Nancy | Un père de famille jugé pour violence sur son fils de 7 ans

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« Quand on commet ce genre de faits, on n’est pas un père ! »
Ce lundi, le tribunal de Nancy a jugé Khairadine M., 44 ans. Le soir d’Halloween, il aurait voulu abandonner son fils de 6 ans dans un endroit isolé pour le punir. Terrorisé, l’enfant s’est accroché à la portière. Traîné sur une centaine de mètres, il a été grièvement blessé.

Il faudra « recoller les morceaux », « reconstruire la maison ».

Ce 17 mars, Marc Hechler, le président du tribunal correctionnel de Nancy (Meurthe-et-Moselle), ne lésine pas sur les métaphores pour parler de l’avenir de la relation entre Khairadine M., 44 ans, père de famille et son fils, Maël (le prénom a été changé) âgé d’à peine 7 ans.

D’après les mots de sa maman, qui a quitté monsieur au début de sa grossesse, l’enfant est encore « traumatisé » depuis cette soirée du 31 octobre 2024.

Quatre pages de certificat médical, trois semaines d’hospitalisation et une sortie en fauteuil roulant.

Alors, avant de reconstruire ou de recoller quoi que ce soit, Khairadine M. va devoir s’expliquer sur ses méthodes éducatives datant d’un autre âge, qui lui valent ce renvoi devant le tribunal pour violences sur mineur de 15 ans, par ascendant ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours.

Il n’avait pas été sage au centre aéré

Ce sont les médecins du CHU de Brabois qui décident ce soir là, à 22 heures, d’appeler la police en urgence, imaginant que les blessures sur l’enfant qu’ils pansent sont d’origine volontaire.

Ce soir d’Halloween, ils donnent l’alerte face à ce petit garçon d’1m02 au visage tuméfié, avec œil au beurre noir, présentant trois plaies au crâne dont une laissant apparaître l’os, les lèvres gonflées ainsi qu’une plaie importante au talon, toujours pas consolidée à ce jour.

Plus tôt dans la journée, son père, mécontent de son comportement au centre aéré où il était gardé, décide de l’emmener chez les gendarmes pour que ces derniers lui fassent la morale.

Première idée curieuse. Cela ne semble pas suffire. Auditionné, l’enfant rapporte :

« J’ai fait des bêtises, j’ai continué de jouer alors que j’aurais dû arrêter. »

« Je vais t’abandonner dans un cimetière plein de monstres et de zombies »

Son père le charge alors dans l’utilitaire de l’entreprise pour laquelle il travaille (depuis les faits, son CDD n’a pas été renouvelé) avec la ferme intention de le punir.

Le projet : faire mine de l’abandonner pour lui faire peur. « Je vais t’abandonner dans un cimetière plein de monstres et de zombies », lui aurait-il dit.

Le petit est déposé sur un chemin, à Liverdun, au milieu de nulle part.

« Il m’a dit : Pars ! mais moi je me suis accroché à la portière »,

Explique Maël, qui est ainsi traîné sur plus de cent mètres sans que son père ne remarque rien, avant que l’enfant lâche et roule, entraîné par la puissance du véhicule, sur des pierres et des gravillons.

Ses petites chaussures et des morceaux de la poignée y ont été retrouvés.

« Je me suis retrouvé sur ce chemin par erreur »

À la barre, Khairadine M. est dans le même état qu’à son arrivée à l’hôpital le soir des faits, prostré, apathique : « J’arrive pas à me remémorer complètement la scène », dit-il.

Peut-être est-ce dû aux médicaments qu’il prend depuis plusieurs mois.

C’est également une tout autre explication qu’il donne au président.

Plus question de monstres et d’abandon d’enfant, ce soir-là, il voulait aller « chez l’une des tantes du petit, qui habite Nancy ». Sauf que, « Liverdun est à l’extrême opposé de Nancy, par rapport à votre domicile de Frouard », lui fait remarquer le juge.

« Je me suis retrouvé sur ce chemin par erreur, j’étais embourbé, l’enfant pleurait, je l’ai fait sortir pour me concentrer sur ma manœuvre », tente-t-il de se justifier.

Les éléments matériels du dossier ne démontrent pas cela.

« En restant dans une position qui ne corrobore pas les déclarations de votre gamin, vous vous mettez dans une position délicate, l’avertit le président. Vous refusez de regarder les choses en face, vous louvoyez, mais ce soir-là, votre fils aurait pu être tué, projeté contre un arbre ! »

Des douches froides en cas de pipi au lit

Pour l’avocate de la partie civile, Me Marianne Waeckerlé,

« Certes Monsieur n’a pas souhaité ces conséquences, mais même si Maël n’avait pas eu 7 agrafes sur le crâne, le simple fait d’avoir voulu lui faire peur en le laissant seul sur ce chemin, dans la nuit noire, c’est déjà une violence en soi ! »

Le ministère public la suit et enfonce le clou, en supposant que certaines blessures — notamment celle au crâne dévoilant un bout d’os — « ne peuvent pas venir du simple fait d’avoir été traîné » et proviendraient de « violences antérieures ».

Effectivement, l’enfant aurait confié au médecin légiste des coups de ceinture, de claquettes ou des douches froides quand il fait pipi au lit.

D’après sa mère, déjà avant les faits, Maël somatisait à l’idée d’aller chez son père, et ce n’est pas la première fois qu’il menaçait l’enfant d’aller l’abandonner en forêt.

Des cauchemars toutes les nuits

Pour autant, aucune instruction n’a été diligentée par le parquet de Nancy.

« Quand on commet ce genre de faits, on n’est pas un père ! »

Tempête la substitut du procureur Natacha Collot, requérant le retrait de l’autorité parentale ainsi que trois ans d’emprisonnement dont deux assortis d’un sursis.

« Comment peut-on dévier autant dans cette audience, explose, en défense, Me Damien Rodrigues. On dépeint ce père de famille comme un monstre ! Or, le dossier est déjà suffisamment lourd pour qu’on vienne rajouter des éléments qui n’existent pas ! »

Pour lui, l’intention de commettre des violences et celle d’abandonner son fils ne sont pas caractérisées, et il demande la requalification en atteinte involontaire.

Quatre mois et demi après les faits, Khairadine M. « regrette beaucoup ce qui s’est passé ».

Maël, lui, fait encore des cauchemars toutes les nuits et dort avec sa mère.

Délibéré le 12 mai.

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