Sarcelles | Violée et agressée durant trois ans Julie Boursier témoigne

non

“Le sport français détruit des vies”
Julie Boursier fait partie des 17 victimes de violences sexuelles dont le portrait est affiché sur les murs de Paris dans le cadre de l’exposition « Carton rouge ». (©TN / Actu Paris)
Depuis plusieurs semaines, les histoires et les visages de Julie Boursier ainsi que de 16 autres victimes de violences sexuelles dans le sport sont affichés dans le centre de Paris dans le cadre de l’exposition « Carton rouge ».

Pour dénoncer les violences sexuelles, une exposition se tient jusqu’au 1er mars à Paris.

Une des 17 victimes a accepté de raconter son histoire à actu Paris.

« J’avais envie de tirer quelque chose de positif de mon histoire pour aider les gens. »

Depuis plusieurs semaines, les histoires et les visages de Julie Boursier ainsi que de 16 autres victimes de violences sexuelles dans le sport sont affichés dans le centre de Paris dans le cadre de l’exposition « Carton rouge ».

« Mon agresseur était plus important que moi »

Pour cette ancienne nageuse, tout commence en 2010 dans son club de Sarcelles (Val-d’Oise).

Pendant trois ans – durant ses années de lycée – l’adolescente est agressée et harcelée sexuellement, mais aussi violée par un coéquipier qu’elle considérait comme « un ami depuis ses 12 ans ».

« On passait beaucoup de temps ensemble. Il venait chez moi, j’allais chez lui », raconte-t-elle à actu Paris.

En participant à cette exposition, Julie Boursier, aujourd’hui 29 ans, a voulu aussi prévenir les jeunes filles et les jeunes garçons d’aujourd’hui.

“Non, les agresseurs ne sont pas toujours les entraîneurs. Dans la majorité des cas, ce sont souvent entre coéquipiers que cela se produit”. Julie Boursier, Victime de violence sexuelle.

Ces viols répétés pendant trois ans, l’ancienne nageuse met du temps à poser des mots dessus.

« C’est en voyant un dépliant du gouvernement sur les violences sexuelles placé chez l’infirmière au lycée que j’ai compris ce qu’il se passait. »

Elle décide alors d’en parler à la vice-présidente de l’AAS Sarcelles, mais elle ne trouve aucune aide, au contraire.

« Elle m’a fait comprendre que mon agresseur était plus important que moi, car il était en équipe 1 et moi en équipe 2. Il rapportait plus de points que moi. »

« Je ne mangeais et je dormais plus, je me scarifiais »

L’adolescente se réfugie alors dans le silence. Mais, petit à petit, son niveau baisse, alors qu’elle venait de participer deux années de suite au championnat de France.

« Je ne mangeais et dormais plus et je me scarifiais », confie-t-elle.

Après une tentative de suicide en 2016, elle commence à consulter une psychologue (qu’elle voit toujours aujourd’hui).

« À cette époque, je n’arrivais pas à prononcer le mot viol. Elle m’a vraiment sauvé la vie », assure Julie Boursier.

Grâce à l’aide de sa psychologue, elle réussit petit à petit à se reconstruire et commence à progressivement à parler de son histoire.

Ce n’est qu’à la sortie du confinement, en mai 2020, qu’elle révèle tout à sa famille, puis au grand public à travers une interview dans l’Équipe.

« J’avais besoin de m’exprimer, de tout raconter. Je ne peux pas m’empêcher encore aujourd’hui d’avoir de la culpabilité de ne pas l’avoir dit, de ne pas avoir pu aider les autres victimes. »

Où en est l’affaire ?

D’abord classée sans suite après une première plainte en 2019, l’affaire a été rouverte, grâce aux témoignages de nouvelles victimes.

L’agresseur présumé a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire en 2021.

Mais, depuis, Julie Boursier dit n’avoir que très peu de nouvelles de la justice.

En 2020, Julie Boursier abandonne définitivement la natation à la suite d’une grave blessure au genou, quelques années après s’être cassé le pied.

Si elle assure n’avoir aucun regret, elle estime que, sans cette histoire, elle aurait pu faire carrière dans la natation et fait un lien direct entre ses blessures et ses agressions.

Encore des difficultés pour se rendre dans une piscine

Après avoir longtemps trusté les podiums de natation, la native de Gonesse (Val-d’Oise) se bat désormais contre elle-même pour essayer de remettre les pieds dans l’eau et reprendre le sport qui l’a animée toute sa vie.

“Il m’a fallu presque six ans pour revenir dans une piscine. Encore aujourd’hui, je ne supporte pas les odeurs de chlore et de me changer dans une cabine. J’évite également au maximum d’aller dans des piscines qui ressemblent à celle de Sarcelles”. Julie Boursier, Victime de violences sexuelle.

« Je ne peux pas aller y aller seul. Avec mes frères et mes amis, j’arrive à franchir le pas, mais ce n’est plus quelque chose de naturel pour moi », ajoute-t-elle.

Mais le problème de Julie Boursier va bien au-delà de la natation, à l’écouter.

« Notre corps, c’est notre outil principal en tant que sportif. Mais, depuis ce qui m’est arrivé, je n’arrive plus à me le réapproprier. Je ne prends plus de plaisir à aller plus loin dans l’effort, j’ai perdu tout le côté plaisir à faire du sport. »

Dénoncer le mutisme du sport français sur les violences sexuelles

Elle ajoute aussi avoir :

« Totalement perdu confiance en l’autorité. Je suis en colère, parce que rien n’est fait dans les fédérations pour protéger les victimes. Au contraire, tout est fait pour qu’elles se taisent. La manière dont est organisé le sport français détruit des vies », dénonce-t-elle.

« Avec cette exposition, je souhaite attirer l’attention sur ce qu’il se passe au sein des fédérations », ajoute Julie Boursier. Une volonté partagée par la photographe de l’exposition, Catherine Cabrol, qui travaille sur les violences sexuelles dans le sport.

« C’était important d’exposer mon travail à Paris en cette année de Jeux olympiques où le sport va occuper une place centrale. Ma volonté, c’est d’adresser un carton rouge aux agresseurs, de les faire sortir du système », argumente-t-elle auprès d’actu Paris.

Julie Boursier regrette d’ailleurs que la Fédération française de natation ne soit pas partenaire de l’exposition, au contraire de celle de football et de rugby par exemple. Un « symbole », selon elle, de l’omerta qui règne dans ce milieu.

À Paris, une exposition dénonce les violences sexuelles dans le sport.

Il était :

« Important d’exposer mon travail à Paris en cette année de Jeux olympiques, où le sport va occuper une place centrale », souligne la photographe de l’exposition, Catherine Cabrol. (©TN / Actu Paris)

À quelques mois des JO, le sport français se trouve dans la tourmente.

Dans un rapport parlementaire publié fin janvier, la commission d’enquête parlementaire sur les fédérations sportives françaises a fustigé les « défaillances systémiques », le « long silence » et le « déni » de lutte contre les violences sexuelles.

Source(s):