Nanterre | Un bénévole de la Croix-Rouge accusé d’agressions et harcèlement sexuels

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Pédocriminel En liberté

Malgré une interdiction d’exercer une fonction avec des mineurs, il forme des ado à la Croix-Rouge
Un ancien bénévole de la Croix-Rouge est renvoyé devant la justice à Nanterre (Hauts-de-Seine) pour des soupçons d’agressions sexuelles et harcèlement sexuel sur de jeunes secouristes qu’il était chargé d’encadrer.

“Climat d’amitié”, pour le mis en cause, “emprise ” selon les parties civiles : un ancien bénévole de la Croix-Rouge des Hauts-de-Seine est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour “corruption de mineur de 15 ans”, “agressions sexuelles par personne ayant autorité”, “harcèlement sexuel” et “appels téléphoniques malveillants”.

Des faits que cet homme, âgé aujourd’hui de 39 ans, est soupçonné d’avoir commis en 2012 puis de 2017 à 2019.

Quatre anciens bénévoles ainsi que la Croix-Rouge se sont portés partie civile dans ce dossier.

Le prévenu devra aussi répondre de détention d’images pédopornographiques.

A l’époque des faits relatés par les plaignants, Rémi* est chargé d’accueillir les bénévoles qui rejoignent l’association, de les encadrer et les former.

Le trentenaire est très présent.

Trop, diront, avec du recul, plusieurs des parties civiles.

Pour une seule année, les enquêteurs ont relevé plus de 5.500 échanges téléphoniques (messages ou conversations) avec un jeune homme, 2.300 avec un autre, 2.250 avec un troisième.

Des questions sur leur quotidien, mais aussi leur sexualité ou leurs goûts en matière de films pornographiques.

Ne pas répondre revenait à courir le risque de recevoir une salve de nouvelles sollicitations, via tous les canaux possibles, racontent les parties civiles.

L’un des témoins, qui n’a cependant pas souhaité déposer plainte, dit s’être senti “englué” face à cette avalanche.

“C’est des papouilles, Loulou”

Rémi est en demande de contacts.

Mais il est aussi à l’écoute des plus fragiles.

L’un des secouristes qui a porté plainte, âgé de 17 ans lorsqu’il rencontre le bénévole, dit avoir, sur le moment, apprécié les échanges avec lui, au cours desquels il s’intéresse à sa vie ou apporte son soutien à ce jeune parfois un peu perdu.

Rémi, 35 ans à cette époque, l’invite régulièrement chez lui, lui propose, comme à d’autres, de prendre des bains et de dormir à son domicile, dans le même lit.

Le jeune bénévole dira plus tard aux enquêteurs que le formateur lui a caressé le sexe alors qu’il le croyait endormi.

Une autre fois, selon ses dires, il le masturbe, toujours en le pensant endormi.

Ce plaignant explique avoir redouté des accès de violence s’il se rebellait, avoir été “sous emprise psychologique”, et avoir songé à se suicider.

Un autre bénévole raconte avoir, lui aussi, reçu des messages quotidiens.

Rémi lui pince les fesses, lui fait des câlins, et lorsqu’il le repousse, le trentenaire “boude”, le faisant culpabiliser, dit-il.

Tout juste majeur à cette époque, il jugera plus tard avoir été pris dans un “engrenage”, s’être senti prisonnier.

Fin 2017, il trouve que Rémi s’est trop rapproché de lui lorsqu’ils dormaient ensemble.

Dans un message, il le met en garde :

“Pour que je revienne faire dodo chez toi, tu sauras qu’il ne faudra pas refaire la même chose !”

Puis, deux mois plus tard, après de nouveaux échanges :

“Les câlins, les bisous, les petites caresses et j’en passe, ça me gave”

. Réponse de Rémi :

“C’est des papouilles, juste ça Loulou, viens”.

Des proches du trentenaire se disent, pour leur part, étonnés des accusations à son encontre, tout en reconnaissant son caractère parfois insistant.

Un témoin affirme que les relances ont cessé une fois qu’il a mis les choses au point.

Rémi, lui, assure ne pas avoir perçu la gêne chez les jeunes secouristes.

Au sujet de celui qu’il est soupçonné d’avoir masturbé de nuit, il explique aux enquêteurs avoir été ému par le garçon, et ajoute :

“Je me demandais si on était ensemble”

Pour les autres, il parle d’amitié, assure ne pas s’être rendu compte d’avoir été oppressant.

Affirme que les mains aux fesses sont quelque chose de courant dans les rapports entre bénévoles, de l’ordre d’un “jeu idiot”.

“Zone grise”

Sollicité par France Inter, Sahand Saber, l’avocat de Rémi juge:

“Il faudra s’arrêter sur chacun [des plaignants] et étudier chaque relation que mon client a pu avoir avec les personnes qui ont déposé plainte contre lui,  Il y avait des relations qui étaient affectueuses, qui étaient amoureuses (…). Il y a comme une zone grise, en fait, dont on a du mal à déterminer s’il y avait consentement, pas consentement, s’il y avait contrainte ou pas contrainte.

Est-ce que des refus ont été exprimés ? En l’état du dossier, ce n’est pas le cas et mon client ne pouvait pas les deviner”.

Au fil de cette affaire se dessine une ambiance d’entre soi, où la sphère associative et la sphère privée s’entremêlent, où la proximité et la promiscuité déteignent sur les rapports professionnels.

Une ambiance “quasi-sectaire” juge un proche du dossier.

Car les faits ne passent pas inaperçus.

Plusieurs bénévoles de la Croix-Rouge racontent par la suite avoir changé d’antenne pour s’éloigner du mis en cause.

D’autres admettront avoir reçu les confidences des jeunes, dont certains livraient leur récit en larmes.

A tel point que Rémi est mis en garde plusieurs fois.

Plusieurs avertissements

En 2012, après qu’un bénévole de 14 ans l’a accusé de propositions déplacé, Rémi est convoqué par le président d’une unité de la Croix-Rouge des Hauts-de-Seine.

Alors chargé d’encadrer les équipes, il reconnaît les faits, et se voit retirer ses fonctions hiérarchiques pour redevenir “simple” bénévole.

Deux ans plus tard, il change d’antenne.

En 2018, un nouvel avertissement est adressé au trentenaire, pour des attitudes déplacées.

Ce n’est qu’en mars 2019 qu’un directeur de l’antenne où exerce Rémi se rend au commissariat pour dénoncer ce comportement qu’il juge inadapté.

A en croire le récit du responsable, les jeunes idolâtrent presque le mis en cause, le considèrent comme un mentor.

Contactée par France Inter, la Croix-Rouge a expliqué ne pas souhaiter s’exprimer sur une procédure en cours.

Condamné en 2008 à huit mois de détention avec sursis pour captation et détention d’image à caractère pédopornographique, Rémi s’est vu interdire d’exercer une fonction avec des mineurs pendant dix ans.

Interdiction qu’il a expliqué par la suite ne pas avoir appliquée à ses activités à la Croix-Rouge, celles-ci étant bénévoles.

Placé huit mois en détention provisoire après les plaintes de 2019, il est désormais sous contrôle judiciaire.

La date de son procès n’a pas encore été fixée.

*le prénom a été modifié

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