Paris | L’ex-juge Olivier Bailly ou le récit d’un scandale judiciaire

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Pédocriminel En liberté

L’ex-juge Olivier Bailly est un pédocriminel en liberté
Olivier Bailly, 59 ans, l’ex juge de Dijon, est définitivement condamné pour instigation à commettre un viol sur sa fille de 13 ans. Olivier Bailly, absent au procès, a plaidé le “pur fantasme” : peut-il être cru ? 

La cour d’appel de Paris a condamné Olivier Bailly à 3 ans de prison avec sursis probatoire ainsi qu’au retrait de l’autorité parentale.

En 2019 et 2020, ce magistrat du tribunal de Dijon avait proposé à des inconnus sur internet de violer sa fille de 12 ans.

Après deux procès et une cassation, il était jugé une dernière fois, le 1er juillet 2024, par la cour d’appel de Paris.

Dans la vie, Olivier Bailly. est magistrat, premier vice-président du tribunal de Dijon, en charge du pôle familial. Il ordonne chaque jour des mesures dans l’intérêt supérieur des enfants de couples qui se séparent, veillant à ce que le conflit des adultes affecte le moins possible le développement du mineur.

Sur le site Wyylde de rencontres libertines, Olivier Bailly est « MAXIVOLUPTATEM ».

Il a eu des centaines de conversations avec des dizaines d’internautes au sujet de fantasmes libertins. Parmi ceux-ci, Olivier Bailly aimerait bien que des hommes « dominateurs » dépucèlent par le viol sa fille de 13 ans. Il est interpellé en compagnie de sa femme le 4 juin 2020. 

L’utilisateur « MAXIVOLUPTATEM », écrivent les enquêteurs, se présentait comme « Olivier et Solène », couple marié qui recherchait un partenaire masculin « dominant » pour des rapports sexuels avec Solène, en présence de son mari.

« Il ressortait de l’analyse des conversations que l’un et l’autre époux semblaient utiliser ce même pseudonyme », notent-ils. 

Solène Bailly est également magistrate : conseillère à la cour d’appel de Dijon. Quelques années auparavant, elle avait accepté de s’adonner au libertinage avec son mari, puis ils avaient cessé cette activité et le compte Wyylde avait été désactivé en 2017.

Olivier Bailly le réactive en 2019 sans en informer sa femme. 

Au départ, elle ne sait pas qu’il utilise leur compte commun pour la proposer à des kyrielles d’hommes, mais fin 2019, Olivier Bailly finit par la mettre au courant des projets qu’il a pour elle, et elle accepte d’en satisfaire quelques uns,

« pour lui faire plaisir », dit-elle en procédure.

Elle explique qu’il lui demandait régulièrement d’avoir des relations sexuelles où elle serait dominée par des hommes choisis par lui. Elle rencontre un dénommé alias « Akimm » dans un hôtel de la gare de Lyon, avec qui elle a des relations sexuelles devant son mari, qui regarde et prend des photos en « transpirant énormément », dit Akimm aux policiers. 

Une fois, les relations ont lieu avec un certain « Tony Black ». En tout, Solène B. aura moins d’une dizaine de relations sexuelles de ce type, généralement filmées.

Solène Bailly n’est pas informée de l’activité de son mari sur le site libertin. Elle ne sait pas que, lorsqu’il évoque sa femme dans les très nombreuses conversations qu’il a sur les salons de discussion du site, Olivier Bailly la présente comme une

« salope, mère de famille » et « pute à black » ;

il envoie à son insu des photos d’elle nue sur lesquelles apparait son visage.

Les conversations qu’il a avec des internautes tournent beaucoup autour de la thématique du viol et de la contrainte.

Le fait qu’elle n’ait d’autre choix que de se soumettre, qu’elle soit dominée et humiliée par des pratiques sexuelles dégradantes semble être le moteur à fantasme d’Olivier Bailly

Le fantasme de savoir sa fille violée

C’est au cour de l’une de ces conversations qu’il glisse un jour qu’il a une fille âgée de 13 ans, « espionne » de l’intimité de ses parents.

Il attend que l’interlocuteur relève. Quand c’est le cas, la conversation dérive vers la jeune adolescente, que son père présente sous le prénom d’emprunt de Louanne (sauf une fois, où il donnera son vrai prénom, probablement par inadvertance)

Le 21 octobre 2019, un homme choqué par cette proposition le signale au modérateur du site, qui prévient les autorités et coopère à l’enquête en fournissant les images qu’il a reçues.

La jeune fille apparaît dans des positions suggestives, la main dans le pantalon : des photos prises à son insu alors qu’elle était dans sa chambre ou allongée dans le canapé, et que son père a diffusées à des inconnus pour les aguicher.

Au début du mois de décembre 2019, MAXIVOLUPTATEM débute une conversation avec Leonard21, un policier infiltré du groupe central des mineurs victime de l’Office Central pour la Répression des Violences faites aux personnes (OCRVP).

L’enquêteur guide la conversation pour en savoir plus sur les projets que son interlocuteur réserve à sa fille. Il sera consigné plus de 1.500 messages, sur la messagerie du site et sur Whastapp, d’une crudité et d’une violence mettant clairement en lumière la volonté d’Olivier Bailly de voir sa fille violée par des inconnus.

ll dit par exemple que ça l’excite de

« savoir qu’elle va devenir soumise sous ta volonté, un mâle choisi pour elle, sans elle », et aussi : « Le jour où tu n’y tiens plus tu la baises contente ou pas. » Il conseille de « la briser un peu au départ pour pouvoir l’exploiter ensuite », car la « louer » est un projet très sérieux. « Il n’y a pas de difficulté pour moi si tu dois la forcer. » ; « Ce sera important qu’elle subisse même si elle n’est pas d’accord » ; « Humilier la femme c’est aussi déflorer sa fille » ; « quand on l’entendra hurler dans la maison, on saura qu’elle a perdu son pucelage ».

Des propos similaires, allant parfois très loin dans les scénarios envisagés de viols collectifs et de « vente de pucelage », sont relevés par les policiers. Leonard21 demande si ce ne sont pas « juste des fantasmes sur messagerie ? » Olivier Bailly répond clairement que non. 

En avril 2020, alors que la France est confinée, il écrit qu’il est bien dommage que les déplacements soient impossibles, car sa fille, en vacances, serait disponible. Il calcule même la distance le séparant de son interlocuteur :

« 231 kilomètres, bien au-delà des 100 kilomètres autorisés », déplore-t-il.

Après un certain temps, estimant être suffisamment renseignés, les enquêteurs interpellent les époux Bailly à leur domicile.

C’est mon mari, et je l’aime

Lorsqu’elle est placée en garde à vue, Solène Bailly affirme ne pas avoir connaissance du fait qu’il proposait à des internautes de soumettre sexuellement leur fille. Elle dit

« tomber des nues », puis se présente comme « horrifiée »

à la lecture des propos tenus par son mari sur le site libertin. Lorsque l’enquêteur lui tend les clichés de sa fille pris par Olivier Bailly, elle déclare éprouver à l’égard de son mari

« un sentiment de haine et de détestation ». Puis, elle ajoute : « c’est mon mari, et je l’aime. »

Avant qu’elle ne soit convoquée au commissariat, Solène Bailly a prévenu sa fille :

« ton père a diffusé des choses sexuelles sur toi, parce qu’il était très perturbé par son travail ».

Le policier montre à l’adolescente les photographies prises à son insu par son père. La jeune fille est surprise. Elle ne comprend pas d’où les photos proviennent.

Elle répète à plusieurs reprises :

« c’est bizarre ».

Dans son audition de garde à vue, Olivier Bailly reconnait immédiatement les faits et propose cette explication : tout est virtuel, ce n’est qu’un délire malsain.

« J’ai pas réfléchi, c’est abominable et détestable, jamais je n’aurais pu faire ça à ma fille. » Il dit aussi : « Je suis effaré par ce que j’ai commis, j’espère que mon épouse et mes enfants me pardonneront un jour. » 

Solène Bailly. est remise en liberté sans poursuites, Olivier Bailly est mis en examen pour instigation non suivie d’effet à commettre une agression sexuelle, un viol, et une corruption de mineure, ainsi que pour « corruption de mineure », charge qui sera ultérieurement abandonnée

Ce n’est que le le 11 mars 2021 qu’il livre au juge d’instruction des explications sur l’origine de ces « délires malsains », liés selon lui au traumatisme de l’affaire Bodein. Pierre Bodein, alias « Pierrot le fou », a tué deux filles et une femme de manière atroce.

Son dossier a été instruit à Colmar, et c’est Olivier Bailly, alors substitut du parquet général, qui a eu la lourde charge de représenter le ministère public. 

Il a travaillé pendant un an exclusivement sur ce dossier traversé par l’horreur, puis fut l’un des deux avocats généraux qui ont soutenu l’accusation pendant le procès de trois mois et demi, au terme duquel Bodein fut condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, mais ses co-accusés acquittés, ce qu’Olivier Bailly a vécu comme un échec

A cette époque, sa femme était enceinte de leur fille. 

Parce qu’il a été psychiquement démoli par l’horreur à laquelle il a été confronté, Olivier Bailly va proposer à des inconnus, 12 ans plus tard, de violer sa fille ? C’est sa ligne de défense.

Un prévenu à la personnalité clivée protégé par sa femme

Le jour de l’interpellation des époux Baily, un administrateur ad hoc a été désigné par le Conseil départemental de la Côte d’or pour représenter les intérêts de la jeune fille. L’avocate de cet administrateur ad hoc est Marie-Christine Klepping, qui frise les 40 ans d’un exercice entièrement dédié au droit de la famille et des enfants. 

Elle a bien connu Olivier Bailly dans son activité professionnelle, un magistrat qui rendait des décisions particulièrement justes, humanistes et soucieuses de l’intérêt des enfants qu’elle représentait.

Elle a été stupéfaite en apprenant la nature des faits qui lui étaient reprochés. C’était tout simplement inimaginable qu’un si bon magistrat puisse être à ce point duplice et écrire des horreurs pareilles. 

Plus tard, un expert psychiatre dira du mis en cause qu’il présente

« une personnalité clivée ». 

Après sa mise en examen, Olivier Bailly est retourné vivre auprès de sa femme, sa fille et ses deux fils aînés (« Louanne » est la benjamine).

Il a été suspendu en attente d’une révocation qui interviendra un an plus tard, et a sombré dans une profonde dépression, mais « Louanne » va très bien.

Enfin, c’est ce que dit sa mère à l’administrateur ad hoc, qui essaie en vain de mettre en place un suivi psychologique pour la jeune fille.

À chaque fois que l’aide sociale à l’enfance (ASE) tentera de prendre contact avec la jeune fille, Solène Bailly qui exerce toujours ses fonctions de conseillère à la cour d’appel de Dijon, s’interposera. Elle ne permettra la mise en place d’aucune suivi. 

Me Klepping n’a pu la recevoir qu’une fois dans son cabinet, et, avec toute son expérience et sa bienveillance, elle n’a rien pu tirer de l’enfant qui avait été rigoureusement préparée par sa mère à réciter un discours rassurant. 

Plus tard, Solène Bailly avait écrit pour se plaindre que Me Klepping avait malmené sa fille. L’avocate ne verra plus jamais la jeune fille.

Olivier Bailly comparaît le 18 février 2022 devant le tribunal correctionnel de Besançon, où l’affaire a été dépaysée, pour instigation non suivie d’effet à commettre une agression sexuelle, un viol, et une corruption de mineure.

Absent à l’audience en raison de son état de santé psychologique, s’excuse-t-il, il estime par le biais de son avocat être innocent du délit qu’on lui reproche, car il n’aurait jamais eu l’intention de passer à l’acte, que cela relevait du pur fantasme, et que par conséquent, ses propos ne recouvraient aucune réalité.

En plus de l’administrateur ad hoc représenté par Me Klepping, quatre associations de protection de l’enfance ont ferraillé dans le prétoire pour faire part de leur rejet de l’argumentaire du prévenu et de la crainte pour la sécurité de la jeune fille, qui n’a que quinze ans et vit toujours sous le même toit que son père

Les associations sont déboutées, mais Olivier Bailly est déclaré coupable et condamné le 11 mars 2022 à deux ans de prison dont un an avec sursis probatoire.

Il a fait appel avec la ferme intention de venir s’expliquer en personne, mais n’a pas pu se présenter à son procès devant la cour d’appel de Besançon, qui l’a condamné le 2 octobre 2022 à deux ans de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pour instigation à la corruption de mineure, le relaxant pour les délits d’instigation non suivie d’effet à commettre une agression sexuelle et un viol, mais uniquement pour des raisons de qualification pénale, c’est-à-dire de pure forme.

L’argumentation de la cour d’appel demeure identique à celle du tribunal correctionnel.

Ces actes par voie électronique sont des actes positifs d’incitation de son interlocuteur à débaucher sa fille

Sur le fond, la cour estime notamment que 

« M. Bailly avait dépassé le stade de l’imaginaire en proposant sa fille mineure pour qu’elle soit initiée aux plaisirs de la chair. Il savait que ses propositions avait du sens, puisqu’il proposait déjà sa femme. » Elle écrit aussi que « ces actes par voie électronique sont des actes positifs d’incitation de son interlocuteur à débaucher sa fille », ou encore que « s’agissant de la notion d’offre, le modus operandi de M. Bailly conduisait naturellement dans sa construction intellectuelle et dans la vie exposée de sa sexualité de couple à mettre en avant comme une réalité la ‘mise aux enchères’ de la vertu de sa fille mineure ».

Suite à un pourvoi du parquet général de Besançon, la cour de cassation, le 7 juin 2023, a cassé l’arrêt et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Paris. Le procès se tient le 1er juillet 2024 devant la chambre 2-5 des appels correctionnels, et encore une fois, ni Olivier Bailly ni sa fille ne sont présents.

L’audience débute par une curieuse demande de huis clos, formulée par Solène Bailly dans une lettre que la présidente lit à l’audience. Elle souhaite protéger sa fille, dit-elle, d’une médiatisation douloureuse

Invité à s’exprimer, Me Didier Pascaud, l’associé de Me Klepping qui la remplace à cette audience, pense que Solène Bailly souhaite surtout protéger son mari, et qu’elle ne se préoccupe pas beaucoup de l’impact psychologique que cette affaire a pu avoir sur sa fille.

L’avocat explique que, en 4 ans,

« aucun travail n’a été possible avec l’aide sociale à l’enfance, la mère faisant totalement obstacle à toute intervention ». 

Solène Bailly, dit-il, a manipulé les éducatrices qui ont tenté de prendre contact avec sa fille ; elle a empêché toute mesure éducative d’être mise en place, a annihilé toute possibilité de travail thérapeutique.

« Votre cour ne sait rien de l’impact psychologique qu’ont eu les faits sur cette adolescente. » 

Actuellement en terminale, elle vit toujours avec ses deux parents à Dijon. Solène Bailly est toujours conseillère à la même cour d’appel.

Olivier Bailly., révoqué de la magistrature en juillet 2021, s’enfonce irrémédiablement dans une lourde dépression. Une expertise psychiatrique d’avril 2024 déclare qu’il n’est pas en état de comparaître devant une juridiction pénale. Il ne sort presque plus, ne voit plus personne.

C’est un homme asthénique qui déchoit lentement, sous la férule d’une épouse résolue à maintenir son foyer loin des interventions éducatives. Une juge qui empêche la justice d’intervenir, pour le bien de sa fille, prétend-elle. 

La demande de huis clos est rejetée.

Sans prévenu à interroger, sans victime ni témoin, l’audience s’est résumée à une synthèse des faits et à un résumé de la procédure. Il y a en réalité deux débats. L’un est juridique : Est-ce que l’instigation non suivie d’effet à commettre une agression sexuelle et un viol est constituée

Pour l’avocate générale, qui demandera que la peine prononcée en première instance soit confirmée, cela ne fait aucun doute.

« Qu’il n’ait pas eu l’intention de passer à l’acte ne change rien à la qualification », puisque ce sont des faits d’instigation non suivie d’effet. « On est dans la virtualité des faits de viol, mais on est dans la réalité de la proposition sur des réseaux d’une mineure à des hommes. »

Le traumatisme de l’affaire Bodein comme justification

Demeure la question vertigineuse que personne ne peut ignorer : et si Olivier Bailly était passé à l’acte, qu’aucun internaute ne l’avait signalé et qu’il avait effectivement livré sa fille à des hommes qui l’auraient violée ?

Heureusement pour le prévenu, la seule personne invitée par la cour, et qui se lève désormais pour rejoindre la barre, est intimement convaincue de l’impossibilité de ce passage à l’acte, et c’est une sommité qui exerce sur la cour un charme certain. Le psychiatre Daniel Zagury, qui l’a expertisé le 18 mars 2021 dans le cadre de la procédure disciplinaire qui l’a finalement révoqué, en convient :

« c’est un cas assez compliqué à comprendre. » 

Le psychiatre a entendu le récit d’Olivier Bailly : le sentiment de honte qui l’accable, d’avoir trahi les siens.

« Un élément domine son récit : c’est l’affaire Bodein. »

Pour lui, le traumatisme est évident, et proposer sa fille de 13 ans à des inconnus sur Internet a été une « solution à sa souffrance traumatique. » Il conclut :

« Ce n’est pas un grand pervers qui a proposé sa femme et sa fille, mais un homme qui s’est fracassé sur une affaire hors norme. »

Le Dr Zagury a expertisé Pierre Bodein et il en frissonne encore

Mais il s’est écoulé douze ans entre le procès Bodein et le début des faits. Comment a-t-il mené par la suite une carrière rangée et sans vague, d’abord à la cour d’appel de Douai, puis à la cour de cassation, et pourquoi cela n’a-t-il ressurgi qu’en 2019 à Dijon ? 

Zagury explique que les traumatismes peuvent ressurgir des années après, comme ces rescapés de la Shoah qui se suicident dans les années 80 (par exemple, le grand écrivain Primo Levi, NDLR). 

Pour Olivier Bailly, on parle de traumatisme vicariant, qui est l’exposition à la souffrance d’autrui en contexte professionnel, par l’engagement empathique avec les récits des personnes ayant vécu des événements traumatisants. Olivier Bailly a été exposé à l’horreur et le traumatisme l’a rongé de l’intérieur, jusqu’à ce qu’il trouve une issue, une catharsis.

Le juge allait-il si mal qu’il le prétend ? Il était selon lui au bord du suicide, accablé par la charge de travail et le manque de moyen dans son service.

Pourtant, relève ironiquement la présidente, il écrivait ses messages pendants ses heures de travail, et si on le trouvait un brin préoccupé et fatigué, comme le sont tous les magistrats, personne n’a évoqué un homme au bout du rouleau, ni ses proches collègues, ni sa femme. 

Cette dernière a déclaré aux enquêteurs :

« Il fait très bien son travail, mais il s’ennuie. »

Dans son arrêt, la cour d’appel de Besançon avait écrit :

« la notion avancée de suicide social ne peut pas plus être retenue car M. Bailly a toujours caché ses activités à son épouse, ses collègues et son entourage. »

Et puis : quels rapports entre les meurtres commis par Bodein et les faits commis par Olivier Bailly ? Ce traumatisme n’est-il pas un prétexte pour justifier des actes injustifiables ? Les magistrats de la cour sont circonspects et se demandent si ce récit n’a pas été construit a posteriori, pour lui servir de défense. 

La présidente fait une remarque au psychiatre :

« J’ai fait le constat que le registre utilisé pour sa fille et son épouse est très exactement le même. Or avec sa femme il passe à l’acte. » 

Zagury répond :

« Les mots peuvent être les mêmes mais les registres sont différents. Il est dans un registre verbal et il fait semblant. » 

La juge aurait alors pu rebondir en demandant au psychiatre si les photos de sa fille endormie dans des positions suggestives relevaient également du registre verbal

Si l’acte d’envoyer à des inconnus la photo d’une jeune adolescente en maillot de bain ou endormie dans des positions « équivoques » était exempt de toute perversité ? La présidente, qui l’a évoqué dans son rapport, ne l’a soumis ni à la discussion, ni à l’analyse du psychiatre

Des problèmes d’exhibitionnisme et de voyeurisme

Le Dr Zagury exclut donc cliniquement l’hypothèse d’un passage à l’acte. 

La cour a hélas oublié d’inviter le Dr Jean Canterino, alors même qu’il avait été désigné par le juge d’instruction pour établir si le mis en cause était ou non atteint d’un trouble psychique ayant aboli son discernement.

Sa réponse à cette question est négative, et s’il avait été à la barre, le Dr Canterino aurait pu dire à la cour qu’Olivier Bailly

« présente une personnalité clivée en partie adaptée lui ayant permis de s’intégrer professionnellement et d’être apprécié par ses proches, et une autre fonctionnant en dépit des interdits du point de vue psycho-sexuel avec des problèmes d’exhibitionnisme et de voyeurisme ». 

L’expert avait également noté la nécessité pour Olivier Bailly

« de s’exciter sur le plan sexuel avec des scénarios de type pervers où il propose sa fille et sa femme à des inconnus », expliqué que « le lien avec la réalité est absolument préservé », en enfin conclu qu’« on ne peut en aucun cas suivre Monsieur Bailly lorsqu’il dit qu’il se sentait débordé par son travail et qu’il a fait exprès d’avoir ce type de comportement pour en quelque sorte se suicider socialement. » 

L’expertise, lapidaire, n’évoque pas de traumatisme, mais il semble que seul l’avis du Dr Zagury intéresse la cour, qui n’évoque pas oralement l’existence de la seconde expertise.

Chargée de plaider la relaxe d’Olivier Bailly, son avocate a dénoncé un traitement spécial, particulièrement sévère, réservé à son client en raison de sa qualité de magistrat. 

Elle semblait de ce fait confondre la vindicte populaire que cette affaire a déchainé sur les réseaux sociaux, alimentant les idée complotiste de réseaux pédophiles au sein de l’élite de la République, avec le traitement pénal de son client qui, en fin de compte, a proposé à des dizaines d’individus de violer sa fille mineure et ne fera pas un jour de prison. 

Plus technique sur le plan juridique, elle estime que l’infraction ne peut être caractérisée que si un contrat est passé avec un acte substantiel,

pas « des propos en l’air ».

En fin de plaidoirie, Me Didier Pascaud a demandé :

« pour la jeune fille, qu’est-ce qu’on fait ? »

Dans quelques mois, la jeune fille aura 18 ans et « on » ne pourra plus rien faire.

Le 30 septembre, la cour d’appel de Paris a condamne Olivier Bailly à trois ans de prison assortis d’un sursis probatoire pour une durée de trois ans. Il est en outre interdit d’exercer une profession en contact avec les enfants pour une durée de dix ans, et inscrit au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS). Ajout notable mais symbolique : la cour a prononcé le retrait de l’autorité parentale sur sa fille, qui fêtera ses 18 ans dans quelque mois.

Les prénoms de la fille et de la femme d’Olivier Bailly ont été changés.

 

 

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