Marseille | 3 à 4 ans de prison ferme pour les trois proxénètes d’une jeune fille de 15 ans
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 26/02/2024
- 20:33
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Myriam* lâche cette phrase avec calme devant le tribunal correctionnel de Marseille :
«Je me prostitue depuis l’âge de 14 ans».
Myriam est aujourd’hui bientôt majeure (elle aura 18 ans cet été).
À la barre de la septième chambre, les mots de la jeune fille parviennent par bribes.
Entre deux silences, l’adolescente évoque le proxénétisme avec un naturel déconcertant.
«Moi je suis mineure.
J’ai pas de carte bancaire, tout ça, donc j’ai toujours travaillé avec des gens, jamais seule.
J’étais avec un garçon déjà avant.
Je me suis échappée de lui car il était trop violent et je suis allée avec d’autres garçons.»
Les autres garçons dont Myriam parle sont juste à côté d’elle, sur le banc des prévenus.
Trois jeunes hommes âgés d’une vingtaine d’années qui comparaissent tous trois pour proxénétisme.
Au moment des faits, Myriam a seulement 15 ans.
Les policiers la retrouvent un jour de 2022 dans un appartement du 11e arrondissement de Marseille où elle dit être enfermée.
L’alerte a été donnée par l’ami d’une connaissance de Myriam.
«Je me prostituais et je ne prenais pas un euro, explique Myriam.
Moi, j’étais consentante. J’ai toujours travaillé.
Il n’y a pas eu de forçage sexuel ou quoi.
Moi, j’étais d’accord pour travailler, mais pas gratuit.»
Ce n’est pas Myriam, mais la présidente du tribunal qui évoquera le viol dont a été victime la jeune fille à Toulouse par un inconnu, l’année de ses 14 ans.
Soit l’année à partir de laquelle elle commence à se prostituer.
La présidente évoque aussi les multiples fugues de la jeune fille durant l’adolescence, sa déscolarisation depuis la troisième, son hospitalisation en psychiatrie.
Pendant la lecture des faits par Christel Estienne-Garcia (d’un ton mécanique), les jambes de la jeune fille moulées dans un pantalon de cuir tremblent, et ses yeux habillés de longs faux cils fixent le sol.
De la chair à canon
Tamara Elbaz,la procureur de la République, s’interroge:
«Qu’est-ce que c’est de consentir à se prostituer à 15 ans à peine ?
Qu’est-ce que ça veut dire de consentir à un rapport sexuel, à donner son corps quand on a à peine 15 ans et qu’on a un parcours compliqué, qu’on s’est déjà prostitué ?»
Myriam écoute la procureur, interdite, les bras serrés contre son ventre.
«On est comme de la chair à canon pour ces majeurs.
Ce qui est frappant dans ce dossier, c’est la manière dont est traitée cette jeune fille.
C’est de la chair à canon, un outil rentable qui permet de faire de l’argent.»
À 15 ans, fuyant un proxénète violent, Myriam se rend chez son père à Saint-Nazaire.
Là, elle écrit à un certain Abderrahmane B., avec qui elle a échangé dans le passé, exclusivement sur les réseaux sociaux.
L’homme loue une voiture et traverse la France pour venir la chercher, en compagnie de deux autres hommes.
D’après Myriam, les jeunes gens conviennent de travailler ensemble et de partager les revenus de ses prestations sexuelles.
Une annonce sur un site spécialisé est postée.
«Mais je ne devais pas aller à Marseille», explique l’adolescente, qui se retrouve prise au piège.
Arrivée dans cette ville dont elle n’est pas originaire, la jeune fille enchaîne les clients, jusqu’à une dizaine par jour, dans une location meublée de tourisme dont elle n’a le droit de s’échapper que dans un «petit périmètre».
«Elle avait 15 ans, l’âge de mon petit frère, c’est comme si j’avais sa garde, justifie Mohamed B., l’un des prévenus.
Je suis… Comment on dit déjà ? Responsable.»
Face aux questions insistantes du tribunal, la jeune fille, souvent, admet ne plus se souvenir.
«Est-ce que vous consommiez des produits stupéfiants au moment des faits ?»,
demande Me Djamel Bouguessa, l’avocat de Myriam, à sa cliente.
«Oui, répond la jeune fille. De la cocaïne et du shit.
Le shit, c’était cinq ou six joints par jour. Je prenais aussi des ballons»,
nom donné pour la consommation de protoxyde d’azote.
«Quand elle rentrait de ses fugues chez elle, pour quelques jours, maximum quelques mois, Myriam racontait à sa mère l’emprise et la dépendance, à l’alcool, aux bombonnes de gaz, au shit, à la cocaïne»,
rapporte l’avocate de Sarah*, la mère de Myriam.
«Myriam est une adolescente à la vie tumultueuse et prostitutionnelle, résume Me Lions.
C’est une gamine de 14 ans qui se trouve enrôlée dans des réseaux de prostitution.
Trois ans d’un quotidien fait pour ma cliente d’interrogations et de tortures permanentes.»
Une larme perle au coin des lèvres pulpeuses de Myriam, tandis que Sarah sanglote.
«Vous imaginez pour une mère lorsqu’elle découvre sur TikTok non seulement des annonces, des tarifs, mais aussi des images qui mettent en scène sa fille qui se prostitue ?
Ma cliente vous le dira : au départ, c’était un garçon manqué.
Aujourd’hui, elle a ce physique qu’on retrouve tristement, comme des duplicatas, dans tous les dossiers de prostitution de mineures.»
«Ma cliente a vécu l’enfer», abonde Me Djamel Bouguessa.
D’anciens trafiquants de drogue
«Et les prévenus aujourd’hui n’en ont absolument cure, accuse Me Lions.
Ces trois-là ont bien compris une chose : c’est que faire dans la prostitution de mineures 2.0, c’est pratique, flexible, mobile, avec une certaine immédiateté.
Et puis, surtout, ça coûte moins cher devant le tribunal correctionnel qu’un trafic de stupéfiants.»
Les trois prévenus ont en effet un lourd casier, avec des participations à des réseaux de trafic de stupéfiants notamment à Marseille.
Deux d’entre eux comparaissent d’ailleurs déjà détenus dans d’autres affaires.
D’après les enquêteurs, Mohamed B. était le logisticien de la bande, faisant le lien avec les clients.
Il rémunérait aussi Amine D., chargé de rester dans l’appartement pour surveiller à la fois Myriam et ses clients.
Le troisième, Abderrahmane B., seul à comparaître libre, était le «gérant» de l’affaire.
Devant le tribunal correctionnel, les prévenus nient les faits de séquestration.
Seul Mohamed B. reconnaît du bout des lèvres les faits de proxénétisme.
«Auriez-vous prostitué votre frère qui avait le même âge que Myriam au moment des faits ?»,
demande, provocatrice, Tamara Elbaz à Mohamed B.
«Bien sûr que non», rétorque en riant le jeune homme.
Les avocats des prévenus plaident la relaxe, mettant notamment en exergue des preuves insuffisantes dans le dossier.
Après deux heures et demie de suspension d’audience, le tribunal a relaxé les prévenus des faits de séquestration.
Ils sont en revanche condamnés entre trois et quatre ans de prison ferme pour proxénétisme aggravé.
Un mandat d’arrêt est prononcé à l’encontre d’Abderrahmane B., absent au moment du délibéré.
«Une nouvelle vie s’ouvre pour ma cliente aujourd’hui», avait plaidé Me Bouguessa à la barre.
Myriam a cessé de fuguer et est retournée au domicile au début de l’année, avec pour projet d’entamer des études d’esthétique.
Devant le tribunal correctionnel, son premier mot à la barre se voulait être un message d’espoir.
«Aujourd’hui, je vais bien.»
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