Pontoise | 2 ans de sursis pour avoir agressé sexuellement sa belle-fille

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Un sexagénaire a été condamné à 2 ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Pontoise pour des agressions sexuelles commises sur sa belle-fille, lorsqu’elle était mineure.

Affaire emblématique d’une pédoculture qui, fort heureusement, se meurt petit à petit.

Aujourd’hui trentenaire, elle tremble face à la morgue intacte de ce prévenu en colère d’être la cible de ces accusations qu’il estime farfelues.

Assise sur le banc du premier rang, une jeune femme blonde est secouée par les sanglots et prise de tremblements quand celui qui est debout à la barre, bien campé sur ses positions, prononce des phrases telles que :

« Vous savez, Marie-Laure, elle est très fragile psychologiquement, elle arrêtait pas de se faire larguer aussi »

pour expliquer l’état dépressif de sa belle-fille, qui fait non de la tête, avec un air de détresse mêlé de dégoût.

La présidente reprend Jean-Luc :

l’état dépressif de Marie-Laure a été mis en lien par un psychologue avec les traumatismes qu’elle a subis dans son enfance, et résulte très certainement des faits jugés ce jour. Des faits d’agression sexuelle incestueuse commis entre 2005 et 2008, alors que la victime était une mineure de plus de 15 ans.

Comme disent souvent les avocats de la défense : on ne juge pas un contexte, on juge des faits. Mais dans un dossier d’inceste plus que dans n’importe quel autre, il est primordial de connaître le contexte pour comprendre les faits.

Déjà, le prévenu, un employé de la SNCF (désormais retraité) était en couple avec la mère de la plaignante.

Ils vivaient une sexualité « libérée » et libertine, c’était cette ambiance qui prévalait à la maison. En gros, tous à poils, bandes dessinées pornographiques sur les tables et photos nues de la mère aux murs.

Lien de proximité que l’on pourrait qualifier de « malsain » entre Marie-Laure et son beau-père ; petits surnoms très affectifs, bisous sur la bouche.

Un jour, par exemple, les parents ont eu des rapports sexuels dans le clic-clac qui leur servait de lit alors que les enfants dormaient dans la même pièce.

Il y avait en tout état de cause un climat sexuel dans lequel Marie-Laure a grandi, et un comportement de voyeurisme de Jean-Luc qui faisait que, à l’époque des faits, Marie-Laure se sentait forcée de mettre une culotte sous son pyjama.

Voyeurisme décomplexé : un trou dans la porte de la salle de bains dont il a été débattu si Jean-Luc s’en servait ou non ;

« je vois pas pourquoi, de toute façon elle prenait sa douche la porte ouverte », dit-il de sa belle-fille.

C’est vrai : Marie-Laure ayant grandi dans un environnement « impudique » (« inadapté et malsain », dira son avocat), elle en avait adopté les codes.

Est-ce cela qui a laissé penser à Jean-Luc qu’il pouvait la prendre en photo quand elle était sous sa douche ?

« C’était pour lui donner une leçon », prétend-il, pour qu’elle ferme la porte la prochaine fois.

En attendant, il se sentait légitime à en profiter.

Une autre fois, Jean-Luc est nu dans sa chambre, Marie-Laure vient le voir et il l’accueille, dans son lit, comme si de rien n’était.

Il y a ce massage « impudique » et se dégrafage de soutien-gorge, et cette fois où elle lui demande de lui épiler le maillot.

Jean-Luc, qui ne voit pas le problème (et est probablement ravi), s’exécute avec zèle.

« C’est elle qui voulait, elle m’a demandé ! »

La présidente essaie de lui expliquer – avec beaucoup de patience, soulignons-le – que c’est à lui, le beau-père qui a autorité sur l’adolescente, de poser des limites. Jean-Luc n’a jamais posé aucune limite, il a fait tout le contraire : il a brouillé les repères.

Marie-Laure n’a rien dit, la procureure l’explique ainsi :

« C’est flagrant pourquoi elle n’a pas parlé : elle a subi les attitudes de Monsieur et elle n’a pas été protégée. Aucun adulte ne lui a dit que ce qu’elle subissait, ce n’est pas normal. Elle a préservé une cellule familiale recomposée qui fonctionnait et elle a préservé cet équilibre au détriment de son bien-être. »

Marie-Laure a grandi, est devenue une adulte, a quitté le foyer.

En 2021, Jean-Luc et la mère de Marie-Laure ont divorcé. Juste après, Marie-Laure a porté plainte pour ces faits.

Pour Jean-Luc, c’est clairement de la vengeance, la mère et la fille qui se liguent contre lui.

La procureure dans son réquisitoire a une autre analyse :

« Les victimes de faits incestueux ne parlent pratiquement jamais, c’est sociologiquement rapporté. Les victimes qui parlent le font des années après car elles sont enfin sécurisées. »

Jean-Luc a quitté le foyer (pour se réinstaller chez son ex-femme, présente en soutien à l’audience, NDLR), la mère de Marie-Laure n’est plus sous son influence, la parole peut surgir.

Inexplicablement, la plainte « dort » pendant deux ans. Pendant ce temps-là, le divorce se passe évidemment mal car Jean-Luc est très contrarié de se faire jeter.

L’audience n’en dira pas plus sur le contexte conjugal, la mère de Marie-Laure – présente – n’ayant pas souhaité s’exprimer.

En procédure, tous les témoignages de proches ont décrit Jean-Luc en homme cassant et autoritaire, parfois imbuvable, et dont le comportement avec « ses » femmes mettait souvent mal à l’aise.

Un homme imbu qu’on ne peut contrarier. La propre fille de Jean-Luc, de son premier mariage, n’a pas été étonnée des faits dénoncés par sa demi-sœur, car en somme tout le monde savait. Elle la croit et la soutient.

Ce 2 juillet 2024, Jean-Luc est devant le tribunal correctionnel et ne comprend pas pourquoi.

Tout ce qu’on lui relate lui paraît fortement normal, et comme il est sous anxiolytique, il parle avec un débit un peu lent et un ton détaché qui donne un tour vraiment étrange à son discours.

Les vidéos pornos, les objets sexuels partout dans la maison, rien ne le choque. L’assesseur s’en étonne et lui demande :

« Je voudrais juste savoir, Monsieur, s’il y a des choses qui vous choquent dans la vie ?

À l’époque, la justice me choquait.

Ah, oui.

J’ai eu la chance d’être juré y’a deux ans, j’ai commencé à apprécier. Mais là avec ce qui me tombe aujourd’hui, j’ai pas tout compris.

D’accord.

Je suis aussi choqué par ces affaires de Me too, j’appelle ça mytho, et puis, euh, qu’est- ce qui peut me choquer dans ma vie ? (Il réfléchit) … Un mauvais vin, ça me choque. »

Voici Jean-Luc.

Marie-Laure n’a pas souhaité prendre la parole, et voici son avocat qui le fait à sa place.

Il pourrait presque se contenter de tendre la main et de dire : voilà, vous avez vu, vous avez entendu.

« Décontenancé », il l’était déjà lors de la confrontation, et il l’est encore ce jour à l’audience.

Il dit :

« Il faut se projeter à la place de Madame quand on entend les propos de Monsieur à l’audience », et imaginer l’adolescente sous l’autorité de cet homme.

Il pense que le comportement du prévenu est « incompréhensible » ou plutôt démontre qu’il n’a absolument pas pris conscience de la nature des faits.

Il dit aussi que la mère de Marie-Laure, entendue par les enquêteurs, a confié qu’elle culpabilisait de ne pas avoir su protéger ses enfants.

« Les propos tenus par Monsieur sont insoutenables pour elle », plaide-t-il.

Il demande un renvoi sur intérêts civils pour qu’une commission d’évaluation du préjudice se prononce.

Quand la procureure prend la parole, elle annonce :

« J’aimerais qu’on remette l’église au milieu du village ; ce que je veux dire c’est qu’il est prévenu pour des faits survenus quand elle était mineure, et que c’est à lui l’adulte de dire non. »

Elle poursuit :

« Qui pense que c’est anodin d’épiler le sexe de sa belle-fille ? »

Elle évoque « Cette fois dans le canapé où il lui touche le sein ».

Et outre ces gestes, « il y a ce climat très sexualisé auquel madame a été exposée », ce climat que l’on pourrait qualifier d’incestuel et qui a permis les passages à l’acte reprochés aujourd’hui.

La procureure demande, compte tenu du temps écoulé, 18 mois de prison assortis d’un sursis probatoire de 36 mois.

« Il y a un travail énorme à faire du côté de monsieur pour se repositionner sur les faits, car son positionnement d’aujourd’hui est consternant ; cette position de jactance irrévérencieuse à l’égard du tribunal, de nous dire que c’est nous qui ne sommes pas en mesure de comprendre sa façon de vivre. »

L’avocate de Jean-Luc fait du Jean-Luc dans sa plaidoirie :

Marie-Laure n’est guidée que par la vengeance, car son client a coupé les liens « financièrement et affectivement ».

Son argument se résume en quelques mots :

si elle a vécu ce qu’elle dit avoir vécu, que ne l’a-t-elle dénoncé avant ? Pourquoi ne l’a-t-elle pas confié à ses proches ?

« Alors oui ils se faisaient des bisous, alors je vais vous montrer des photos que m’a transmises mon client : là, Gainsbourg qui fait des bisous à sa fille, on l’a pas traîné devant un tribunal ! »

Malaise dans la salle. La présidente a un mouvement de recul et regarde son assesseur. L’avocate parle encore de l’auteur de « Lemon incest », la présidente intervient.

« Si je peux me permettre, maître, Serge Gainsbourg chantait l’inceste.

Ce sont des photos qu’il m’a données. »

Et que l’avocate (qui demande la relaxe au bénéfice du doute) a jugé bon d’utiliser dans sa plaidoirie.

Derniers mots :

« Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose ?

Je suis désolé pour Marie-Laure. J’ai eu tort de connaître sa mère, sans moi de toute façon ils auraient fini sous les ponts », répond Jean-Luc.

Il est finalement condamné à deux ans de prison avec sursis probatoire.

Jean-Luc le prend mal : regard noir et vibrant de colère, il tourne le dos au tribunal alors que la présidente lui parle encore.

La présidente le rappelle à l’ordre et il s’en moque. Il ironise (« alors moi je vais juste faire des chèques ? ») et après avoir signé des papiers, sort à grand enjambées, avec dans les yeux une haine froide, un regard de fureur.

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