Polynésie Française | Un homme de 38 ans, lui-même ancienne victime d’agressions sexuelles, condamné à 14 ans de prison pour viol sur mineure
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 27/10/2019
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De Proie à Prédateur
Ce mercredi un homme de 38 ans comparaissait devant la cour d’assises pour viol sur mineure. Particularité de l’accusé, lui-même avait subi des viols, de 9 à 16 ans, de la part d’un homme qui purge actuellement une peine de 20 ans de réclusion.
« (….) N’écoutez ni la haine, ni l’affection, mais seulement votre intime conviction. Dites je le jure.»,
prévient la présidente de la cour d’assises, s’adressant aux jurés. Le moment est solennel, lourd de sens car le bon déroulé du procès en dépend, et il en va de l’avenir d’un homme et de sa victime.
L’homme au banc des accusés encourt vingt années de réclusion pour viol sur mineure. Il est assis, le regard dirigé vers le sol.
« Accusé, levez-vous. »
Il met un certain temps avant de sortir de sa torpeur. Longiligne, le visage émacié et les cheveux grisonnants, il se lève. Il reste immobile, tête baissée, les mains croisés comme s’il priait et de temps à autre, les muscles de son visage se crispent.
Il écoute les faits qui lui sont reprochés. Et ceux-ci sont lourds. On l’accuse d’avoir, de 2006 à 2012, contraint sexuellement une fillette âgée de 9 ans au début des fait, jusqu’à ce que la victime porte plainte.
Lors des débats on apprendra qu’en 1993, alors qu’il était âgé de 12 ans et lui-même victime de viols à répétition, il s’en était également pris à la sœur de la victime.
Il se fait le protecteur de sa future victime
En 2006, alors qu’il est âgé de 25 ans, l’homme surprend un homme agressant sexuellement la petite fille, sa future victime. Il menace l’homme de représailles et devient alors le « protecteur » de la fillette. Mais au fil du temps, il devient pressant et lui impose une fellation alors qu’elle atteint sa dixième année.
Soufflant le chaud et froid, c’est à force de cadeaux ou de menaces de tout révéler au voisinage qu’il soumet sa victime à ses pulsions. Un peu plus tard, alors que la gamine à un petit copain, il lui dit que pour garder son flirt, il faut qu’elle devienne « une pro au lit » et qu’il fallait coucher avec lui pour le devenir.
Elle se refuse à lui, mais à force d’insister, il parvient à ses fins. Au bout d’un temps la victime, n’en pouvant plus, se confie à ses parents et va porter plainte à la DSP en 2012. Elle a 15 ans.
Durant son contrôle judicaire il fait d’autres victimes
Aussitôt placé en garde à vue, il minimise les faits, disant qu’il était tombé amoureux d’elle et qu’ils avaient une relation de couple. Il est remis en liberté, sous contrôle judiciaire, le temps que l’enquête s’effectue.
En 2014, alors qu’une procédure est déposée au parquet où l’on demande son incarcération en attendant son procès, le juge des libertés et de la détention estime que le contrôle judiciaire est suffisant.
Ce que le juge n’avait pas vu venir, c’est que durant son contrôle judiciaire, il fera 3 nouvelles victimes. Ces faits révélés en 2019 lui valent d’être actuellement en détention provisoire. Il sera jugé prochainement pour ces affaires.
Il tente plusieurs fois de mettre fin à ses jours
À la demande de la présidente de la cour d’assises, l’homme évoque son enfance. Avant les viols qu’il a subis à l’âge de 9 ans et durant 7 ans de la part d’un entraîneur de boxe, il avait une enfance sans histoire, heureuse. Il éclate en sanglots à l’évocation de ses frères et sœur,
« C’est à cause de moi que mon petit frère est devenu Cotorep (…). J’ai été très méchant en paroles et je le battais. »
Quant à ses parents, ils le battaient.
« Baffes, ceinture, balai niau, style belle époque »
explique-t-il.
Il avouera aussi avoir fait plusieurs tentatives de suicide, rongé par le remords. La dernière, c’était en garde à vue en mai 2019. À bout, c’est là qu’il révélera avoir fait d’autres victimes.
« Le mal que j’ai fait, ça m’a beaucoup touché »,
expliquera-t-il.
« J’assume ce que j’ai fait, je n’ai pas d’excuse. »
Il n’a pas su expliquer à l’avocat général pourquoi il commettait des agressions sexuelles alors qu’il était lui-même victime de viols.
« Je ne sais pas. Une partie de moi me disait qu’il ne fallait pas le faire, mais je l’ai fait. »
Il poursuit, visiblement soulagé :
« J’assume ce que j’ai fait, j’ai pas d’excuse. Ca me fait du bien de tout dire. »
Quant à savoir pourquoi à l’époque, il n’avait pas dénoncé les viols dont il était l’objet,
« Avant j’étais victime, j’avais honte. Maintenant que je suis auteur, ca me fait du bien d’en parler. »
Pour l’avocat de l’accusé, Me Annabelle Roy-Cross, son client est prisonnier de ce qu’il a subi durant son enfance et il reproduit les mêmes schémas.
Après deux jours d’audience, il a été condamné par la cour d’assises de Papeete à 14 ans de prison.
Hier après-midi et ce jeudi dans la matinée, les experts se sont attachés à dresser le portrait de l’accusé, mais aussi de la victime. Une experte qui avait rencontré l’accusé en 2016 l’a défini comme quelqu’un de souffrant d’une fragilité narcissique. Il avait un manque de confiance en lui, d’où sa recherche de relations avec des jeunes filles.
Pour expliquer cela, il faut remonter à l’époque où il subissait des viols.
« Ces faits ont eu une construction majeure dans ce qu’il est devenu. (…) Il était l’objet de son agresseur. »
Ainsi, pour ne plus se retrouver dans une position de dominé, et ne plus vivre ce traumatisme, il serait devenu dominateur en s’attaquant à de plus jeunes.
« Il a du mal à s’inscrire avec quelqu’un qui a le même âge que lui. Il a appris avec son agresseur que c’est plus facile avec les plus jeunes. Ils étaient plus faciles à manipuler. Il s’inscrit peut-être dans ce registre-là. »
Pour autant, si cela peut servir d’explication à ces passages à l’acte,
« cela ne les excuse pas. D’autres que lui ont subi des viols, mais n’ont pas eu ce type de comportement. »
Et l’experte d’assurer,
« c’est bien lui qui a violé. »
Une tentative de suicide à l’âge de 14 ans
La victime, tout au long des débats, a fait preuve d’une force de caractère peu commune, revivant les faits qu’elle avait subis sans montrer quoique ce soit sur son visage.
Pourtant, lors des auditions elle a avoué avoir fait une tentative de suicide alors qu’elle avait 14 ans. Tentative dont personne n’était au courant, mis à part l’accusé. Une expertise de 2014 indiquera qu’elle était
« perturbée par des pensées et images qui revenaient sans cesse. Elle faisait de nombreux cauchemars avec tous en point commun, la même scène. Des personnes lui couraient après et la violaient ».
Selon les experts,
« elle fait preuve d’une grande capacité de résilience. ».
« C’est un prédateur»
Pour Me Bennouar, l’avocat de la victime, si l’accusé apparait aujourd’hui comme intimidé, à l’époque des faits il était sûr de lui.
« C’est un manipulateur. Ce qu’il affiche aujourd’hui, c’est une façade. »
Pour lui, « c’est un prédateur ». Faisant allusion à son passé où il a été victime de viols de la part de son entraîneur,
« dans ce dossier, il n’y a qu’une seule victime, c’est ma cliente. (…) Vous avez devant vous quelqu’un qui a été un jouet, quelqu’un qu’on soumet à ses envies à n’importe quel moment et n’importe quel endroit ! »
S’adressant aux jurés,
« Je demande que vous le déclariez coupable ! »
14 ans de prison requis
L’avocat général, après avoir briefé les jurés sur ce qui leur est demandé – décider si l’accusé est coupable des faits qui lui sont reprochés – leur explique le cheminement que doit prendre leur réflexion.
« Vous devez tenir compte de la gravité des faits, de leur sanction, de la protection des tiers et des possibilités de réinsertion de l’accusé. C’est la personnalisation de la peine. »
Précisant,
« Il ne faut pas nier non plus que l’accusé a été victime lui aussi du même type de faits qui lui sont reprochés. Mais est-ce que cela justifie quelque chose ? Non. »
Ainsi, elle requiert 14 ans de prison.
« Je suis mère, je suis femme, je ne peux pas l’excuser »
« Vous allez forcément condamner mon client. Ces crimes sont impardonnables »
attaque d’emblée, Me Annabelle Roy-Cross, avocate de la défense.
« Je l’ai défendu quand il était victime et son bourreau souriait quand mon client pleurait à la barre. Lui, c’était un prédateur ! »,
répondant ainsi à Me Bennouar. Poursuivant,
« Je suis mère, je suis femme, je ne peux pas l’excuser, mais vous devez comprendre comment il en arrivé là (…). Il est devenu un monstre à l’image de celui qui l’a créé… il a reproduit exactement ce qu’on lui a fait subir ! »
Regardant les jurés,
« aujourd’hui vous allez donner une réponse sociale, l’emprisonnement. Une réponse médicale, l’obligation de soins. Il va rester en prison plusieurs années. Vous devez donner une juste peine»,
conclut-elle.
« Je t’ai trahie, manipulée, je t’ai fait des choses atroces »
Puis c’est au tour de l’accusé de prendre la parole. Il se lève, ouvre la bouche, mais les mots ne sortent pas. Il hoquète.
« Prenez votre temps monsieur »
lui dit la présidente de la cour d’assises. Il se lance, la voix entrecoupée de sanglots, s’adressant à sa victime sans toutefois la regarder.
« Quand je suis entré dans ta vie, tout est venu dans ta vie. Mensonge, trahison. Je t’ai trahie, manipulée, je t’ai fait des choses atroces, dégueulasses. Je t’ai fait souffrir, beaucoup, beaucoup. Je ne vais pas te demander pardon. Car c’est comme si je t’insultais. C’est abominable, dégueulasse, mais je te le dis au plus profond de mon cœur. Pardon. »
Les jurés, selon leur intime conviction, l’ont condamné à 14 ans de prison avec une mesure de suivi socio-judiciaire de 5 ans, interdiction de rentrer en contact avec la victime, d’exercer une profession ou activité en contact avec des mineurs et il sera inscrit au fichier judiciaire des délinquants sexuels.
Source: radio1
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