son amie, qu’elle décrit comme mutique et pétrifiée, la collégienne dit s’être fait punir plusieurs fois pour obliger la sœur à rester surveiller l’étude. Des faits que confirment les deux femmes aujourd’hui proches de la soixantaine.
D’après les victimes présumées, aujourd’hui âgées de 58 et 45 ans, un viol et des agressions sexuelles auraient eu lieu dans les années 90 dans cet établissement catholique à Seilh, au nord-ouest de Toulouse.
“Ça me hante, c’est terrible !”
“On avait toutes peur d’elle en fait, poursuit Raphaëlle. Elle était double, elle pouvait jouer de la guitare, jouer du Johnny Hallyday, du Sylvie Vartan, elle était toujours joyeuse, presque bout en train… Il fallait qu’elle ait une cour autour d’elle. Elle voulait être portée aux nues”.
“Et par-derrière, elle pouvait être d’une dureté, d’une sécheresse et d’une méchanceté… C’était vraiment incroyable, hyperdéstabilisant ce qu’on a vécu là-bas. Ça m’a marquée à vie. C’était une vraie “salope”…
Elle nous tenait. Elle essayait de tirer des confidences de tout le monde pour pouvoir mieux appuyer là où ça faisait mal. Elle essayait de contrôler la personne. Moi par exemple, elle a fait pression sur moi, genre… Si tu bouges, je vais dire à tout le monde que tu es enceinte. Elle l’a fait croire à toutes les bonnes sœurs”.
La collégienne alerte sa mère en disant qu’elle est inquiète pour son amie Alice. Mais celle-ci recommande qu’Alice en parle à sa propre mère. Ce qu’elle n’osera jamais faire. Les faits en restent là.
“Ça me hante, confie Raphaëlle, le fait de ne pas avoir pu la sauver. Je voulais tellement la sauver, vous ne pouvez pas savoir. Ça me hante, c’est terrible !”
De la « manipulation » et un « dénigrement » pour les victimes
Deux autres anciennes pensionnaires ont accepté de nous livrer leur témoignage. On les nommera Agnès* et Marie*.
“Cette sœur jouait la gentillesse, la sympathie, la douceur… la copine”, témoigne Agnès qui était à l’internat en même temps qu’Alice.
“Je pense que j’ai un niveau d’abnégation assez fort. Il y a plein de choses que j’ai oubliées, que j’ai mis de côté parce que sur le plan personnel, je vivais un drame. Mon père venait de se tuer trois mois avant que je ne rentre en pension”.
Même si elle prétend avoir subi des maltraitances physiques comme de se faire attraper par les cheveux, Agnès mentionne surtout la maltraitance morale qui aurait été exercée par sœur Anna.
“Je me souviens d’une fois par exemple, elle m’attrape, elle m’agrippe le poignet et elle me parle, tout près du visage. On est vraiment très très près mais de sorte qu’en face, on puisse croire que c’est très sympa ce qu’elle me dit, avec un petit sourire. Mais sa façon de me parler, les choses qu’elle me dit et sa façon de me broyer le poignet…
C’est ça, sœur Anna : aux yeux des autres, je fais croire que je suis hyper sympa. Par contre, je vais te dézinguer dès que je peux”.
“Je venais donc de perdre mon père et j’avais sa photo sur mon bureau. Elle m’a hurlé dessus devant tout le monde : “enlève-moi ça tout de suite ! Cette photo n’a rien à faire sur ton bureau ! Tu la ranges !”.
Elle aurait pu le dire d’une autre manière. Il n’y avait pas à hurler comme ça. Ce n’était pas un crime. Ce sont des « petites choses » comme ça. J’en ai enfoui pas mal.”
Une protégée et des souffre-douleurs
Marie, elle, avait 8 ans. Elle était en difficulté à l’école du fait d’une précocité qui sera diagnostiquée plus tard.
“Je n’étais pas douée en classe. J’étais mauvaise et je n’ai jamais trop compris ce qu’on attendait de moi. J’étais en CE2 et on a vu arriver une jeune sœur, alors qu’il y avait des vieilles sœurs, des grosses sœurs, vous voyez…”.
En 1975, sœur Anna apparaît “jeune, dynamique, jolie “. C’était un phénomène qui arrivait dans cet établissement. On l’avait comme maîtresse. J’ai fini mon année, j’étais encore plus mauvaise, j’étais catastrophique ! Est-ce que j’étais vraiment catastrophique ou est-ce qu’elle m’a aidée à être catastrophique ? Parce que c’était elle qui corrigeait.
Donc, surtout en orthographe, je ne m’en sortais pas. Je faisais des fautes… J’étais collée en permanence à cause de ces fautes. C’était comme une noyade. Elle avait une très grande sévérité. Presque sadique.
D’après le témoignage de Marie, la sœur décide de monter une pièce sur Sainte-Germaine. Elle attribue les rôles : Sainte-Germaine à sa protégée. Marie, elle, écope avec une autre élève, du rôle des pauvres.
“On était toutes les deux grandes, très, très maigres. Elle nous imitait en classe. Elle imitait les pauvres qui déambulaient en rigolant, en se fichant de nous. Qu’on n’était pas belles, alors que Sainte-Germaine était toute belle.
Cette pièce de théâtre m’a achevée. Tout le monde riait. Elle déambulait dans la classe, j’avais honte de ressembler à ça. Cette sœur si avenante, si à la mode qui me dénigrait… Ça a entaché mon estime de moi à jamais”.
Reconnue victime d’abus sexuels par l’Eglise
Les deux victimes présumées de violences sexuelles ont été elles aussi très marquées. Comme Sophie, Alice a tenté de se suicider quelques semaines après les faits.
Elle n’a évoqué avec nous que les accusations d’agressions sexuelles mais ne cache pas que le pire se serait déroulé lors d’une séance d’exorcisme orchestrée par cette même sœur à l’occasion d’un voyage scolaire au Vatican.
Où en est-on aujourd’hui ? Ces deux victimes présumées ont tenté de faire connaître leur vérité dans le but affirmé que cette sœur ne soit plus en présence d’enfants et d’adolescents.
Sophie a porté plainte mais celle-ci a été classée sans suite faute d’éléments suffisants, le policier lui ayant dit que son témoignage était isolé.
Alice, la plus âgée des deux, pour laquelle les faits dénoncés sont prescrits, s’est fait connaître de la Commission reconnaissance et réparation (CRR), créée pour réparer les violences sexuelles présumées commises par des membres d’institutions religieuses. La CRR lui a reconnu le statut de victime agressée sexuellement par une sœur lorsqu’elle était collégienne.
Toujours au contact d’enfants ?
La congrégation des Dominicaines, elle, s’est refusée à appliquer les mesures préconisées par la CRR, telles que l’éloignement pour protéger les enfants…
Comme nous l’indiquions en 2023, les sœurs avaient décidé de se retirer d’un processus qu’elle considère comme “injuste”.
Elles ne donneront « aucune suite à ces recommandations ou celles qui pourront suivre”.
Nous avons localisé sœur Anna qui se trouvait à Seilh ces dernières semaines, dans l’établissement où se seraient déroulés les faits évoqués ci-dessus, établissement qui accueille des enfants et des adolescents de la maternelle au bac.
On ne nous a pas laissé entrer en contact avec elle. En 2019, lors des révélations concernant l’affaire d’Alice, la religieuse avait déjà refusé de s’exprimer.
La prieure générale des Dominicaines, dont la congrégation mère est basée à Montréjeau, n’a pas non plus souhaité nous accorder d’interview.
Jointe au téléphone, sœur Marie-Lys Nuville défend bec et ongles sœur Anna.
“Je n’ai rien à dire de sœur Anna. C’est une sœur très bien, très chic, très bonne et on l’accuse de choses qu’elle n’a pas faites”.
Pour autant, Sophie ne compte pas en rester là. Elle va déposer un recours afin que sa plainte soit réexaminée.
“Même les recommandations les plus simples de la CRR, qui visent à l’éloigner des enfants, n’ont pas été respectées. Et ça c’est intolérable.
On ne peut pas la laisser en contact avec d’autres enfants, d’autres adolescents. Je voudrais m’adresser à elle et lui dire que ce n’est pas fini. Ce n’est pas fini parce que la vérité doit éclater”.
Sophie dit avoir mis des années pour arriver à parler. Elle dit souhaiter aujourd’hui se libérer de tout cela et, comme Alice, prévenir “tout risque de récidive”.
*Les prénoms des victimes présumées ont été modifiés à leur demande pour protéger leur anonymat.
Source(s):
Les articles en liens


Magescq | Laxisme judiciaire pour le pédocriminel reconnu coupable d’agression sexuelle

Vesoul | Un sexagénaire condamné à six ans de prison pour les viols de ses belles-filles

Roanne | Un Roannais incarcéré pour des faits de viol sur mineur
