Saint-Denis | Un septuagénaire accusé d’avoir violé des enfants pendant des années
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 02/11/2025
- 09:53
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Après un signalement effectué en 2015, l’enquête est restée en suspens pendant près de six ans.
Un temps de latence qui a permis à l’accusé de poursuivre les abus sexuels sur mineurs qui lui sont reprochés.
Au total, huit victimes ont été recensées.
Mi-septembre, le parquet de Bobigny a requis le renvoi devant la cour criminelle de Seine-Saint-Denis d’un homme accusé de viols et agressions sexuelles sur huit enfants âgés de 4 à 12 ans.
La justice a ainsi clôturé les investigations d’un dossier ouvert en 2015.
Toutefois, la gestion de cette affaire interroge : après quelques auditions menées à la suite d’un signalement, l’enquête a été laissée en jachère pendant près de six années, jusqu’en 2022.
Un temps de latence qui a permis au mis en cause de poursuivre, en toute impunité, les abus sexuels sur les enfants qu’il accueillait dans son pavillon de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, d’après les révélations du Figaro.
Le suspect, aujourd’hui âgé de 79 ans, a été dénoncé par sa fille.
Le 12 octobre 2015, elle s’est rendue dans le commissariat de sa région, en Gironde, après avoir reçu un appel de sa belle-mère ayant découvert «la photo d’une petite fille où on voyait son sexe» sur l’appareil de son époux.
La jeune femme ajoute avoir été informée par sa nièce que Fabrice* avait un jour discrètement pris sa main pour la mettre sur ses parties intimes, par-dessus le pantalon, lors d’une fête de famille.
«Je veux protéger les enfants car mon père en reçoit beaucoup chez lui, il leur fait des gâteaux, organise des sorties (…) C’est un peu le papy du quartier et je veux protéger ces enfants si jamais il y avait quelque chose», insiste-t-elle auprès des gendarmes.
La nièce de 11 ans qui aurait subi l’agression sexuelle est entendue et confirme les faits.
Sa mère dépose plainte et livre son inquiétude quant au comportement de Fabrice vis-à-vis d’autres fillettes.
Le fils du suspect explique à son tour avoir surpris des téléchargements d’images sur l’ordinateur de son père intitulés «6 years old et 8 years old».
Malgré ce faisceau d’indices, l’enquête s’arrête.
Pour une raison inconnue, le dossier est «manifestement resté bloqué au commissariat de Saint-Denis», indique une source haut placée.
«À l’occasion d’une revue de portefeuille menée en 2022, qui a révélé l’absence d’investigations, le ministère public a fait réactiver l’enquête le 11 mai 2022», nous indique le parquet de Bobigny, sans plus d’explication.
Fabrice est placé en garde à vue et son petit pavillon de banlieue de l’est parisien est perquisitionné.
Croquis, mensurations et attouchements du «papy câlin»
Les enquêteurs découvrent des carnets tenus par Fabrice pendant plus de dix ans dans lesquels cet ancien cadre de la SNCF a esquissé des croquis d’enfants et noté leurs mensurations, jusqu’à la taille du soutien-gorge.
Son matériel informatique révèle la présence de centaines de photos rangées dans des dossiers divers.
Dans celui intitulé «Voyage aux Philippines», Fabrice pose en compagnie de petites filles, il filme aussi une adolescente en nuisette et apparaît dans un lit avec un mineur.
Dans le même temps, la petite fille qui avait été photographiée chez lui avec le sexe apparent est enfin auditionnée par les policiers du commissariat de Saint-Denis.
Elle dévoile des abus allant bien au-delà de cette seule captation et qui auraient duré jusqu’en 2018.
À ce moment-là, la fille de Fabrice avait déjà fait son signalement depuis trois ans.
Ça a duré jusqu’à 11-12 ans.
Après je n’y suis plus allée quand j’ai commencé à grandir, j’ai pris conscience que ce n’était pas normal.
Sara, plaignante.
Désormais âgée de 21 ans, Sara* raconte avoir rencontré Fabrice quand elle était toute jeune.
Ce voisin «gentil» et «bienveillant», était connu dans le quartier pour aider les familles défavorisées dans leurs démarches administratives.
Il s’occupait aussi de leurs enfants en leur offrant le goûter et des sorties à la Cité des Sciences.
Sara a commencé à passer la majorité de ses après-midi chez Fabrice quand sa mère est tombée malade.
Elle avait 5 ans.
«Un jour je suis allée chez lui, je lui ai demandé une glace, je me suis assise sur le fauteuil et je ne sais plus pourquoi il m’a enlevé ma culotte et m’a ensuite prise en photo (…) Mais c’est bien avant ça qu’il a commencé à me toucher», se remémore-t-elle.
La jeune femme décrit des actes de masturbation imposés sur son corps et des fellations forcées sur Fabrice.
«Ça a duré jusqu’à 11-12 ans. Après je n’y suis plus allée quand j’ai commencé à grandir, j’ai pris conscience que ce n’était pas normal.»
Je me laissais faire, je n’osais pas bouger. Ça me met en rogne de savoir que d’autres personnes ont été victimes de Fabrice.
Jeanne, plaignante.
Jeanne* aussi se dit victime de ce «papy tactile et câlin» toujours entouré d’enfants.
Auditionnée par le juge d’instruction en 2024, elle se souvient qu’il prenait régulièrement ses mensurations avant de les annoter dans son carnet, comme il le faisait avec des dizaines d’autres enfants.
Elle évoque des «chatouilles» qui arrivaient souvent «à la limite», et une fois où elle se trouvait dans le salon avec Fabrice et que ce dernier a «mis sa main dans [s]a culotte et a inséré son doigt dans [s]on vagin. J’avais 8-10 ans».
Au total, la justice a identifié huit fillettes victimes, dont cinq pour lesquelles les faits ont été commis après le premier signalement.
L’homme, en détention provisoire depuis la reprise des investigations, conteste la plupart des accusations.
Dans un premier temps, il avait reconnu des attouchements sexuels sur Sara, des gestes «pour donner du plaisir» à celle qu’il considérait «comme sa petite-fille» qui n’avait que 7 ans.
«Assurément il y a eu attouchement sur elle, ça c’est clair, admet-il devant le juge. Elle mangeait pratiquement tous les jours chez moi. Après le repas, j’ai l’habitude de me reposer dans le canapé. Elle regardait la chaîne Gulli. Elle était assez câline et ça a dérapé», argumente-t-il, semblant tenir l’enfant pour responsable.
Il s’est finalement rétracté, contestant la totalité des faits dénoncés par Sara et les autres petites filles.
«C’est stupide, absurde», commente-t-il.
«L’État a manqué à son devoir de protection»
Le mis en cause, qui a lui-même été victime d’agression sexuelle dans son enfance, conteste toute tendance pédophilique.
Quid des mensurations qu’il conservait dans ses petits carnets ?
Des repères pour acheter des vêtements aux enfants philippins démunis qu’il retrouvait lors de ses voyages avec son épouse originaire de ce pays d’Asie du Sud-Est, soutient-il.
Et les centaines de photos de fillettes enregistrées sur son ordinateur ?
De simples albums souvenirs qu’il offrait aux enfants, avance-t-il.
Quant à la photo dénudée de Sara, Fabrice affirme qu’il s’agit d’une «hallucination» de sa femme et que seul le haut des cuisses de l’enfant, en jupe, était visible.
La photo a été supprimée après le signalement en 2015 et n’a pas pu être retrouvée quand l’enquête a été relancée six ans plus tard.
«Je n’ai jamais vu un dossier ayant subi une telle latence», déplore Sophie Décis, responsable juridique d’Enfance et Partage qui s’est constituée partie civile.
L’association a été prévenue dès 2015 du signalement fait par la fille de Fabrice et n’a cessé, jusqu’en 2022, d’envoyer des relances au parquet afin d’obtenir des avancées.
«Le dossier a-t-il été perdu ? Oublié ? On ne sait pas ce qui s’est passé, mais le dysfonctionnement est certain. Après le procès, nous réfléchirons à effectuer un recours contre l’État qui a clairement manqué à son devoir de protection des victimes.»
Les investigations terminées, le juge d’instruction doit désormais rendre son ordonnance de mise en accusation qui pourra faire l’objet d’un appel de la défense.
Ce n’est qu’après cette étape qu’une date de procès pourra être fixée.
Les parties civiles espèrent un audiencement rapide au vu de l’âge et de l’état de santé de l’accusé qui a été victime, au printemps dernier, d’un accident cardio-vasculaire.
*Les prénoms ont été modifiés.
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