Paris | 5 ans de sursis pour avoir agresser sexuellement une fillette pendant 7 ans

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Reconnu coupable de 200 agressions sexuelles sur la fillette
Un homme de 94 ans a été condamné ce mardi à 5 ans de prison avec sursis. Il a été reconnu coupable de 200 agressions sexuelles sur Elisa, quand elle avait entre 5 et 12 ans, à la fin des années 1980. C’était le mari de sa nourrice.

Abusée enfant à Paris, elle fait condamner son agresseur 30 ans plus tard.

« Je serai abîmée toute ma vie »

Un homme de 94 ans a été condamné ce mardi à 5 ans de prison avec sursis.

Il a été reconnu coupable de 200 agressions sexuelles sur Elisa, quand elle avait entre 5 et 12 ans, à la fin des années 1980. C’était le mari de sa nourrice.

Le déclic est arrivé en 2017, avec un reportage sur le mouvement #MeToo, appelant à libérer la parole des victimes de viols et agressions sexuelles.

À condition de parler avant le délai de prescription. Pour les atteintes sexuelles sur un enfant de moins de 15 ans, c’est dans un délai de 20 ans après la majorité, soit 38 ans.

Elisa (son prénom a été changé) a 35 ans.

« L’horloge tournait », nous confie cette femme aujourd’hui âgée de 41 ans, ce mardi, entre deux portes, au tribunal judiciaire de Paris, où se tient le procès de celui qui l’a « abîmée » pour toujours.

L’homme a 94 ans et s’est fait représenter par une avocate. Les juges sont en train de délibérer. La sonnerie retentit, l’audience reprend.

Elisa retourne au premier rang et laisse échapper un grand soupir de soulagement : Teddy B. est reconnu coupable de l’avoir agressée pendant sept années, quand elle avait entre 5 et 12 ans.

Le tribunal a estimé qu’elle avait été agressée plus de 200 fois. Il est condamné à cinq ans de prison avec sursis, vu son âge et son état de santé.

À la fin des années 1980, les parents d’Elisa venaient de s’installer dans l’est parisien. Ils cherchaient une nourrice pour Elisa et son plus jeune frère, leur aîné étant déjà ado.

Dans le quartier, on leur recommande la gardienne du lycée tout près. Elle vit dans l’établissement avec son mari.

Rapidement et pendant longtemps pour la famille d’Elisa, ils resteront « mamy et papy ».

Les enfants sont gardés le soir, le mercredi et pendant les vacances. S’il arrive à la nourrice de faire une course, son mari veille sur les petits.

Lui travaille dans l’automobile, tient une salle de judo et adore parler de la Thaïlande.

Des billets contre le silence de l’enfant

Souvent, il propose au petit frère d’aller jouer dans la cour et reste seul avec Elisa, à qui il impose un « rituel » qu’elle a tu pendant toutes ces années : elle doit se déshabiller, il lui fait subir des attouchements, se masturbe.

« Un point de basculement arrive quand vous êtes en CE1 ou CE2, détaille la présidente de la 15e chambre qui reprend avec une infinie attention toutes les déclarations d’Elisa. Vous prenez conscience de l’anormalité, vous vous confiez après une nuit difficile, vous avez beaucoup pleuré et vous lui dites que vous allez en parler à vos parents et là, sous le sceau du secret il vous demande de ne pas en parler. Il vous rémunère après chaque attouchement, avec un billet de 50, 100 francs. »

Avec l’argent, Elisa achète des cadeaux à son petit frère.

Sa grand-mère s’étonne de ce billet, elle en parle à la mère d’Elisa qui cherche à savoir si quelque chose ne va pas, mais l’enfant ne dit rien.

« Elle avait trop peur de foutre le bordel », témoignera bien plus tard une amie de 6e qui a percé le lourd secret.

Elle aussi a été abusée.

« Entre victimes, on se soutient », dira-t-elle.

Presque adolescente, Elisa propose à ses parents de garder elle-même son petit frère, elle a trop peur qu’il subisse la même chose.

Elisa, la sœur « secrète, réservée, cherchant à ne pas faire de vagues », qui « s’isole pour gérer ses émotions ». La fille « attentive aux gens, modeste et toujours très arrangeante ».

Ses parents ne comprennent pas pourquoi elle ne veut pas adresser ses vœux de bonne année à Mamy et Papy.

Elle s’effondre à un repas de famille

Elisa recroise Teddy B. à un anniversaire, elle suffoque, impossible de lui parler, elle a du mal à respirer.

Il tend sa main vers son bras, elle l’en dissuade :

« Tu ne me touches pas »

C’est la dernière fois qu’elle l’a vu. Elle finit par exploser lors d’un repas de famille.

Ce jour-là, la mère d’Elisa s’inquiète pour une jeune convive qui n’a pas l’air bien, elle lui conseille de parler de ses tourments.

C’est Elisa qui s’effondre littéralement. Ses parents et ses frères la croient. Le juge d’instruction aussi.

Tribunal correctionnel de Paris, mardi 6 février.

Pour Me Charles Morel, avocat d’Elisa, les violences sexuelles sont «plus qu’un fléau, une hécatombe, un problème majeur de santé publique».

Quand Elisa dépose plainte en 2017, elle est devenue maman.

Teddy B. a déjà 87 ans.

Pour accélérer la procédure, Me Charles Morel dépose plainte avec constitution de partie civile.

« On a dû lui monter la tête, on ne peut pas savoir ce qu’il se passe dans la tête des gamines », conteste le retraité, entendu en visio par le juge.

« Elle était toujours assise par terre, elle se mettait dans des positions un peu… Avec les jambes écartées. Elle aurait pu être violée si elle était tombée sur un malade de la tête, pas comme moi. Je sais que je n’ai jamais rien fait. »

Interrogées par le juge d’instruction, ses filles et sa femme sont abasourdies :

« mais Elisa n’a pas pu fabuler », dit l’épouse, 67 ans de mariage.

« Il emportera ses secrets et ses mensonges dans sa tombe », fustige à l’audience Me Charles Morel, l’avocat d’Elisa.

« Quand on comparaît pour des faits de plus de trente ans, et qu’on n’est plus en état de s’expliquer, ce n’est pas satisfaisant, ni pour le prévenu, ni pour la victime », estime l’avocate de Teddy B. qui avait, en vain, invoqué la prescription des faits devant la chambre de l’instruction.

« Je n’avais qu’une envie, qu’il grille en enfer »

« Les faits ne sont pas prescrits », conteste la procureure, qui requiert cinq ans de prison avec sursis probatoire.

« Il est rare d’avoir autant d’éléments de contexte, une parole constante et circonstanciée », insiste la représente du parquet.

Le psy d’Elisa aussi a témoigné pendant l’instruction. La difficulté à évoquer les faits, le traumatisme, sa culpabilité, tout crédibilise les accusations.

« Il n’est pas là mais c’est votre moment de justice à vous », dit la présidente à Elisa, qui oscille à la barre entre les larmes et des sourires de soulagement.

« Je vous remercie d’avoir repris tous ces éléments. Je n’ai aucun intérêt à être ici, si je n’avais pas subi tout ce qu’il m’a fait subir. ça a été long, douloureux, tortueux pour arriver là. En plus de ces traumas que je porte encore, la souffrance d’attendre jusque-là, j’étais prise dans un paradoxe pour qu’il reste en vie jusqu’au procès, alors que je n’avais qu’une envie, qu’il grille en enfer. Je me suis construite sur des sables mouvants. Je me sens bancale. Je serai abîmée toute ma vie, ça va me faire du bien cette étape avec vous. »

Serrés sur un banc, son mari, son petit frère, sa mère et sa copine de 6e écoutent, la gorge serrée.

Le retraité, qui a dix jours pour faire appel, devra aussi l’indemniser à hauteur de 10 000 euros en réparation des souffrances endurées, 13 000 euros pour la thérapie engagée pendant plus de cinq ans, 1500 euros pour le préjudice sexuel.

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