La Valette | Sous prétexte d’enquête un gendarme traumatise des enfants

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Des questions inutiles et choquantes
Ouverte en 2021 au sein du groupement de gendarmerie de la Valette, la maison de protection des familles traverse depuis quelques mois des tensions après la réintégration d’un enquêteur. Celui-ci avait été écarté en fin d’année après la découverte de questions “déplacées” à des enfants victimes.

Est-ce que tu te masturbes, est-ce que tu prends du plaisir en le faisant ?

Ces questions ont été posées notamment à un enfant de neuf ans par un gendarme au sein de la Maison de Protection des Familles de la Valette.

Les faits découverts en fin d’année dernière, ont été pris très au sérieux par l’encadrement de la structure.

Après une mise à l’écart préventive et un arrêt maladie de quelques mois, l’enquêteur a repris ses fonctions.

Son retour a suscité l’incompréhension et un certain malaise dans les murs de la MPF.

Le terme de maison pour évoquer le lieu n’a pas été choisi par hasard.

Il fait référence au foyer, lieu dans lequel un enfant doit se sentir en sécurité.

D’ailleurs, tout est fait pour que la victime se sente bien.

Car si ces mineurs sont là, c’est parce qu’ils ont subi des faits déjà très traumatisants.

Les gendarmes qui interviennent auprès d’eux pour recueillir leur témoignage ont tous reçu une formation particulière.

Et ils abattent au sein de la MPF un travail considérable et éprouvant.

Plus de 400 auditions de mineurs victimes ont été réalisées depuis le début de l’année.

Le protocole à respecter est très clair.

Il semble qu’il l’ait été dans cette affaire.

Il est important pour la manifestation de la vérité qu’un enquêteur tente de comprendre ce que l’enfant a subi, notamment en matière de faits sexuels.

En revanche, demander à un garçon de 9 ans s’il se masturbe, et s’il en éprouve du plaisir, cela ne fait pas partie du protocole.

“La question de la bonne posture professionnelle, des questions qu’il faut poser, cela traverse le quotidien des personnes qui traitent de cette matière” indique le Procureur de Toulon.

Ce dernier reconnaît avoir été informé de ces faits, mais “ne souhaite pas faire de commentaire sur une affaire interne à la gendarmerie”.

“Ce type d’interrogations n’apporte absolument rien à l’enquête” éclaire un connaisseur du dossier.

Pourtant, cet enquêteur a multiplié ces questions auprès de plusieurs enfants sur une période de quelques mois.

Une mère de famille s’en est d’ailleurs émue auprès de la direction de la structure, après avoir été alertée elle-même pas son petit garçon.

Les entretiens menés par le militaire ont alors été en partie épluchés et plusieurs d’entre eux présentaient des questions jugées “déplacées” par l’équipe de professionnels sur place.

Les auditions ont néanmoins été envoyées, “complètement anonymisées” selon une source à France Bleu Provence, au centre de formation de la gendarmerie à Rosny-sous-Bois (chargé de la formation des enquêteurs), ainsi qu’au Parquet.

Simple maladresse ?

“Techniquement, il n’y avait pas de problème” commente un proche du dossier qui poursuit “mais en effet, on n’a pas compris pourquoi on est restés uniquement sur du technique. Cela pose un vrai problème quand même”.

“Ni le Parquet, ni le centre de formation n’y ont décelé une faute grave ou sanctionnable. Il s’agit uniquement de maladresses selon la lecture qu’ils en ont fait” confirme la Région de gendarmerie à France Bleu Provence.

“Cette maladresse” a en tout cas perturbé une victime questionnée par l’enquêteur sur ces pratiques masturbatoires puisqu’elle en a parlé à sa mère.

Cette dernière n’a pas souhaité déposé plainte estimant que son fils était déjà assez traumatisé par les faits qui lui avaient été imposés.

Déposer plainte aurait nécessité d’entendre de nouveau son enfant, et donc de revenir une nouvelle fois des évènements sordides.

Joint par téléphone, le colonel Guillaume Dinh, patron des gendarmes du Var à l’époque de la découverte des faits, n’a pas souhaité faire de commentaires sur le fond du dossier, précisant qu’il ne “commente jamais les sujets internes à la gendarmerie” et renvoyant sur la Région de gendarmerie.

Cette dernière a quant à elle confirmé la mise à l’écart un temps de l’enquêteur, “le temps des vérifications”.

Le militaire aurait par ailleurs ensuite été fermement rappelé à l’ordre.

Sous contrôle étroit de sa hiérarchie

Selon nos informations, l’enquêteur s’est mis en arrêt-maladie un certain temps après sa mise à l’écart, puis est revenu au printemps dernier, toujours au même poste, et toujours au contact des enfants victimes.

“Il a repris une activité normale, sous le contrôle étroit de sa hiérarchie qui porte un oeil attentif afin que cette situation ne se reproduise plus. Toutes ses auditions sont relues ” commente la gendarmerie.

“Tout est question d’appréciation” relève une autre source qui souligne néanmoins que “ces interrogations déplacées n’étaient pas utiles”.

“Elles n’apportaient rien à l’enquête » précise un proche du dossier tout en concluant : “elles ont pu en revanche davantage perturber l’enfant questionné”.

Christelle Marquès

 

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