États-Unis | Mon voisin est-il un délinquant sexuel ?
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 03/05/2018
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Afin de lutter contre la délinquance sexuelle, les États-Unis et le Québec permettent de savoir en quelques clics où habitent les auteurs d’infractions
Au lendemain de l’affaire Angélique, les questions concernant l’efficacité de la lutte contre la délinquance sexuelle se succèdent. Et, le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (Fijais) est au cœur des débats.
Créé par la loi du 9 mars 2004, ce registre compile des informations concernant l’identité et le domicile d’auteurs de certaines infractions à caractère sexuel. Prévenir la récidive, faciliter l’identification et la localisation des auteurs : tels sont les buts affichés de ce fichier. Pour autant, bien que le meurtrier présumé d’Angélique figurait dans ce registre, personne dans la commune de Wambrechies (Nord) n’était au courant.
La raison est simple : en France, ce fichier n’est accessible qu’à une poignée d’autorités. Aux États-Unis et au Québec, en revanche, ces données sont rendues publiques et permettent aux citoyens de s’informer de l’éventuelle présence de prédateurs sexuels dans leur région.
Les États-Unis et le Québec, pionniers de la publicisation des données judiciaires
C’est en Amérique du Nord que la publicisation des informations concernant les agresseurs sexuels est la plus développée. Aux États-Unis, la loi Megan de 1994 exige que les autorités policières mettent à la disposition du public toute information concernant les délinquants sexuels enregistrés. Cette loi a été créée en réponse au meurtre de Megan Kanka, violée puis assassinée par son voisin, pédophile multirécidiviste.
Pour autant, le mode d’application diffère selon les lois fédérales de chaque État. Ainsi, dans certains États, tous les délinquants sexuels font l’objet d’un avis public par l’intermédiaire des sites web de Megan’s Law. Dans d’autres, seuls les renseignements sur les délinquants à risque élevé sont accessibles au public.
En Californie, le site gouvernemental www.meganslaw.ca.gov permet à tout citoyen de savoir où habitent les délinquants sexuels condamnés. On y tape son adresse, puis apparaît une carte interactive permettant de repérer les agresseurs du voisinage. On peut voir leurs photos, leur taille, leur poids, leur âge, des détails sur la nature de leurs délits et toutes autres informations. La honte et la mise en pâture des délinquants sexuels aux États-Unis fait donc partie intégrante de la sanction pénale
Néanmoins, la majorité des travaux sur le sujet ne révèlent pas de changement statistiquement significatif en matière de délinquance sexuelle, à la suite de la mise en œuvre d’une telle mesure. Quelques études indiquent toutefois que la récidive sexuelle a quant à elle pu être diminuée. Pire, le pays a connu quelques règlements de compte sanglants à la suite de la publication de ces informations.
Au Québec, ce sont les médias qui endossent le rôle de la police. En mars 2014, Le Journal du Québec publie une compilation sans précédent des données d’une trentaine de districts judiciaires, permettant de répertorier et d’identifier sur une carte géographique de la région les lieux de résidence de tous les agresseurs sexuels allégués.
Seuls les individus jugés coupables et ceux en attente de procès sont représentés sur cette carte interactive. Ce moteur de recherche offre donc la possibilité aux internautes de connaître en un simple coup d’œil, l’état de la situation concernant des abus sexuels dans la région.
Est-ce envisageable en France ?
Reste à savoir si ce modèle est applicable en France. Interrogé par Le Point, l’avocat pénaliste Antoine Caté, diplômé de l’institut de criminologie de Lille-2, est sceptique :
« Une telle publicisation des données judiciaires soulèverait une double problématique. D’une part, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), chargée de veiller à ce que l’informatique ne porte atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques, n’accepterait pas l’accès sans restriction à de telles informations. D’autre part, l’ordre public serait grandement menacé. »
Pour le juriste, la mise en place de ce modèle en France serait davantage un constat d’échec de la part de l’État, incapable de protéger ses administrés, qu’un progrès dans la lutte contre la délinquance sexuelle.
Antoine Caté préconise ainsi de « mettre davantage de moyens sur le suivi médical, psychiatrique et judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles », que dans une chasse aux sorcières, qu’il juge dangereuse.
Source : lepoint.fr
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