Pédophilie: le pape François choisit d’agir après des années de silence

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Pédophilie: le pape François choisit d’agir après des années de silence

Le pape François à Rome Gabriel Bouys / AFP/Archives
Le pape François à Rome Gabriel Bouys / AFP/Archives

Le pape François a choisi de rompre avec le silence qui a prévalu dans l’Eglise sur les crimes pédophiles, en limogeant deux évêques américains accusés d’avoir fermé les yeux, et en acceptant un procès au Vatican pour un nonce accusé d’avoir abusé de mineurs.

Cet ancien ambassadeur en République Dominicaine, le Polonais Józef Wesołowski, accusé d’avoir eu des relations avec des mineurs dans un quartier chaud de Saint-Domingue, sera jugé à partir du 11 juillet dans le petit tribunal situé derrière la basilique Saint-Pierre.

Ce sera une première, même si ce prélat ne résidait ni ne travaillait au Vatican.

Le pape a aussi accepté la démission de deux évêques américains, l’archevêque de Saint Paul et Minneapolis, Mgr John Clayton Nienstedt, et son adjoint, Mgr Lee Anthony Piché.

Cette démission était réclamée par des associations de victimes aux Etats-Unis.

La justice américaine avait porté plainte début juin contre l’archevêché, accusé d’avoir refusé d’écouter les plaintes répétées contre un prêtre, Curtis Wehmeyer, aujourd’hui condamné et emprisonné pour avoir abusé de deux mineurs.

En avril dernier, un autre évêque américain, Robert Finn, de Kansas City, avait dû démissionner de la même manière. Mgr Finn, 62 ans, avait été reconnu coupable par la justice américaine en 2012, de n’avoir pas dénoncé un prêtre pédophile, Shawn Ratigan.

Ces deux annonces surviennent quelques jours après l’institution par le Vatican d’une instance chargée de juger selon le droit canon les évêques ayant protégé des prêtres pédophiles. Les dossiers de ces prélats américains pourraient donc revenir à cette instance en cours de formation.

Les associations d’anciennes victimes sont partagées entre celles qui saluent certains progrès dans la lutte anti-pédophilie, et d’autres, comme le puissant réseau américain SNAP, qui estiment que les changements sont seulement cosmétiques, ou qu’ils avancent trop lentement, freinés par une hiérarchie complice.

“protéger les prédateurs”

“Protéger les prédateurs et mettre en danger les enfants est une pratique profondément ancrée et depuis longtemps dans la hiérarchie catholique”, a ainsi réagi SNAP lundi après les annonces du Vatican.

L’affaire Wesolowski contraste néanmoins avec l’attitude du Vatican dans le dossier le plus scandaleux, l’affaire Maciel, du nom de l’ancien fondateur de la Congrégation des Légionnaires du Christ. Le prêtre mexicain Marcial Maciel, décédé en 2008 avait été longtemps protégé par la loi du silence, en dépit de nombreuses plaintes pendant des décennies contre lui pour abus sur mineurs et corruption. C’est seulement Benoît XVI qui, peu après son élection, avait sanctionné le prêtre prédateur.

Selon la justice du Vatican, l’ancien nonce est accusé d’abus sexuels sur mineurs à Saint-Domingue, et de détention de matériel pédo-pornographique, un délit introduit dans la législation vaticane par François en 2013.

Le deuxième motif d’accusation concerne des faits survenus à Rome, où il vit depuis la révocation de ses fonctions en août 2013. Il avait été arrêté le 22 septembre 2014, à son domicile romain.

Déjà condamné par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF, ex-Saint-Office) après un procès canonique, Józef Wesołowski avait été réduit à l’état laïc en juin 2014.

Après son arrestation, le Saint-Siège avait précisé que cette procédure avait été décidée sur “volonté expresse” de François, qui voulait qu’un cas “aussi grave soit traité avec la rigueur juste et nécessaire”.

La lutte anti-pédophilie de l’Eglise a été marquée par plusieurs jalons: en 2011, le Vatican a demandé à toutes les conférences épiscopales de collaborer avec les justices civiles et d’élaborer des normes contre les prêtres coupables ou soupçonnés; en 2013, le Saint-Siège a durci sa législation pénale, mettant fin à l’impunité de ses prélats; en 2014, une commission pontificale pour la protection des mineurs est créée, formée de 17 experts dont d’anciennes victimes.

Le principal reproche de fond que continuent à faire au Vatican le comité des droits de l’enfant de l’ONU et les associations d’anciennes victimes est le fait que les enquêtes canoniques qui remontent des diocèses au Vatican pour y être instruites continuent d’être confidentielles. Le Vatican affirme sa volonté de protéger les victimes et les prêtres qui peuvent être faussement accusés.

Source: http://www.ladepeche.fr/

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