
Loire-Atlantique | Un père prend 20 ans pour le meurtre de sa fille
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 23/05/2025
- 19:10
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Lors du procès, un témoin a accusé le père d’inceste sur sa fille.
La cour d’assises de la Loire-Atlantique a prononcé vingt ans de réclusion criminelle ce lundi à l’encontre du père de famille qui était jugé depuis quatre jours pour le meurtre de sa fille de 18 ans, après l’avoir jetée du haut du pont de Saint-Nazaire en juin 2022.
La peine est conforme aux réquisitions de l’avocat général : Ozkan T. avait été vu par une douzaine d’automobilistes et d’agents de surveillance en train de « propulser » sa fille par-dessus la rambarde du « pont le plus long de France », qui culmine à 60 m, soit « la hauteur d’un immeuble de douze étages », avait comparé le magistrat.
Sa fille Selen avait ainsi « disparu d’un bond qu’elle n’a pas fait », dans « un salto face au ciel bleu », avant de s’écraser « quatre secondes plus tard » contre la surface de l’eau de l’estuaire de la Loire.
Celle-ci était alors dure « comme du béton », dira un expert interrogé au cours de l’enquête.
Ozkan T. avait lui aussi enjambé la balustrade mais avait finalement été « ramené à la raison » par une patrouille de gendarmerie qui passait là « par hasard ».
« Dans l’incapacité de supporter une attitude contraire à ce qu’il avait bâti »
Mais, alors qu’il aurait dû être « effondré face au suicide de sa fille », le père de famille s’était montré « très énervé » : il « vociférait avec virulence » contre « les mecs qui droguent les jeunes ».
Le quadragénaire s’était même montré « en mesure de gérer la mort » de sa fille puisqu’il avait demandé aux gendarmes à « appeler sa mère en Turquie pour lui annoncer le décès, alors qu’il était encore derrière la balustrade ».
« Il a dit une fois devant un des gendarmes : J’ai tué ma fille… Pas qu’elle s’était suicidée », avait fait remarquer l’avocat général pour accréditer l’idée d’un « meurtre ».
Cet homme de 47 ans d’origine turque voulait en fait « mettre fin à sa propre souffrance psychique » car il était « dans l’incapacité de supporter une attitude contraire à ce qu’il avait bâti » pour cette adolescente en proie à un « mal-être évident » mais qui n’était « pas suicidaire malgré les apparences ».
La prétendue « autodestruction » de Selen T. était en effet « toute relative », selon le représentant du parquet, puisqu’il n’y a eu « aucun passage à l’acte sérieux » en matière de tentative de suicide.
Elle avait juste « avalé une fois une boîte de Doliprane », a-t-il dit, même si les deux avocats de la défense avaient évoqué des « scarifications » et de sombres écrits.
Le père et la fille rentraient alors du Pellerin (Loire-Atlantique), où cette dernière avait passé la nuit chez son petit ami Mohamed K., un trafiquant de stupéfiants « oisif » qui la « maltraitait » : cette adolescente fugueuse ne s’était pas réveillée le matin pour se rendre à une formation pourtant vue comme une « solution miracle » par sa famille.
Ozkan T. était alors parti de son travail comme « une boule de nerfs » en menaçant de « buter » sa fille « si elle replongeait dans la drogue », dira un de ses collègues aux enquêteurs.
L’avocat général était ainsi convaincu que, si la camionnette professionnelle de l’accusé s’est « subitement » arrêtée en haut du pont de Saint-Nazaire, c’est parce que sa fille aînée y aurait vu sa « planche de salut » : elle aurait « serré le frein à main » de la voiture car elle « savait » que l’ouvrage était « filmé par les caméras de surveillance » et qu’il y est « interdit de s’y arrêter ».
Alors qu’elle avait posé les mains sur la rambarde du pont, cet homme « colérique » s’était alors emparé de sa jambe et l’avait « propulsée », selon les témoins.
« Quel père peut, sans limite de temps, décider de tout à la place de sa fille ? »
« Il a été trop loin en se débarrassant d’elle et portera pour toujours le poids de sa disparition », avait conclu l’avocat général.
« Il n’a pas compris qu’il devait l’accompagner plutôt que de décider à sa place. Quel père peut, sans limite de temps, décider de tout à la place de sa fille ? »
Les avocats d’Ozkan T. avaient convenu que leur client avait été « maladroit » quand, en décembre 2021, il avait menacé sa fille d’un couteau à son retour d’une fugue de dix jours où elle avait laissé ses proches « sans nouvelles ».
Ces faits ont d’ailleurs valu au père de famille d’être condamné par la justice.
Mais l’origine de ce « geste inexpliqué » était à chercher du côté des arrière-pensées suicidaires de l’adolescente, selon Me Kamel Abidi.
« J’ai ma place nulle part, sauf sous un pont », avait en effet confié l’adolescente à des gendarmes lors d’une précédente procédure judiciaire.
« Qu’y a-t-il de pire que de condamner un innocent ? » avait ajouté Me Franck Boëzec, le second avocat du père de famille, avant d’insister sur les « biais cognitifs » qui auraient pu induire en erreur les témoins de la chute de la jeune fille.
Mais les jurés se sont rangés du côté de l’avocat général : après ses vingt ans de réclusion criminelle, Ozkan T. aura interdiction de détenir une arme pendant quinze ans et sera inéligible pendant dix ans.
Aucune proche de la jeune fille ne s’était constitué partie civile, même si sa mère l’a « toujours comprise » et « soutenue », avait convenu l’avocat général.
Sa fille lui avait par exemple révélé qu’elle avait été victime d’attouchements de la part de son grand-père maternel à l’âge de 13 ans.
Elle aurait aussi confié à son petit ami, Mohamed K., avoir été victime d’agissements similaires de la part de son père, avait affirmé ce dernier lors de sa déposition devant la cour d’assises.
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