France | L’inceste un fait de société massif en France

non

On a besoin d’arrêter des traumas.
Dans « Mes pieds nus frappent le sol », Laure Martin raconte son enfance brisée par l’inceste et milite pour un changement sociétal.

En 2019, Laure Martin, aujourd’hui 42 ans, a réussi à « lever » son amnésie traumatique.

Depuis elle a su poser des mots sur l’indicible, ce qu’elle a vécu dans son enfance. Au travers de son livre autobiographique, « Mes pieds nus frappent le sol » (éditions Double Ponctuation, 248 pages, 18 euros), elle raconte l’inceste que lui a fait subir par son grand-père puis un viol. Elle utilise des mots crus, un ton percutant pour briser les tabous et mieux faire bouger la société. Elle s’est confiée à ELLE.

Le jour où j’ai été victime d’inceste 

« Mon livre raconte une vie, ma vie. Il raconte un parcours de construction de femme qui est émaillé par des violences. Moi, j’ai grandi dans un milieu parisien très bourgeois. Ma petite enfance, en fait, elle a été marquée par une amnésie traumatique. Donc moi, j’ai toujours eu une mémoire assez parcellaire de mon enfance et j’ai été victime, depuis l’âge de 6-7 ans, de violences de la part de mon grand-père maternel, qu’on va qualifier d’abus, mais aussi des viols. Ces violences, elles ont duré quelques années.

Ma famille maternelle a totalement refusé de voir, je pense.

À l’âge de 10 ans, on était dans une résidence de vacances, je me rendrais à la plage et un type m’est vraiment tombée dessus, m’a violée et la police m’a retrouvée. Évidemment, cette enfance-là, elle laisse des marques, elle vous façonne différemment.

J’étais mal dans ma peau, on va dire, j’ai arraché mes cheveux. Je me faisais subir, dès toute petite, des violences physiques.

J’ai commencé à consommer de l’alcool parce que j’avais des montées d’anxiété très fortes. J’ai essayé de me suicider à 13 ans et demi. Plein de conduite à risque, vraiment de mise en danger, d’exposition à du danger. J’ai fini par être placée dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance à la seconde.

Et puis ensuite, il y a eu tentative de construction et donc il y a eu des années de souffrance. Et puis j’ai eu des enfants, j’ai eu mon troisième enfant. Et pendant cette grossesse, j’ai eu un retour d’amnésie traumatique.

« Ce serait beaucoup plus confortable pour moi d’être folle que d’avoir réellement été abusée par mon grand-père »

Et d’un coup, j’ai des images d’abus de mon grand-père. Mais des toutes petites scènes, comme des photos. Je ressentais comme s’il y avait encore mon corps d’enfant en moi. Sa peau, son odeur, le poids de son corps sur moi. Et ça arrive n’importe quand. J’étais en thérapie nue avec un psychiatre, un psychologue et un psychiatre, et je lui dis en fait, je suis en train de devenir folle.

Ce serait beaucoup plus confortable pour moi d’être folle que d’avoir réellement été abusée par mon grand-père. Ça réécrit tout, toute votre histoire, tout ce que vous avez vécu. Ça réécrit la tentative de suicide traitant, les crises d’angoisse. Et donc là, c’est un très long parcours pour traiter l’amnésie traumatique. Et puis à un moment, chez moi, en fait, c’est assez aligné. Je pense que j’ai accepté que mon grand-père avait fait ça.

Mon grand-père, moi, il est mort de toute façon. J’en ai parlé, bien entendu, à ma famille, qui m’a posé un mur terrible, à l’exception de mon frère. C’est-à-dire, ils ont reçu l’information, ils ont fait comme si je ne l’avais pas dit. Ma mère aussi, qui me dit que ça n’a pas existé. En fait, aujourd’hui, la question qui me hante, c’est de comprendre pourquoi on ne m’avait pas protégée. Quand il y a eu MeToo, j’ai lu, j’ai rencontré, notamment, des femmes du mouvement MeToo.

« En France, on nie la réalité de l’inceste »

Mais j’en pleurais qu’on me dise, je te crois, j’ai vécu la même chose que toi. Tu n’es pas folle, tu n’as pas mal agi. Il n’y a rien qui m’a soignée autant que ça.

En France, on nie la réalité de l’inceste. On ne veut pas regarder. Aujourd’hui, c’est un enfant sur trois, donc c’est partout, c’est dans toutes les familles. L’inceste, il faut le regarder comme un fait de société massif en France. On a besoin d’arrêter d’arrêter des traumas. »

 

Source(s):