Le glaçant récit d’un footballeur anglais victime d’un coach pédophile

Quatorze ans après la fin de sa carrière, Andy Woodward raconte au «Guardian» le calvaire que lui a fait vivre un homme réputé pour être le meilleur entraîneur de jeunes du pays.

Andy Woodward, à droite, sous le maillot de Bury, lors d'un match contre Manchester United en 1998. Photo Reuters
Andy Woodward, à droite, sous le maillot de Bury, lors d’un match contre Manchester United en 1998. Photo Reuters

Andy Woodward, 43 ans, n’a jamais marqué les fans de foot. Dix ans d’une honnête carrière de milieu de terrain dans des clubs anglais de seconde zone : Crew Alexandra, Bury, Sheffield United, Scunthorpe United, Halifax Town et la retraite en 2002. A 29 ans.

Parce qu’il était incapable de continuer à jouer. Incapable de continuer à supporter le poids des abus sexuels dont il avait été victime, enfant, de la part d’un entraîneur qui sera condamné en 1998 à neuf ans de prison pour ce qu’il avait fait subir à six enfants âgés de 9 à 15 ans. Dont Woodward, qui révèle son calvaire au Guardian.

En proie à un accès de panique plus violent que d’habitude, Andy Woodward a un jour simulé une blessure pour quitter le terrain. Il a eu des pulsions suicidaires au moins en dix occasions, explique-t-il au journal.

Il a passé sa carrière à lutter contre la dépression et l’angoisse, hanté par le souvenir d’un homme qui se décrivait lui-même comme un monstre et lui racontait ce qu’il avait fait à d’autres victimes. 

Le joueur détaille l’emprise qu’avait sur lui Barry Bennell, considéré comme l’un des meilleurs détecteurs de talents d’Angleterre, et qui lui a vite mis dans la tête que lui et lui seul avait le pouvoir de décider si le gamin de 11 ans pourrait exaucer son rêve de devenir footballeur.

Un Bennell qui l’hébergeait le week-end et pendant les vacances. Qui le menaçait avec des nunchakus au cas où il parlerait, promettant de le briser physiquement après l’avoir fait moralement. Un Bennell, enfin, qui deviendra son beau-frère. Malgré la différence d’âge, l’entraineur séduira la sœur d’Andy Woodward (plus âgée de deux ans) et l’épousera.

«Tous les dimanches, il venait dîner chez mes parents, plaisantant et riant. J’avais tellement peur de lui que je ne pouvais que souffrir en silence. […] J’avais 18 ans, j’ai dû assister au mariage. A l’église, je n’avais qu’une idée, lui trancher la gorge. C’était une torture, je n’ai pas d’autres mots.»

«Jusqu’à aujourd’hui ma vie a été ruinée. Mais combien d’autres l’ont été, s’interroge Andy Woodward. Je parle de ces centaines d’enfants que Barry Bennell a détectés pour de nombreux clubs. […] Ce n’est que maintenant, à 43 ans, que je sens que je peux vivre sans ce secret, cet horrible fardeau. Je veux donner cette force à d’autres. J’ai survécu. J’ai gâché ma carrière mais je suis toujours là. Je suis passé de l’autre côté. D’autres que moi peuvent avoir la même force.»

Difficile de graduer l’horreur, dans le récit de Woodward. Mais le plus dérangeant est peut-être ce qu’il raconte sur le club de Crewe où sévissait Bennell. Et où tout se savait. «Des joueurs me disaient:

“Je parie qu’il t’a fait ça. On sait tous qu’il le fait.” […] Crewe m’a laissé tomber. J’étais dans un club professionnel qui avait le devoir de protéger les enfants. Et il y en avait des centaines sur ses terrains. […] Aujourd’hui encore, quand j’entends les résultats de Crewe Alexandra, j’en ai des haut-le-cœur, à 43 ans.»

Plus tard Andy Woodward a joué à Bury. C’est contre Crewe qu’il a marqué l’unique but de sa carrière.

Source : www.liberation.fr

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