Le tourisme sexuel n’attire pas toujours que des «hommes blancs, riches et d’âge mûr»

Catégories :

Mots clés :

Un rapport publié ce jeudi par une ONG qui milite pour la fin de la prostitution infantile dans le monde montre que le visage des délinquants pédosexuels a changé ces vingt dernières années et n’est pas celui auquel on s’attend.

Illustation - Crédits Photo | Andrew Biraj : Reuters
Illustation – Crédits Photo | Andrew Biraj : Reuters
Le constat est sans appel. Après deux ans de recherches, l’Ecpat, une ONG qui milite pour la fin de la prostitution infantile dans le monde, révèle dans un rapport publié ce jeudi que «les enfants sont plus que jamais victimes d’exploitation sexuelle». Et ce partout dans le monde. «Aucun pays n’est épargné», avertit l’organisation dans son rapport de 150 pages.

Elle déplore en revanche le manque de données chiffrées et fiables pour mesurer la portée de ce phénomène.

«Ce sont des crimes dissimulés, il est donc difficile de les quantifier», explique au Figaro Marc Capaldi, directeur de recherche à l’Ecpat. Mais «il est certain que l’exploitation sexuelle des enfants lors des voyages et du tourisme (ESEVT) a considérablement augmenté en raison du développement massif du tourisme mondial ces dix dernières années. Les gens sont aujourd’hui beaucoup plus mobiles et le développement croissant des nouvelles technologies d’information et de communication a permis aux délinquants d’accéder plus facilement aux enfants».

Pas que des pédophiles

Autre fait marquant dans cette étude mondiale qui compile plusieurs rapports effectués sur tous les continents: le profil des délinquants pédosexuels a changé de façon «spectaculaire» sur ces vingt dernières années. Ce ne sont pas uniquement «des hommes blancs, occidentaux, riches et d’âge mûr».

«Les délinquants pédosexuels peuvent être étrangers ou locaux, jeunes ou âgés», écrivent les auteurs du rapport, qui rejettent l’idée d’un profil type. Ils présentent aussi des caractéristiques économiques et sociales très diverses.

Ce sont aussi bien des touristes, des voyageurs d’affaires, des migrants, travailleurs temporaires, des expatriés ou des bénévoles. Sur 316 personnes qui travaillaient sur des chantiers, 25% avaient reconnu avoir eu des relations sexuelles avec des adolescents, selon une ONG brésilienne.

Autre cliché battu en brèche: le tourisme sexuel n’est pas qu’une affaire de touristes étrangers. Dans la majorité des cas, les auteurs de ces violences sexuelles sont des voyageurs locaux, nationaux et régionaux, souligne l’ONG.

C’est notamment le cas aux Philippines et au Cambodge où les délinquants pédosexuels sont respectivement à 90% et 75% des hommes locaux.

Il y a aussi des femmes et des enfants

Contrairement aux idées reçues, tous ne sont pas des pédophiles. Il y a aussi beaucoup de délinquants «situationnels», «qui cherchent à avoir des rapports sexuels lors de leurs voyages, et passeront à l’acte avec un enfant si l’occasion se présente». L’anonymat et la quasi-absence de poursuites judiciaires dans certains pays peuvent encourager ce genre de comportement.

Dans une plus faible proportion, les femmes sont aussi concernées. Parfois, elles viennent chercher «l’amour» avec des adolescents et des jeunes hommes, comme l’explique une étude réalisée au Venezuela, où le phénomène a été observé.

Dans d’autres cas, ces relations tarifées se font avec des mineurs, sans «scénario romantique».

Le rapport cite un récent article sur la Russie où un nombre croissant de femmes d’affaires étrangères, âgées de 30 à 35 ans, achète les services de jeunes hommes à l’occasion de voyages professionnels dans la région.
Des Européennes le feraient également en Afrique, notamment en Gambie, toujours selon l’Ecpat.

Le rapport évoque aussi le rôle de certains enfants, parfois délinquants, parfois «facilitateurs».

«Ils jouent sur leurs relations avec d’autres victimes pour gagner leur confiance et les manipuler», indiquent deux chercheurs cités dans les travaux de l’ONG.

Cette tendance a pu être observée à Acapulco et à Cancun au Mexique, où des enfants rejoignent souvent le commerce du sexe après y avoir été «invités» par d’autres enfants qu’ils connaissaient.

Le «volontourisme», une nouvelle brèche

Le développement du «volontourisme», de plus en plus populaire parmi les touristes venus de pays développés, a ouvert «une brèche» pour les délinquants pédosexuels, alerte encore l’ONG.
Cette activité qui combine bénévolat et voyage professionnel, études ou vacances attire ceux qui souhaitent «faire quelque chose de bien» tout en découvrant un pays, une culture, des paysages. Mais aussi de potentiels prétadeurs qui profitent d’une activité peu réglementée.

Aucune compétence particulière n’étant requise, ces derniers se retrouvent en contact avec des enfants au sein d’écoles ou d’orphelinat, et sans que leurs antécédents n’aient été dûment vérifiés. Des cas d’abus ont été signalés au Cambodge, au Kenya, en Haïti, au Népal et au Honduras.

Un constat qui rappelle l’histoire de cet humanitaire français interpellé et mis en examen l’année dernière. Selon Le Parisien qui rapportait l’affaire, il est soupçonné d’avoir abusé de plusieurs enfants âgés de 7 à 13 ans, depuis 2013 et jusqu’au début de l’année 2015, au cours de multiples voyages sous couvert d’actions humanitaires dans des orphelinats au Népal et au Cambodge.
Il se rendait en Asie via une association présidée par sa mère et avait déjà été condamné par le passé pour des agressions sexuelles commises sur des enfants au début des années 2000.

De manière générale, il reste très difficile d’arrêter les auteurs de tels actes.

«L’application des lois et les poursuites exercées contre les délinquants sont entravées par un manque de coordination et d’échange d’informations entre les autorités», remarque l’Ecpat.

Conséquence: «les taux de condamnation sont extrêmement faibles (…) ce qui signifie que la majorité des délinquants pédosexuels échappent à la justice». 

Source: http://www.lefigaro.fr/

 

Source(s):