Mulhouse | Jugé 20 ans après les faits il échappe à la prison ferme

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Sa peine, il l’effectuera sous bracelet électronique
À l’âge de 8-10 ans, cette trentenaire a été victime d’inceste de la part de l’homme qui l’a reconnue comme sa fille. Elle a déposé plainte en 2022, vingt ans après, quand les faits ont refait surface dans sa mémoire. Et lundi 3 juin, ce père devait en répondre au tribunal correctionnel de Mulhouse.

Plus de 20 ans après les faits, cet individu, Patrick (*), âgé de 65 ans, a été condamné ce 3 juin 2024 à 1 an de prison ferme par le tribunal de Mulhouse.

Quand Camille a vu le jour, Patrick était le concubin de sa mère. Il n’est pas son père biologique, mais il l’a reconnue comme sa fille et lui a donné son nom.

Camille a eu une petite enfance déjà difficile. À l’âge de 2 ans, la fillette dont la maman est « extrêmement fragile », dépeint Me Estelle Boucard, avocate de Camille est placée en foyer. Elle reviendra vivre avec sa mère, dans la Bassin potassique, à l’âge de 8 ans.

Sa mère, entre-temps, s’est séparée de Patrick et elle a un autre compagnon. Mais Patrick revient occasionnellement à la maison.

Et c’est à cette période que Camille situe les faits incestueux dont elle a été victime de sa part, entre ses 8 ans et ses 10 ans.

Ces faits traumatiques, elle les a longtemps enfouis dans l’oubli. Pendant deux décennies. Jusqu’à ses 30 ans et ce jour d’un examen gynécologique lors duquel deux épisodes lui sont revenus en mémoire, « dans une espèce de flash », relate Tiffany Gamain, la présidente d’audience.

Camille trouve alors la force de déposer plainte, fin 2022, et parle aux enquêteurs de ces deux nuits durant lesquelles son père est venu dans sa chambre et lui a caressé la poitrine et le sexe.

Elle n’a pas d’autres souvenirs, mais n’exclut pas qu’il y ait eu d’autres faits. Patrick reconnaît s’être livré à des attouchements sur Camille, mais assure qu’il ne se « rappelle que d’une seule fois ».

« De quoi vous vous rappelez ? », lui demande la présidente.

« J’ai mis la main dans la petite culotte », répond le retraité, qui habite dans l’agglomération mulhousienne.

Me Boucard évoque « le retentissement psychologique extrêmement important » que les faits ont eu pour la victime, qui a connu états dépressifs, tentative de suicide, « décompensation » et hospitalisation après la révélation des faits…

Un peu plus tôt, Camille évoquait elle-même les souffrances qu’elle a endurées et endure encore, adressant notamment au prévenu :

« Je veux que tu saches que j’ai été terrifiée et que je le suis encore […] ; que oui, ça m’a détruite ; que oui, ça m’a empêchée de me construire de manière épanouie. »

Stéphanie Fernandes, la procureure, salue « le grand courage » de la victime. Elle évoque « l’horreur, l’atroce » de l’inceste ; ses conséquences ; le mécanisme de la mémoire traumatique. Ou encore « la contrainte morale » dont le prévenu a usé sur sa fille, « tout simplement parce qu’à 8 ans, on n’est pas armé pour dire non à son papa ».

Avocate de Patrick, Me Hélène Löffler estime qu’il « y a un doute sur ce que Monsieur a pu faire ».

Pour plaider la clémence, elle évoque notamment « la mauvaise santé » du retraité, qui a été alcoolique pendant des décennies et se dit sevré depuis l’an dernier.

Jugement conforme aux réquisitions : le prévenu est condamné à trois ans de prison, dont deux assortis d’un sursis probatoire – avec, entre autres, une obligation de soins et une interdiction de contact avec la victime – et un an ferme qu’il pourra purger sous bracelet électronique.

Patrick sera inscrit au fichier des délinquants sexuels. Interdiction définitive lui est faite d’exercer toute activité impliquant un contact avec des mineurs.

Aujourd’hui, Camille s’est défait du nom de famille de Patrick pour prendre celui de sa mère. En s’adressant au sexagénaire, elle lui a aussi dit :

« Je veux te laisser ma honte. » Et redit : « Je veux me libérer ». Poursuivant : « J’ai encore un long chemin à faire, mais je sais que je vais y arriver. »

(*)Nous avons modifié les prénoms

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