Saint-Martin-des-Besaces | Inceste:15 ans de prison pour le père qui violait ses filles

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L’un de ses fils avait d’ailleurs été abandonné dans le puits toute une nuit, en guise de punition. 
La cour criminelle du Calvados a condamné ce mardi 28 juin 2022 un septuagénaire à quinze ans de réclusion criminelle.

Michel B., âgé de 76 ans et père de neuf enfants, entretenait des relations sexuelles avec ses filles depuis leur plus jeune âge à Saint-Martin-des-Besaces (Calvados).

Celui qui avait l’habitude de pratiquer des « attouchements » dès l’âge de six ans avait fini par les violer de leur adolescence jusqu’à leur majorité.

Si tous avaient conscience de « l’interdit »,  personne n’osait rien dire : sa femme était « soumise », avait subi des violences et n’avait pas non plus défendu ses enfants.

Ces derniers avaient par exemple vu un jour leur père menaçant de « jeter leur mère par-dessus le puits ».

L’un de ses fils avait d’ailleurs été abandonné dans le puits toute une nuit, en guise de punition. 

« On était consentantes »

Les enfants rentraient de l’école et n’avaient « pas le droit » de faire leurs devoirs : ils devaient « aider au travail aux champs » ou dans l’entreprise de leur père.

La « terreur » que faisait régner cet homme « cruel » avait achevé de diviser la famille en deux clans.

Une des soeurs a affirmé:

« Je ne comprends pas ce procès, papa n’a jamais été violent : il nous faisait un signe de la tête quand il voulait et si on y allait pas, il ne se passait rien… On était consentantes »

« On a eu des enfants depuis, on a refait nos vies. Si on avait été traumatisées, il fallait se plaindre avant ! »

Les juges l’ont justement interpellée sur le fait que l’un de ses enfants pouvait être le fils de son père:

« Oui, ça peut être lui, comme ça peut être la personne que je fréquentais à l’époque… Mais mon fils et moi, on n’en a rien à cirer ! Il faut passer ce cap »

Entendu comme témoin, le petit-ami de Laëtitia B., l’une des plaignantes, avait trouvé « étrange de voir les filles embrasser leur père sur la bouche pour lui dire bonjour » ou encore entrer en concurrence pour lui « offrir le cadeau le plus cher ».

Sa perte de vue : un « choc émotionnel »

Ce qui avait déclenché la plainte de Laëtitia, dont la fille Kassandra B. avait aussi été violée, c’était justement le suicide par défenestration de sa sœur en 2014 : alors que Ludivine était âgée de 30 ans, en couple avec deux enfants, elle n’était pas parvenue à surmonter son mal-être issu de son enfance, ont démontré les magistrats.

Son père – qui ne démontre « pas d’empathie et évoque ses relations sexuelles avec ses filles comme celles avec sa femme ou ses relations extra-conjugales », selon un expert – n’était pas venu à ses funérailles et n’avait jamais repris de nouvelles de ses petits-enfants.

Sa femme était décédée d’un cancer à quelques mois d’intervalle.

Sa fille Laëtitia, qui avait déjà connu des années de suivi psychologique et psychiatrique et des hospitalisations, avait à ce moment-là tenté de se suicider pour la troisième fois.

Sa pendaison et le « choc émotionnel » avaient laissé des séquelles sur sa vue puisqu’elle ne peut quasiment plus voir.

Sa fille, âgée aujourd’hui de 25 ans, avait elle subi un « unique viol » par son grand-père : un soir où elle dormait chez ses grands-parents, elle s’était blottie entre eux deux pour regarder la télévision. Michel B. avait alors demandé à sa femme « d’aller à la cuisine » et avait tenté d’introduire son sexe dans son vagin, sans succès.

Il avait alors introduit ses doigts.

Une plaignante « jalouse » de sa sœur

Tout au long de son procès, Michel B. a maintenu sa version des faits : la plaignante était « jalouse » des relations sexuelles que l’une de ses sœurs entretenait avec lui et était « demandeuse ».

Il n’a cessé de se présenter comme la victime dans cette affaire : le viol de la meilleure amie de Laëtitia, qui figurait également sur le banc des plaignantes, était selon lui le résultat d’un « piège » tendu par sa fille pour qu’il « couche avec elle ».

En pleurs et soudées sur le banc, Laëtitia, au milieu de sa fille et de sa meilleure amie, a tenu tête à l’accusé, soutenue de quelques membres de sa famille, comme son frère Denis*.

L’avocat général avait requis à l’encontre de Michel B., dix-huit ans de réclusion criminelle et une interdiction d’entrer en contact avec les victimes et d’autres mineurs, une inscription aux Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).

« Il lui appartenait de depuceler ses filles »

« S’il n’admet que quelques relations consenties, il avait instauré un mode familial et éducatif fondé sur la violence, la maltraitance, l’exploitation des enfants pour accomplir des tâches d’adulte, telles que la coupe du foin, du bois… »

, s’est expliquée la présidente au moment de rendre le délibéré de la cour criminelle du Calvados.

Avant d’ajouter:

« Il lui appartenait de dépuceler ses filles dans un contexte de peur et de violence, d’emprise, d’isolement social et d’absence de protection maternelle »

« La cour est convaincue du discours constant, précis et corroboré des victimes en relation avec les autres témoignages ».

L’accusé devra verser une première provision de 20 000 € à sa fille Laëtitia, 15 000 € à sa fille Corinne* et 8 000 € pour les frais de justice.

Il devra enfin verser 10 000 € à Joëlle*, la « meilleure amie » de Laëtitia.

Le montant total des dommages et intérêts sera connu lors d’une audience ultérieure, prévue le 21 novembre 2022.

*Prénoms modifiés

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