Lyon | Mort de Lisa empoisonnée au Destop

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L’intention de donner la mort n’a pas été retenue par les jurés
Myriam Jaouen, employée de crèche où était gardée la fillette de onze mois, a été condamnée à 25 ans de prison, dont 12 ans et demi de sûreté par la cour d’assises du Rhône, ce jeudi 3 avril.

Trois jours d’audience n’ont pas clarifié les intentions de l’accusée, mais ils ont établi ses actes.

Myriam Jaouen, auxiliaire de puériculture, a forcé un bébé de onze mois, Lisa, à ingurgiter une dose massive et létale d’un liquide caustique déboucheur de canalisations, alors que son père venait de la déposer à ses bons soins à la crèche, au matin du 22 juin 2022, à Lyon.

L’acide a dissous l’appareil digestif du jeune enfant, entraînant sa mort dans des souffrances extrêmes, sans que son bourreau n’entreprenne le moindre geste pour la secourir, ou ne s’enquiert de son état.

Ce jeudi, la cour d’assises du Rhône a posé sur cette scène d’horreur le terme d’« acte de torture et de barbarie ayant entraîné la mort, sans intention de la donner ».

Les neuf jurés ont écarté la qualification de « meurtre aggravé », pour laquelle Myriam Jaouen était renvoyée devant les assises, et qu’avait requis l’avocat général, Baptiste Godreau.

Absence d’empathie et « court-circuit » mental

L’accusée de 30 ans, prostrée dans sa doudoune couleur chocolat, un mouchoir au creux de la main, va purger 25 ans de réclusion, avec une période de sûreté fixée à la moitié de la peine, un suivi socio-judiciaire de 5 ans, et une interdiction définitive d’exercer une profession d’aide à la personne.

François Renault, l’un des experts psychiatres qui l’a examinée, a résumé ainsi le for intérieur de l’accusée : « Sa priorité est de se protéger de choses trop compliquées. » Au moment des faits, elle a 27 ans, une silhouette de moineau, moins de 50 kg, et ce regard vide et froid, qu’elle continue, depuis son box, à poser sur le monde.

Son absence d’empathie a marqué le procès.

« Ce n’est pas qu’elle ne veut pas, elle ne peut pas », insistent ses avocates, Me Maylis Leduc et Julia Coppard.

Si elle a été reconnue responsable de ses actes, l’ancienne élève en difficulté a aussi été diagnostiquée déficiente au plan intellectuel, incapable de gérer ou nommer ses sentiments, vite débordée par le stress.

Son passage à l’acte serait un « court-circuit » mental.

Le psychiatre hausse les sourcils : « Pourquoi ça a pris cette forme-là ? Cette gravité-là ? Moi, je n’ai pas la réponse. »

Le récit d’une employée à bout s’est effondré

Il n’y a pas de folie chez l’accusée. Pas de pathologie psychiatrique qui viendrait expliquer l’inconcevable. Pas non plus de circonstances exceptionnelles, d’enchaînement tragique pour aboutir à ce déchaînement de haine.

« Pourquoi ? C’est une question qui restera sans réponse, ou sans réponse poussée », a constaté l’avocat général, Baptiste Godreau, avant de requérir 30 ans de prison.

Le récit d’une employée à bout, excédée par les pleurs incessants, livré un temps par Myriam Jaouen s’est effondré à l’examen des faits.

Il s’est passé 8 minutes, entre l’instant où Fabio B. a déposé sa fille à la crèche, et le moment où Myriam Jaouen a pianoté sur son téléphone « que faire quand un enfant a mangé un déboucheur pour toilettes ».

« On a fait de leur fille un petit être insupportable qui en voulait plus que tout le monde, mais Lisa n’était qu’une enfant de 11 mois, 76 cm et 9 kg », souligne Me Catherine Bourgade, l’avocate des parents.

Myriam Jaouen a reconnu avoir tenu Lisa « fermement » par la nuque, et avoir enfoncé dans sa bouche le goulot de la bouteille de produit caustique, avec ces mots qui glacent : « Mange et tais-toi. »

Elle pensait que le produit « partirait avec le caca ».

La perpétuité demandée par l’avocate de la famille

« Ce ne sont pas les conséquences terribles et dramatiques que vous devez juger, ce sont les actes », plaide Maylis Leduc, qui demande aux neuf jurés d’avoir le « courage d’admettre que Myriam Jaouen n’a jamais eu l’intention de tuer. »

Le banc des parties civiles, qui ressemble à un banc de messe, baigné de soleil, est vide.

Les parents de Lisa ont quitté la salle pour les plaidoiries de la défense. Triturant un élastique entre ses doigts fins, Me Leduc se tourne vers la cour :

« Je ne défends pas un monstre, mais l’être humain. » Cette fille qui « n’est pas une foudre de guerre », comme l’a qualifiée sa propre mère dans son audition, « la débile, l’handicapée ». Ces mots que Myriam Jaouen a toujours entendus.

L’accusée en pleure dans son box. Elle semble affectée par son incompétence davantage que par l’acte qu’elle a commis. Le conçoit-elle vraiment ? Les débats n’auront pas permis de comprendre son rapport si étrange aux bébés, ceux dont elle s’occupait et celui qu’elle s’est inventé. Il lui a servi à compenser ses manques au travail, à se donner une contenance, à exister dans la vie de Kevin, son premier et unique petit ami.

Dans le box, Myriam Jaouen regarde le président, attentive comme rarement quand ce dernier lit les déclarations de ce petit copain, qui avoue avoir simplement profité de l’affection que lui vouait « cette fille bizarre » pour lui soutirer 200 euros quand il était en prison.

Lors de sa plaidoirie, Me Bourgade a demandé au nom des parents de Lisa la perpétuité pour Myriam Jaouen.

Une peine rare, mais qu’une autre cour d’assises a prononcée la semaine dernière à Bordeaux (Gironde), pour l’assassin de Chahinez, brûlée vive par son ex-mari.

« Lisa a brûlé de l’intérieur », a comparé l’avocate, avant d’évoquer la mère en deuil : « Sophie va tous les jours sur la tombe de Lisa. Elle va aller demain sur la tombe de Lisa, et elle va expliquer à Lisa quelle a été la décision de la cour, on lui doit. Et la seule chose qu’elle touchera, c’est le marbre froid. »

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