États-Unis | Un ex-membre des forces spéciales américaines se consacre à la lutte contre la pédophilie

Kevin Tillman ne se considère pas comme un héros. Mais pour beaucoup de jeunes filles et garçons, il est leur champion, un héros méconnu dans un monde obscur. Son travail met hors d’état de nuire pédophiles et amateurs de pornographie juvénile. Il aide aussi à secourir des enfants de situations cauchemardesques.

M. Tillman est un expert en informatique judiciaire avec l’agence fédérale américaine ICE (Immigrations and Custom Enforcement) Homeland Security Investigations (HSI) à New York. Après 29 années dans les forces armées, il est devenu Human Exploitation and Rescue Operative (HERO) (spécialiste en exploitation humaine et sauvetage) après sa retraite en 2015. Le programme HERO permet aux anciens combattants, particulièrement ceux qui ont été blessés, d’obtenir une nouvelle formation pour combattre les injustices d’une manière différente.

M. Tillman est le premier HERO au sein du bureau HSI de New York et il apporte son expérience en opérations spéciales dans son nouveau rôle.

« C’est une grande leçon d’humilité d’être impliqué dans ça et de voir que cette société cachée est aussi répandue. Je ne savais pas que la pédophilie représentait une société aussi importante », commente M. Tillman.

Je n’essaie peut-être pas de le sortir de ma tête, j’essaie simplement de me concentrer sur ce qui suit ou sur ce qui est présent.

– Kevin Tillman

« Qui peut remettre en question [la répression] contre la pornographie juvénile ou la traite des personnes ? Ce sont les choses que la plupart des gens veulent voir être diminuées, ou au moins être réduites. »

Dans une récente opération réussie, un individu a visité un site web qui était sous surveillance. Lors d’une fouille subséquente à son domicile, de la pornographie juvénile a été découverte sur l’un de ses ordinateurs. Le rôle de M. Tillman a été de scruter toutes les preuves présentes sur le disque dur.

L’effet Internet

L’Internet et les réseaux sociaux ont permis à l’exploitation de prendre une ampleur démesurée. Fini le temps d’asseoir un enfant devant la télévision pour une écoute passive.

« Maintenant, on les assoit devant un ordinateur et Internet et c’est interactif », remarque M. Tillman.

« S’il n’y a pas de supervision active, c’est l’insurrection du mal », ajoute-t-il.

Les pervers naviguent dans l’ombre du soi-disant darknet, utilisant souvent la passerelle de procuration (proxy) Tor qui permet aux utilisateurs de communiquer de manière anonyme, selon le FBI.

« La plupart de ces gens n’ont pas de dossier criminel et personne ne sait ce qu’ils faisaient avant que nous les attrapions », affirme dans un communiqué l’agent spécial Eric Campbell, qui enquête sur les crimes violents contre les enfants chez la division de Phoenix du FBI.

Tout comme les viols et les agressions sexuelles, dont environ seulement 30 % des cas sont rapportés à la police, l’exploitation des enfants et la pornographie juvénile ne sont pas rapportées dans un très grand nombre de cas.

Kevin Tillman à son bureau chez ICE (Immigrations and Custom Enforcement) Homeland Security Investigations (HSI) à New York, le 26 avril 2017 (Samira Bouaou/Epoch Times)

Menace grandissante

L’étudiant universitaire de New York Robert Garneau, 22 ans, a été arrêté l’année dernière le jour avant l’obtention de son diplôme dans un cas de « sextortion » allégué. Il serait entré en communication avec trois garçons âgés de 12 à 16 ans par l’entremise des applis Instagram et Kik. Selon les documents de la cour, Garneau a fait semblant d’être une jeune fille et a persuadé les victimes à envoyer des photos sexuellement explicites d’eux-mêmes.

Après avoir reçu les photos compromettantes, Robert Garneau aurait menacé les victimes d’aller à la police ou de partager les photos avec les abonnés des victimes sur Instagram si elles n’envoyaient pas une vidéo plus explicite.

Selon une fouille des textos par HSI, une des victimes a fait allusion au suicide si Garneau diffusait la vidéo, écrivant « Pourquoi je me suicide » et « Au revoir, je porte le blâme sur toi ».

En 2015, une analyse par le FBI de 43 cas de sextortion impliquant des victimes juvéniles révèle qu’au moins deux d’entre elles se sont suicidées et au moins dix autres ont tenté de le faire.

Amanda Todd, une adolescente de 15 ans de Port Coquitlam, C.-B., s’est enlevé la vie en 2012 après avoir publié une vidéo sur YouTube, décrivant comment elle était victime de chantage en ligne après avoir exposé ses seins sur une webcam.

Garneau a été inculpé sous trois chefs d’accusation d’exploitation sexuelle d’un mineur, dont la peine minimale est de 15 ans d’emprisonnement et la peine maximale de 30 ans pour chaque chef.

« Les crimes allégués de Robert Garneau sont le cauchemar de chaque parent moderne », avait déclaré Preet Bharara, procureur fédéral américain du district sud de New York. « En utilisant les réseaux sociaux communs, Garneau aurait exploité des mineurs pour sa propre gratification sexuelle. »

La sextortion est « de loin la menace la plus grandissante contre les enfants », indique un rapport de 2016 du département de la Justice américain, et les cas de sextortion ont tendance à avoir plus de victimes par contrevenant que tout autre crime relié à l’exploitation sexuelle des enfants.

« Les contrevenants conçoivent et partagent des manuels qui traitent de comment préparer les enfants à être exploités sexuellement », mentionne le rapport.

Les contrevenants utilisant la sextortion s’en prennent habituellement aux mineurs qui ont entre 10 et 17 ans, indique le rapport, mais la menace s’étend de plus en plus à des victimes plus jeunes et vulnérables, alors que le contrevenant manipule la victime pour qu’elle abuse ses frères et sœurs plus jeunes ou ses amis.

Éducation

Kevin Tillman affirme que les parents ne devraient pas sous-estimer à quel point leurs enfants sont à l’aise avec la technologie. Comme première ligne de défense, les parents devraient mieux contrôler ce que leurs enfants font en ligne et à qui ils parlent.

M. Tillman recommande aux parents et aux enfants d’apprendre à combattre l’exploitation sexuelle des enfants en consultant le site web de ICE iGuardian. Il éduque aussi les enfants au sujet des pièges de l’Internet et des applis de messageries ainsi que sur le danger des prédateurs.

« Je commence la présentation iGuardian en disant “Mon nom est Jessica, j’ai 12 ans et je suis blonde” », raconte M. Tillman.

Ensuite, il demande aux enfants : « Est-ce que j’ai l’air d’avoir 12 ans et des cheveux blonds ? » Tous les enfants répondent « Nooonnn ! » et je dis : « Mais vous ne le savez pas. »

M. Tillman explique que cette introduction humoristique vise à faire comprendre aux enfants que la personne de l’autre côté n’est pas toujours qui elle prétend.

« Je dis aux étudiants : “Ne communiquez jamais avec quelqu’un que vous n’avez pas rencontré en personne ; ne donnez jamais votre numéro de téléphone et ne communiquez jamais avec quelqu’un que vous n’avez pas rencontré en personne au préalable”. »

Prédation

Les pédophiles peuvent être rusés et méthodiques, M. Tillman fournit un exemple.

« Alors vous avez une fille de 12 ans qui joue au soccer, elle a la messagerie Kayak et un compte Facebook, elle reçoit le message suivant d’une autre fille de 12 ans : “Hé, je joue dans l’équipe adverse, mais je suis nouvelle en ville et je n’ai pas d’amis. Est-ce que nous pourrions clavarder en ligne” »

Elles développent une amitié.

Finalement, après un an de clavardage en ligne, l’autre « fille » lui dit : « Hé, j’étais dans les estrades et j’ai vu ta partie – tu jouais contre mon équipe, mais je suis venue te voir jouer. Tu portais le numéro 7, un dossard bleu et tu avais fière allure. »

Cette personne l’observe. Un an plus tard, elles veulent se rencontrer en personne à la pizzeria. L’autre « fille » prétend que son « père » va être présent, alors le vrai parent dit : « Du moment qu’il y a un adulte présent, je vais te déposer. »

« Les pédophiles sont méticuleux à ce point dans leur prédation », explique M. Tillman.

Images dérangeantes

La plupart des cas de pornographie juvénile et de pédophilie ne vont pas en procès parce que les prédateurs plaident coupable en raison des preuves accablantes. Mais quand procès il y a, le travail de M. Tillman est crucial.

Les images et vidéos que M. Tillman doit extraire des ordinateurs des suspects sont dérangeantes, et ça prend une personne spéciale pour pouvoir le tolérer. Une partie de l’entraînement des forces spéciales enseigne comment compartimenter et M. Tillman indique que cela vient en aide.

« À la fin de la journée, vous avez vu des choses horribles qui ne peuvent être effacées », dit-il. « Je n’essaie peut-être pas de le sortir de ma tête, j’essaie simplement de me concentrer sur ce qui suit ou sur ce qui est présent. »

M. Tillman joue du saxophone, travaille dans la restauration à temps partiel et s’appuie énormément sur sa foi pour conserver l’équilibre dans sa vie.

« Chaque fois qu’un nouveau cas surgit, c’est encore plus terrifiant. Je n’arrive pas à le croire. »

Ce que les parents et enfants doivent savoir

  • 73 % des adolescents qui ont entre 13 et 17 ans ont accès à un téléphone intelligent, selon une étude du Pew Research Center en 2015.
  • 46 % des jeunes âgés de 10 à 17 ans admettent avoir donné leurs informations personnelles à quelqu’un qu’ils ne connaissent pas, selon un sondage du National Center for Missing & Exploited Children.
  • Les réseaux sociaux demandent souvent aux utilisateurs d’afficher un profil avec leur âge, sexe, passe-temps et leurs intérêts. Alors que ces profils permettent aux enfants de partager des intérêts communs, les individus voulant faire du tort aux enfants peuvent utiliser ces profils pour chercher des victimes.
  • La sextortion et la diffusion en direct d’abus sexuels contre des enfants sont des menaces qui se développent, selon la stratégie nationale sur l’exploitation des enfants en 2016 du département de la Justice américain. Les applis peuvent être utilisées pour cibler, recruter, amadouer ou forcer des enfants à commettre des actes sexuels.
  • Netsmartz.org dispose d’une quantité d’informations pour les parents et enfants au sujet de la sécurité sur l’Internet et avec les téléphones intelligents, dont des vidéos sur des cas vécus.

Sources : National Center for Missing & Exploited Children (NCMEC), FBI, département de la Justice

Version originale : Fighting child exploitation

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