Inceste | Où en sommes nous?

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Le CNRS a publié vendredi 28 avril les résultats d’une vaste étude menée par des juristes, des historiens et des scientifiques.

Ce travail interroge la définition de cette notion, et remet en cause plusieurs idées reçues.

L’inceste reste un tabou.

Alors que, peu à peu, les violences faites aux enfants et leur ampleur sont mieux connues, penser cette question reste difficile.

Certes, on sait désormais que la grande majorité des violences sexuelles faites aux mineurs sont perpétrées par des proches.

Mais aucune étude n’avait encore été consacrée à l’inceste.

C’est désormais chose faite avec une vaste étude pluridisciplinaire publiée par le CNRS vendredi 28 avril.

Une douzaine de chercheurs d’horizons divers – juristes, historiens, scientifiques – réunis sous la direction de la sociologue Sylvie Cromer ont réalisé une synthèse des connaissances et formulé des propositions, à la demande de la ministre des familles Laurence Rossignol.

Ce travail s’inscrit en effet dans le prolongement du premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants présenté par la ministre en début d’année.

L’absence d’une définition claire

Plusieurs enseignements se dégagent.

Et tout d’abord, l’absence d’une définition claire de l’inceste.

« Il suffit d’en parler autour de soi pour s’apercevoir que le terme ne recouvre pas la même chose pour tout le monde », constatent les chercheurs.

Même « les définitions des dictionnaires diffèrent ». Ainsi, selon le Grand Robert, l’inceste désigne des « relations sexuelles entre un homme et une femme parents ou alliés à un degré qui entraîne la prohibition du mariage et entre parents très proches (au premier degré) ».

En revanche, selon le Larousse, il consiste en « relations sexuelles entre un père et sa fille, une mère et son fils, un frère et une sœur ».

La différence est de taille puisque, selon la seconde définition, « l’inceste ne peut être qu’hétérosexuel », souligne l’étude.

Les limites du droit

Le droit lui-même tâtonne.

Il a mis d’ailleurs beaucoup de temps avant de nommer l’inceste.

Cette notion n’est entrée dans le Code pénal que depuis la Loi du 14 mars 2016.

Pour autant, ce nouvel article 222-31-1 du Code pénal serait lui-même perfectible.

Il ne protège, par exemple, que les mineurs.

Or « exclure une catégorie de victimes semble en contradiction avec la finalité de la loi, qui était de prendre en considération la particularité de la souffrance des victimes d’actes incestueux », relève l’étude.

Que se passe-t-il par exemple quand une jeune fille de 18 ans est abusée par son père ? Certes elle est majeure, pour autant l’agression sexuelle intrafamiliale existe bel et bien.

Mêmes incohérences sur la définition des auteurs potentiels.

Le même article de loi les liste : ascendants, frères, sœurs, oncle, tante, neveu ou nièce, ainsi que leurs conjoints et concubins.

Ce faisant, il en oublie une partie, relève l’étude : « le cousin ou le grand-oncle ne sont pas inclus (…)

Une véritable réflexion sur la famille et ses membres devrait être menée pour donner des frontières cohérentes à la notion d’inceste », conclut-elle.

Pas de typologie des victimes d’inceste

L’étude ne se contente pas d’un panorama de la législation en vigueur.

Elle présente aussi des conclusions très intéressantes dans d’autres domaines, et notamment sur les conséquences médicales, à la fois psychologiques et neuro-développementales de l’inceste.

Tout d’abord, et avec une « finesse d’analyse inédite », selon Sylvie Cromer, l’étude montre qu’il n’existe pas de comportement-type de la victime d’inceste.

Il n’y a ainsi « aucune automaticité des comportements » et « les trajectoires peuvent être compensées », relèvent les auteurs.

Par exemple, alors même que ce critère est aujourd’hui retenu par la justice, les enfants victimes d’inceste ne connaissent pas forcément de difficultés scolaires.

Ils sont davantage confrontés à des difficultés d’ordre relationnel plus diffuses.

« Il faut donc arrêter de chercher systématiquement des rapports de cause à conséquence », explique Sylvie Cromer.

De même, la théorie dite de « l’abuseur abusé » relèverait du mythe.

Selon cette hypothèse, les victimes d’inceste auraient tendance à reproduire à leur tour des comportements incestueux avec leurs propres enfants, passant de victime à bourreau.

Or, concluent les chercheurs, « cette théorie ne peut pas être généralisée ».

Source : www.la-croix

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