Nay | Témoignage d’un ancien élève du collège Saint-Joseph de Nay
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 15/12/2025
- 19:18
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Stéphane Estanguet avait 15 ans quand il est entré au collège de Saint-Joseph de Nay en 1986.
Une “institution” selon lui, un collège-lycée qui dispensait dans les Pyrénées-Atlantiques, une éducation catholique “très recherchée à l’époque”.
Situé à 10 kilomètres du collège-lycée Notre-Dame de Bétharram, l’établissement privé est depuis juin 2025 à son tour visé par des plaintes pour violences physiques et sexuelles.
L’ancien élève, à l’initiative d’un collectif de victimes, a été aux premières loges d’un collège où régnait, d’après lui, une violence endémique.
“Tout changeait le soir quand les externes quittaient l’établissement” se souvient-il.
Les heures d’étude commencent, “on nous impose un silence absolu”.
Le moindre manquement à cette règle, le moindre bruit entraîne alors une avalanche de violences.
“On prend des gifles, des coups de poing, on prend aussi des coups comme des dictionnaires sur la tête, des coups de règle sur les doigts ou sur le bras tendu”.
Les violences sont assénées par des abbés comme des surveillants laïcs.
Des gestes jamais justifiés, ajoute-t-il :
“C’était leur méthode. À aucun moment, ils ne se sentaient redevables d’une explication. “
Le déclic Bétharram
Alors quand Stéphane Estanguet découvre en mars 2024 les propos publiés dans la presse d’Alain Esquerre, qui dénonce avec d’autres victimes le “régime de terreur” en vigueur à Notre-Dame de Bétharram, tout remonte à la surface pour l’homme de 54 ans.
“Ça résonne tout de suite. Quelques dizaines de minutes après, je revois des images du cloître, des images de la salle d’études, du dortoir.”
Avec les souvenirs, affluent la désagréable sensation d’isolement, le sentiment “d’une grande, d’une profonde solitude”.
Les mois passent.
Mais à la suite d’une soirée passée avec des amis, la discussion se prolonge sur un fil WhatsApp.
Les anciens élèves, désormais quinquagénaires évoquent Bétharram, Notre-Dame de Garaison dans les Hautes-Pyrénées, Saint-François-Xavier à Ustaritz.
Des établissements tous concernés par des plaintes de victimes pour violences physiques et sexuelles.
“Et là, on se dit oui. Entre les violences physiques, les travaux forcés, les humiliations, les punitions irréalisables ou totalement absurdes, la liste est trop longue. Il faut faire quelque chose”.
Stéphane Estanguet crée un groupe Facebook, et, une personne après l’autre, un collectif se forme.
“La méthode” Saint-Joseph
Tous parlent de faits identiques.
Un système de violences commises par un ensemble de personnes travaillant dans le lycée et le collège catholiques.
Directeur, abbés, surveillants laïcs et même, des surveillants élèves, ce qui “révolte le plus” Stéphane Estanguet.
“Ils étaient en première, en terminale.
C’étaient donc des élèves qui frappaient d’autres élèves.
En fait, ils prenaient exemple sur ce qui se faisait depuis quarante ans à Saint-Joseph.
Il faut le dire, il y avait un héritage, une méthode”.
Le lanceur d’alerte parle en premier “des viols, des agressions sexuelles, des “violences morales, des travaux forcés, des humiliations”. Mais il éclaire aussi une autre réalité : le manque de soin et d’assistance quand les enfants pouvaient tomber malades.
“La nourriture était exécrable, les internes avaient des troubles digestifs énormes.
Il y a eu des cas graves.
J’ai des témoignages de gens qui ont failli mourir à l’internat.”
Des violences qui n’ont pas été passagères.
Alors que lui était scolarisé au collège fin des années 80, d’anciens élèves des années 60, 70, 90 rejoignent rapidement le collectif.
Au final, les victimes relatent les mêmes faits, de 1956 à 1996.
“On commençait à avoir un panorama sur des dizaines d’années, observe Stéphane Estanguet.
Ce n’était pas isolé.
Les violences étaient perpétrées sur des décennies.
C’était systémique.”
Libérer la parole
Alors aujourd’hui, le lanceur d’alerte souhaite passer un message en direction des victimes silencieuses.
“Faire le premier pas, ce n’est pas facile.
C’est lourd, on se fait violence pour ça, mais c’est important de parler, c’est libérateur”.
Lui invite ceux qui ont vécu ces violences à rejoindre le groupe créé sur Facebook pour rompre avec la solitude et le mutisme qui entourent les victimes :
“il n’y a aucune obligation dans le collectif.
Les gens font ce qu’ils veulent.
Ils discutent, ils ne discutent pas.
On n’est pas une secte.
On est bienveillants entre nous.”
Le groupe, baptisé Saint Joseph de Nay “les années sombres”, en référence à une expression utilisée par le directeur sur le site internet de l’établissement, compte aujourd’hui 32 membres dont une ancienne enseignante.
Depuis septembre, une ou deux demandes d’adhésion sont faites par semaine.
“Il faut un certain temps.
Mais pas à pas, les gens sont rassurés et ensuite, la parole se libère”, confie Stéphane Estanguet.
Et après, déposer plainte
Depuis l’ouverture de l’enquête en juin 2025, 14 plaintes ont été déposées par d’anciens élèves du collège-lycée, dont 12 en un mois et demi.
Une suite “naturelle” selon lui, une fois que les victimes ont pu briser le silence au sein du collectif.
Si porter plainte représente logiquement un acte fort, Stéphane Espanguet souhaite rassurer.
“Cela fait du bien de se sentir écouté par la justice.
Les choses sont prises au sérieux.
Les brigades de recherche, qui accueillent les victimes, sont très bienveillantes” assure celui a qui a finalement déposé plainte.
Car lui n’avait pas prévu d’aller aussi loin dans sa démarche.
Mais l’initiative en mai 2024 d’un autre ancien élève, Paul Mira, joue dans son choix un rôle décisif.
L’homme, âgé de 69 ans s’était rendu à la gendarmerie pour dénoncer “les tabassages” qu’il avait subis de la part de Bernard L. , un abbé également accusé en avril 2025 par Hélène Perlant, la fille de François Bayrou, l’ancien Premier ministre.
“C’est là que je me suis dit : je dois rendre les choses officielles.
Et le seul moyen, c’est le dépôt de plainte, c’est la justice”.
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