Orléans | Un jeune proxénète condamné à quatre ans ferme

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La victime : une adolescente qui était placée en foyer
Illustration | Tribunal Judiciaire d'Orléans
En comparution immédiate ce jeudi 11 août, le tribunal d’Orléans a eu à juger d’une sombre affaire de proxénétisme dont la victime n’avait que 14 ans au moment des faits.

“À 15 ans, on a la vie devant soi”, glisse la présidente à Nadia (le prénom a été modifié) au terme d’une pesante audience de comparution immédiate au tribunal d’Orléans, jeudi 11 août. Une façon de dire à la jeune Loirétaine au sombre passé, que l’avenir doit lui donner des raisons d’espérer.

Quel passé ? Celui d’une prostituée qui a des rapports sexuels tarifés depuis ses 14 ans. Quel avenir ? Celui d’une ado pleine de projets, sur le point de reprendre ses études pour devenir infirmière.

Après une hospitalisation à Daumezon…

Si ce futur est possible, c’est parce que Nadia a eu le courage de dénoncer les faits. Tout commence quand l’adolescente placée en foyer, car en rupture familiale, est hospitalisée à Daumezon (établissement spécialisé en santé mentale à Fleury-les-Aubrais). Elle y rencontre celle qu’elle qualifie à l’époque de “cousine de cœur”. Cette dernière lui explique comment se faire de “l’argent facile” en se prostituant et la met en relation avec un certain Ziyad Ben Khaled. Nous sommes en juin 2021.

Nadia a déjà eu un premier proxénète “avec qui ça se passe très vite mal”. Avec Ziyad, elle se sent rapidement en confiance. Jusqu’à développer de profonds sentiments amoureux envers l’homme de 21 ans. L’emprise s’installe.

“Jusqu’à dix passes par jour”

Le proxénète fixe les prix, rédige les annonces, réserve les hébergements, organise les transports et surtout, récupère l’argent. Orléans, mais aussi Marseille, Bordeaux, Nantes, Lyon, Rennes, Reims, Dijon, Paris, Brest : le duo parcourt la France pendant environ un an. Devant le tribunal, Nadia indique réaliser “jusqu’à dix passes par jour”, gagner “entre 1.500 et 1.800 euros par soir”.

À la barre, elle confie :

“Je prenais de la cocaïne pour tenir le coup, sinon, je me fatiguais trop vite.”

De la cocaïne, de l’herbe, “quelques fois du crack avec les clients” ; la jeune fille a aujourd’hui “arrêté les drogues”, mais a longtemps consommé des stupéfiants.

Elle dénonce les faits au commissariat

La relation entre les deux jeunes gens se dégrade quand Nadia constate, en fouillant dans son téléphone, que l’homme qu’elle aime “discute avec d’autres filles”. Leur rapport n’est plus le même : elle lui réclame de toucher “50% des revenus de la prostitution”. Mais c’est surtout parce qu’elle se dit victime, à Marseille, d’actes de violences (prévention non retenue par le parquet contre le prévenu) qu’elle se rend dans un commissariat à Paris.

Les enquêteurs remontent alors jusqu’à un appartement du boulevard Alexandre-Martin, à Orléans, et tombent sur deux femmes, prostituées elles aussi, dont une mineure. Ziyad Ben Khaled est arrêté et poursuivi pour “proxénétisme aggravé”, à l’encontre de ces trois victimes (seule Nadia est présente à l’audience).

Face au tribunal, le prévenu a d’abord ces mots :

“Depuis deux mois que je suis incarcéré, j’ai pris conscience de beaucoup de choses. Ce que j’ai fait est grave. J’ai des remords tous les jours.”

“Elles bossaient quand elles voulaient”

Concernant les faits, il affirme : “Il n’y avait jamais dix passes quotidiennes, plutôt six ou sept. Et plus de 1.000 euros par jour, non, c’est pas possible ! Les filles n’avaient pas d’horaires fixes, elles bossaient quand elles voulaient. Je n’ai jamais forcé personne à prendre un client.”

Il assure qu’il ne savait pas que deux des trois prostituées étaient mineures. Et l’argent ?

“Il partait tout le temps. On n’arrivait pas économiser”.

Il fait éclater Nadia en sanglots quand il confie :

“J’avais des sentiments à son égard. Jusqu’à aujourd’hui encore. J’ai essayé à plusieurs reprises de faire cesser tout ça.”

L’avocate de la partie civile balaye ces sentiments et parle “d’un système bien rodé, d’une petite entreprise qui ne connaît pas la crise”. Elle insiste sur les “profils” choisis par le proxénète : “De très jeunes filles, vulnérables, isolées de leur famille”, dont il se sert “comme de la marchandise”.

Cinq ans ferme requis

“Vu la gravité des faits, vu les profits, vu les antécédents” – Ziyad Ben Khaled a été condamné, à Brest, pour des faits d’agression sexuelle commis en mai 2017, à deux ans avec sursis –, la procureure requiert la révocation de ce sursis, ainsi que cinq ans de prison dont deux assortis d’un sursis probatoire, soit un total de cinq ans ferme avec mandat de dépôt.

“Une peine digne des assises !”, s’insurge l’avocate de la défense. “Vous êtes saisi d’un seul fait, le proxénétisme”, rappelle-t-elle au tribunal. “Oui, mon client a tiré profit de la prostitution. Point.” Le conseil souligne, notamment :

“Les jeunes filles étaient déjà toutes prostituées” ; “Vous n’avez aucune certitude qu’il connaissait leurs âges.”

La peine prononcée est finalement de quatre ans dont deux ans avec sursis probatoire de deux ans. Le sursis de l’affaire de 2017 étant révoqué, Ziyad Ben Khaled part pour quatre ans en prison. Il est également condamné à une série d’obligations et d’interdictions, et à une peine amende de 5.000 euros.

 

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