Donde Vamos | Prostitution de mineurs : les réseaux s’implantent, le trafic augmente, les autorités regardent ailleurs
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 10/06/2020
- 00:00
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Réseaux, prostitution, disparitions d’enfants, pédocriminalité
Il y a quelques années, des cas de prostitution de mineures, à Lille ou à Paris, ont commencé à émerger. Depuis, le phénomène devient endémique. Il y a plusieurs cas de figure, mais derrière ces filles qui n’ont parfois que 13 ou 14 ans proposées sur internet ou dans la rue, on trouve des réseaux organisés.
La question des enfants migrants qui disparaissent soulève aussi des interrogations sur les réseaux qui les récupèrent.
Ces réseaux se multiplient, s’étendent, et peuvent aussi croiser des mafias déjà organisées, notamment dans la pédocriminalité.
La pédocriminalité et la prostitution de mineurs ont toujours existé, mais aujourd’hui on assiste à trois processus :
– Internet qui permet le proxénétisme à plus grande échelle
– Une sexualisation des mineurs de plus en plus jeunes
– L’impunité des pédocriminels (la grande majorité des mineurs “prostituées” ont été victimes de violences sexuelles auparavant).
Conjugués, ces facteurs entraînent une forte augmentation de la prostitution de mineurs, en particulier des filles mais pas seulement.
Au niveau mondial, l’âge moyen d’entrée dans la prostitution est de 13-14 ans. Et c’est pareil en France.
D’abord, un coup d’œil à l’étranger
Angleterre
En Angleterre, dans les années 70-90, la zone de Picadilly Circus à Londres était un haut lieu de la prostitution de mineurs et d’adolescents, surtout des garçons.
D’ailleurs, des politiques venaient s’y procurer de la chair fraîche, souvent des jeunes en fugue ou placés en foyer.
Il y avait des endroits comme ça un peu partout dans les grandes villes : les pédos tournaient autour des espaces de jeux d’arcades, des fêtes foraines, des snacks où les jeunes se réunissaient.
Depuis, les lois contre la pédocriminalité ont été durcies, et cette prostitution de rue des mineurs a en grande partie pris fin.
Les réseaux pédocriminels n’ont pas cessé pour autant, ils se sont même internationalisés, et les foyers ont continué à les alimenter.
La nouvelle vague de prostitution de mineurs concerne surtout des filles, il s’agit des dizaines de réseaux démantelés ces dernières années, dans lesquels on trouve presque exclusivement des proxénètes d’origine étrangère.
Ce qui a entraîné une longue impunité, autant parce que les autorités craignaient les accusations de racisme et la perte d’un électorat que parce que les flics étaient corrompus.
Une série que je recommande évoque le cas de Rochdale, et raconte l’histoire de trois adolescentes embarquées dans un réseau de prostitution ultra violent.
Ce gang a opéré depuis les années 90, et n’a été mis à jour qu’à partir de 2012, à la suite du scandale Jimmy Savile.
La période d’infraction retenue n’a porté que sur 2008-2009. Seulement 47 victimes ont été reconnues à l’issue de la procédure, mais en réalité elles sont des centaines et seulement 9 types ont été condamnés en 2012, puis 10 autres en 2015 suite à des arrestations après 2012.
Le profil des proxénètes est classique : la plupart viennent du Pakistan.
Les victimes sont toutes blanches, issues de familles plutôt en difficulté ou de foyers.
En 2015 la police de la zone s’est excusée pour ses manquement car à de nombreuses reprises, les services sociaux (1) et des victimes ont tenté de les alerter.
Mais il y a eu exactement le même phénomène à Londres, Rotherham (plus de 1500 victimes estimées), Cambridge, Halifax où un flic a fait partie des 16 condamnés, Oxford, Bradford, Telford (plus de 1000 victimes estimées), Norwitch (six femmes ont été condamnées notamment), Durham (500 victimes probables)…
Ce qu’on retient de ces dossiers, c’est qu’au départ ces gamines n’ont pas conscience de ce dans quoi elles mettent les pieds. On leur offre de l’alcool, du shit, des clopes, puis en échange on lui attribue un copain, qui se met rapidement à la prostituer sous la menace.
Espagne
En Espagne, il n’y a pas eu autant de dossiers médiatisés, mais depuis quelques années des réseaux organisés de prostitution de mineures sont démantelés.
Ils tournent souvent autour de foyers où les ados sont recrutées petit à petit dans des réseaux de traite.
Par exemple à Majorque, l’Institut d’Assistance Sociale est pointé du doigt pour n’avoir rien fait depuis une dizaine d’années malgré les signalements qui ont été faits par les éducateurs.
Selon eux, la prostitution de mineures était devenue intensive, au point que dans certains foyers toutes les gamines sous protection étaient dedans.
Là encore, la police était au courant, elle déclare qu’il y a eu des enquêtes, mais il ne s’est jamais rien passé.
Les filles, souvent déjà victimes de violences sexuelles, étaient attirées par des adolescents, qui les mettaient dans la drogue et les poussaient à coucher avec des hommes contre de l’argent lors de fugues.
Cette affaire a été médiatisée (même si la plupart des accusés pour l’instant sont des mineurs), mais selon des spécialistes, des réseaux similaires existent dans toute l’Espagne.
A Majorque, 16 victimes ont été recensées à l’heure actuelle, pour des affaires depuis ces trois dernières années seulement.
En 2017 un rapport de l’UNICEF alertait sur des cas de prostitution de mineurs ont été relevées dans 7 communautés (régions) sur 9, et qu’il s’agissait parfois de réseaux organisés.
En Espagne, 13.500 vivent en foyer et 20.000 dans des familles d’accueil, quatre fois moins qu’en France.
Dans les foyers de Majorque, des types venaient carrément à la sortie pour proposer de l’argent et de la drogue aux filles contre des rapports sexuels.
Les filles en fugue échouaient dans le quartier où opère le réseau, dirigé apparemment par une maquerelle qui tient un bar. Là aussi, c’était alcool à foison, drogues, viol collectif puis prostitution.
Les adolescents servaient d’hommes de main pour attirer, mater puis tenir les filles et ce sont eux qui sont sur le devant de la scène médiatique, comme une sorte de paravent.
L’une des victimes, qui ont entre 13 et 17 ans, a tenté de dénoncer les faits deux fois avant d’être entendue. Mais toutes n’ont pas conscience d’être victimes d’exploitation sexuelle.
Si rien n’a été fait, ce serait pour éviter le scandale politique car ces centres sont sous la responsabilité des autorités régionales.
En 2016, un psychologue a été arrêté pour ses liens avec un réseau de prostitution de mineures placée sous la protection des services sociaux, en fait c’était un des clients. Il s’agissait d’un psy réputé dans le coin, qui travaillait parfois avec les services sociaux.
C’est le directeur du centre qui avait dénoncé les faits, et le psy était spécialisé dans les maltraitances familiales.
13 adultes ont été accusés d’avoir organisé ce réseau qui mettait le grappin sur des mineures placées en foyer. Là aussi, les relations sexuelles avaient lieu en échange de drogue ou d’argent.
On notera que le débat actuellement a dérivé sur la “liberté d’éducation” qui existe dans ces centres, un peu comme en France après l’affaire du Coral, qui a posé la question des “lieux de vie” et de certaines “pédagogies” tordues.
États-Unis
Aux États-Unis, la prostitution de mineures a littéralement explosé avec internet, depuis le début des années 2000.
L’affaire Epstein, qui a prostitué des mineures depuis la fin des années 90, a montré que la demande vient aussi des milieux les plus dominants.
Mais l’exploitation sexuelle de mineurs touche toute la société.
En 2014, les médias français évoquaient une “hausse” du phénomène suite à l’appel de politiciens US :
“L’élu californien publiait les résultats d’un sondage réalisé à l’initiative de l’Association nationale des comtés, qui montre que 40% des comtés de plus de 250.000 habitants ont vu augmenter la prostitution des mineurs au cours des deux dernières années. “Des jeunes filles, dont certaines d’à peine 12 ans, sont vendues comme objet sexuel dans le comté de Los Angeles””, expliquait un article du Figaro.
Là aussi, les victimes de traite sont souvent déjà victimes de violences sexuelles :
“Le sondage confirme également qu’il y a une corrélation très forte entre la prostitution et le passé des jeunes filles, souvent placées en familles d’accueil ou victimes de violences dans leur enfance“.
Le National Center for Missing Childrens estimait alors à 10.000 le nombre de mineurs victimes de prostitution chaque année. Mais une étude publiée en 2001 parlait de 300 à 400.000 mineurs victimes de prostitution, de pornographie ou autres type de commerce sexuel.
Les plus à risque étaient les fugueurs et les jeunes sans abri. La vérité est certainement entre les deux.
Depuis les années 2000, plusieurs opérations du FBI et des polices locales ont permis de démanteler des morceaux de réseaux qui faisaient dans la prostitution de mineurs et la pédopornographie. L’opération Lost Innocence, lancée en 2003 contre les réseaux de prostitution de mineurs, a permis de libérer 3.600 enfants en 10 ans.
Plus récemment, 150 proxénètes ont été arrêtés en juillet 2013, et une centaine de mineures de 13 à 16 ans placées par les services sociaux
281 proxénètes ont été arrêtés en juin 2014 dans une centaine de villes, et 168 mineurs forcés à se prostituer ont été récupérés par les services sociaux.
BFM relatait :
“Les enquêteurs ont principalement ciblé les casinos peu amènes, les zones d’arrêts de poids lourds, les trottoirs et les sites web proposant des services d’escort”.
Plus récemment, le National Center for Missing & Exploited Children a déclaré avoir observé une hausse de 106% des signalements de suspicion d’exploitation sexuelle d’enfant.
Ces signalements sont passés de 983.734 en mars 2019 à 2.027.520 en mars 2020, alors que le “confinement” avait commencé.
Dans le même temps, les signalements à la Child Line, le numéro vert pour les enfants victimes de maltraitances diverses, a baissé : 21.232 rapports en avril 2019, seulement 10.674 en avril 2020.
Et en effet, partout France comprise, le “confinement” a entraîné des augmentations des maltraitances en générales, et des violences sexuelles.
Le nombre de vidéos pédopornos en ligne a lui aussi considérablement augmenté avec le “confinement”, et les hôpitaux ont constaté chez les enfants victimes des blessures plus importantes qu’à la “normale”.
Le phénomène le plus présent est celui du “pimping“, les pimps étant les maquereaux. Ils attirent des adolescentes en rupture, en fugue ou en foyer, leur font croire à l’amour ou au moins leur donnent un peu d’attention, et les envoie sur les trottoirs ou dans les hôtels.
Le problème est que dans beaucoup d’États comme celui de Washington, les victimes même mineurs sont considérées comme hors-la-loi et poursuivies.
Ce sont ces maquereaux, généralement de jeunes délinquants déjà connus de la police (parfois des femmes), qui sont derrière les filles qu’ils “séduisent” parce qu’elles sont vulnérables, mettent dans les dépendances toxiques, prostituent, et récupèrent l’argent. Il arrive aussi que le réseau soit pyramidal, et que l’argent remonte jusqu’aux chefs de réseaux.
Ces affaires de prostitution massive de mineurs par des maquereaux de quartier a commencé à s’amplifier, et à se voir franchement, à la fin des années 2000.
Les mineures étant plus faciles à manipuler, comme ils disent, elles sont les premières proies. Les passes (tous âges confondus) pouvaient aller de 15 les 15 ou 30 mn à plus de 1.000 $ l’heure, le gros des tarifs se situant entre 150 et 300 $ pour 30 mn à 1h selon plusieurs maquereaux interrogés dans une enquête.
Il ne semble y avoir d’âge minimal pour les victimes. On entend parler de gamines de 11, 12 ans.
Parfois, même assez souvent, ce sont les parents qui vendent leurs propres enfants, et là on voit des enfants de quelques mois vendus, filmés etc. Souvent, c’est parce que les parents sont toxicos. Les clients sont rarement inquiétés.
En France, un phénomène en explosion
En France, les dernières estimations sont de 6.000 à 10.000 mineures prostituées dans toute la France. Les affaires qui filtrent dans les médias à travers la justice sont encore assez rares, mais se ressemblent.
Des gamines de 14, 15, 16 ans, sont retrouvées dans des chambres d’hôtels où elles sont forcées à enchaîner les clients par de jeunes délinquants qui font office de maquereaux.
Des quartiers aux campagnes, la prostitution de mineures en pleine croissance
Les mineures ont commencées à être aperçues sur les trottoirs de Lille au début des années 2010. Chaque année, elles étaient plus nombreuses.
Par exemple, en 2014 un article mentionnait “neuf adolescentes de 12 à 17 ans” qui étaient forcées à la prostitution par deux types de Roubaix âgés de 16 et 20 ans.
Un enquêteur a déclaré :
“Ils mettaient une telle pression aux filles qu’elles refusaient de parler aux policiers”.
En 2015, le Figaro évoquait la “prostitution dans les collèges et ce, quel que soit le quartier”. Cet article est intéressant parce qu’il montre comment ces gamines voient la chose, c’est-à-dire avec un recul qui laisse perplexe.
Par exemple, les propos d’une de ces ados âgée de 14 ans :
“En quatrième, j’ai pratiqué des actes sexuels avec un garçon de ma classe dans les toilettes du collège pour 15 euros. Pour moi, ce n’était pas très grave, d’autres copines l’avaient déjà fait. Aujourd’hui, j’ai tellement honte…”.
L’article précise que l’adolescente :
“Habite dans les beaux quartiers de la capitale et n’est pas la seule à s’être ainsi prostituée”.
Et ajouter : “C’est aussi le cas de Caroline (1), qui habite dans le 17e arrondissement de Paris” :
“L’année dernière, j’ai fait une fellation et pratiqué la sodomie avec deux garçons pour avoir un téléphone. J’avais 13 ans”.
Ces filles sont des proies, formatées par une image totalement dégradée des femmes dans la “culture” de divertissement et de consommation (y compris de soi-même) proposée massivement aux jeunes.
En Seine-Saint-Denis, l’Observatoire des violences faites aux femmes a constaté qu’un tiers des prostitués mineurs, surtout des filles, a entre 13 et 15 ans et la moyenne d’âge de ces mineurs prostitués est 15 ans.
Et la grande majorité a déjà subi des violences :
“Selon les données de notre étude, 9 mineures prostituées sur 10 ont subi des violences dans l’enfance. Dans 40 % des cas, il s’agit de violences physiques et sexuelles : viols, attouchements, coups à la maison, souvent commis au sein du foyer. D’ailleurs, dans les deux tiers des cas, ces jeunes filles sont dans une situation familiale instable”, expliquait à 20 Minutes la présidente de l’Observatoire.
61% des prostituées mineures ont une mère victime de violences conjugales.
En 2017, l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) estimait que 15 % des victimes de prostitution étaient des mineures.
En 2018, L’Express mentionnait que “Le nombre de prostituées a explosé dans les cités”, et que ce phénomène avait commencé à Marseille, ce qui est loin d’être sûr.
Cette année-là, 120 affaires de prostitution de mineurs étaient recensées en France d’après l’OCRTEH.
En 2019, sept types de 18 à 23 ans ont été mis en examen par le parquet de Nanterre pour “proxénétisme aggravé” parce qu’ils exploitaient aussi des mineures à partir de 15 ans.
France Info précisait :
“Les femmes, âgées de 15 à 22 ans, sont des mineures déscolarisées ou de jeunes majeures en difficulté financière. Elles devaient se faire tatouer le même signe distinctif pour montrer leur appartenance à ce réseau de prostitution. Toutes ces jeunes femmes ont été recrutées dans les cités de la région parisienne”,
Les victimes étaient obligées de ramener 500€ par jour.
A Rouen fin 2019, quatre jeunes macs âgés de 16 à 22 ans ont été arrêtés pour avoir prostitué des mineures. Il y aurait au moins quatre victimes :
“Selon LCI, qui a révélé l’information, ils sont soupçonnés d’avoir séquestré et forcé plusieurs jeunes filles à se prostituer pendant plusieurs mois, celles-ci se voyant imposer jusqu’à 15 relations sexuelles tarifées par jour à 100 euros la passe, selon leurs témoignages”.
Les types ont commencé dans la banlieue avant de s’entendre dans le centre-ville.
Aujourd’hui, presque toutes les semaines des réseaux d’exploitation de mineures sont renvoyés devant la justice. Encore le 22 mai 2020, trois types âgés de 30 à 37 ans, une originalité, ont été arrêtés pour avoir prostitué une quinzaine d’adolescentes en fugue dont les plus jeunes avaient 16 ans dans des appartements et des hôtels du Val-d’Oise et de Seine-Saint-Denis.
En janvier 2020, trois types âgés de 20 à 22 ans ont été arrêtés à Bobigny pour avoir prostitué trois adolescentes dans des hôtels et des apparts. Une mineure complice recrutait des victimes.
En Belgique, un gang de rappeurs a acheté une jeune fugueuse française de 16 ans pour 2.000 € à son copain avec lequel elle était partie, avant de la prostituer. Apparemment, plusieurs adolescentes françaises sont tombées entre leurs griffes en quelques mois.
Il y a aussi des femmes proxénètes, comme les deux qui ont forcé un mineur à mendier et l’ont vendu à des types qui le violaient la nuit. Ou cette ado de 17 ans qui prostituait ses copines placées dans un foyer, qui a été attrapée cette semaine.
Ce ne sont que quelques exemples dont la presse locale fourmille. En effet, il est aussi rentable, et moins risqué, d’exploiter des femmes que de vendre de la drogue. Et ce commerce prospère via les sites de petites annonces, les sites d’”escort” évidemment, et aussi les réseaux sociaux.
Aujourd’hui, toutes les grandes villes sont touchées, et au fil du temps le phénomène touchera aussi les villes moyennes et les campagnes.
Les filles jeunes ne sont plus une exception.
Le directeur de l’OCRTEH expliquait l’année dernière :
“On a découvert dans nos procédures quatre jeunes filles de 13 ans qui étaient tombées dans ces réseaux criminels ! On a aussi identifié 147 mineures, contre 21 en 2015. Et 12 % de leurs exploiteurs étaient eux-mêmes mineurs”.
Selon le rapport sur l’exploitation sexuelle de la fondation Scelles de 2019, 10% des prostitué(e)s en France ont commencé en étant mineures, et 39% avaient entre 18 et 24 ans.
Par ailleurs, le directeur du rapport expliquait que “selon la police française, 60% des victimes de prostitution sont des mineurs”.
En janvier 2020, Le Parisien consacrait un article à ces adolescentes de Seine-Saint-Denis, en moyenne 15 ans. 89% ont été victimes de violences et l’âge des victimes dont les dossiers ont été traités au tribunal de Bobigny allait de 6 ans à 17 ans.
119 signalements concernant des mineures sont arrivés jusqu’au parquet de Saint-Denis en 2019 : “Entre les affaires classées, celles qui sont confiées à un juge d’instruction ou en attente de procès, il reste en permanence une cinquantaine d’enquêtes menées de front “.
Ce phénomène s’observe beaucoup dans les cités, mais pas seulement. Il serait trop facile de parler de “proxénétisme de cités” parce que les clients ne viennent pas des cités et que ces réseaux recrutent partout. Si les hommes de main sont des cités, les têtes du réseau peuvent très bien être ailleurs.
Outre la Seine-Saint-Denis, Le Parisien précisait :
“51 affaires sont en cours dans le Val-de-Marne, 31 à Paris. En Essonne, une dizaine de victimes mineures ont été recensées en neuf mois”.
Les réseaux peuvent donc être transnationaux, notamment entre la France et la Belgique, la Belgique et les Pays-Bas, ou encore la Grande-Bretagne et la France.
L’ONG Caritas mentionnait dans un rapport de 2018 le cas d’une jeune franco-anglaise, qui s’est retrouvée à 15 ans entre les mains d’un réseau qui l’a ramenée en France et l’a prostituée dans un appartement parisien où elle était séquestrée.
Que fait la France contre ces réseaux de proxénétisme ?
En matière de protection de ces victimes, comme d’habitude la France est nulle. Des parents se disent désemparés. Les services sociaux, qui sont devenus des usines, sont débordés.
Le phénomène s’est développé sans encombres depuis plusieurs années.
Interviewé en mars par Le Parisien, Jean-Marc Droguet expliquait même que :
“Notre pays est d’ailleurs le seul en Europe à subir la résurgence d’un proxénétisme national, qui avait disparu à la fin des années 1990, avec la fermeture des derniers bars à hôtesses”.
Et puis, les “soupçons” de prostitution s’avéreraient “difficiles à étayer”. E
n effet, ces réseaux se planquent, et parfois présentent les filles comme majeures. Il serait donc temps d’adapter la législation.
De plus, les enquêtes menant à des affaires de prostitution démarrent suite à des signalements pour d’autres problématiques. Il n’y a donc apparemment pas d’enquêtes spécifiques sur ces réseaux.
Comme l’explique au Parisien une juge des enfants à Bobigny aux propos désarmants : “On est démuni, concède la juge. Généralement, les jeunes filles n’avouent jamais, et vu les délais d’attente pour les mesures d’investigation judiciaire, elles sont devenues majeures. A dix passes par jour, je vous laisse voir !
Le placement ?
Parfois c’est pire que tout, car c’est aussi là que peut se faire l’entrée dans la prostitution. Ce qui peut marcher, c’est l’éloignement, mais un séjour de rupture, c’est très cher et limité”.
Depuis 2014, les faits de prostitution de mineurs se multiplient, selon l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) qui n’avait pas perçu le phénomène avant, d’autant plus que ces gamines banalisent complètement l’acte sexuel. En baignant dans la télé-réalité, la société de consommation qui pousse au culte de l’apparence, ce système créé des victimes.
Si l’on ajoute à cela l’impunité quasi-totale pour les pédocriminels, on a une masse de victimes préformatées pour l’industrie de la prostitution. Car il y a bien une forme d’emprise psychologique sur ces filles, qui refusent souvent de dénoncer leur proxénète. Elles se disent “escort”, disant qu’elles font ce qu’elles veulent, n’intègrent absolument pas le système d’exploitation qui se sert d’elles.
Les clients ne risquent que 3 ans de prison si la fille a plus de 14 ans, 7 ans si elle a 14 ans ou moins. De plus, selon une étude menée en 2019 par l’Observatoire des violences faites aux femmes en Seine-Saint-Denis :
“72 % des cas de violences dénoncées aux autorités compétentes n’ont pas fait l’objet de suites judiciaires “.
Les conséquences en sont dramatiques”, notent les auteurs, qui estiment que prendre en compte ces très jeunes victimes dès les premiers signalements “semble être in fine un des moyens de lutter contre la prostitution” des adolescents avant le passage à l’acte”.
Au niveau mondial, selon la Fondation Selles qui évite de trop travailler sur le France: “”Les groupes du crime organisé sont les premiers bénéficiaires” de la prostitution, assène le rapport, avec des profits annuels estimés à 27,8 milliards de dollars, en troisième position derrière les trafics de drogue et d’armes” expliquait un article du Monde en 2012. Il n’y a aucune raison que les choses soient différentes ici.
En tout cas, les autorités évitent de faire des statistiques ou des évaluations de la situation.
Pas de données, pas de problème.
Et sur le sujet, on n’a pas entendu Schiappa en 3 ans, ni Taquet qui s’apprête à ouvrir une sorte d’états “généraux” sur les violences contre les enfants.
Rien, nada. Et avant eux non plus. Depuis 2015, le phénomène n’a fait que prendre de l’ampleur.
Quid des réseaux de trafic ?
Selon le Mouvement du nid, prostituer des gamines est :
“Très rentable puisqu’une prostituée rapporte en moyenne 100 000 euros par an. Le proxénétisme est moins risqué que la drogue, qui fait l’objet de plus d’enquêtes”.
A Lille, depuis le tournant des années 2010, la police retrouve des gamines de 12, 13, 14 ans, des Roms au début puis des fugueuses placées en foyer, prostituées dans les rues ou dans des appartements.
En 2015, cinq maquereaux âgés de 16 à 19 ans issus des quartiers ont été mis en examen pour proxénétisme en bande organisée. Ils exploitaient au moins sept filles dont six mineures âgées elles de 14 à 21 ans.
Elles “travaillaient” notamment dans les rues et appartements Vieux-Lille, le quartier bourgeois de la ville. Profil des filles : fugueuses, déscolarisées.
En 2018, des types ont été arrêtés pour avoir prostitué des filles dont la plus jeune n’avait que 13 ans. ”
Les filles, des gamines en fugue, sont recrutées sur les réseaux sociaux puis présentées (avec de faux noms et âges) sur des sites de petites annonces, proposant des rencontres coquines ou des massages. Enfin, les passes ont lieu dans des chambres d’hôtels ou appartements loués en ligne.
Les proxénètes gèrent toute la chaîne, chacun en charge de deux ou trois filles.
La Voix du Nord expliquait que les proxénètes veillent sur leurs “protégées” pendant les passes, “dissimulés dans les salles de bain” et que :
“Dans certains hôtels, une seule fille pouvait parfois recevoir plus de dix clients par jour, souligne un policier. Il était impossible de ne rien voir”.
Cependant, aucun hôtel n’a jamais rien signalé.
Ces proxénètes et ces victimes ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
En 2015, neuf personnes dont un médecin de Roubaix et deux femmes ont été arrêtés dans le cadre d’un réseau de proxénétisme qui opérait depuis 2012. Ce médecin et d’autres ont été mis en examen pour “proxénétisme en bande organisée” et “blanchiment” mais ont été libérés rapidement dans l’attente de leur procès.
Officiellement, la presse a parlé d’ “équatoriennes”, mais il y avait aussi des mineures “locales”. Ce médecin louait des appartements qui servaient au trafic, et récupérait une partie de l’argent qu’il réinvestissait (2). On n’a jamais réentendu parler de cette affaire.
Il faut dire que les menaces contre les filles sont fortes pour les empêcher de témoigner. Dans une autre affaire à Lille, où de jeunes macs ont été arrêtés en 2015, les victimes ont été menacées même pendant que les agresseurs étaient en prison. Si bien qu’il n’était pas certain qu’elles viennent témoigner. Parmi les sept victimes, six étaient mineures, les plus jeunes n’avaient que 14 ans.
Ces réseaux doivent être organisés. Déjà, en raison de la logistique nécessaire pour recruter et faire tourner les filles dans toute la France.
Le directeur de l’OCRTEH racontait au Parisien :
“La dernière affaire que nous avons traitée impliquait des proxénètes à Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques. Au moment où on les a interpellés, les filles avaient déjà été envoyées se prostituer à La Rochelle, en Charente-Maritime. Elles étaient toutes originaires du Val-d’Oise, sauf qu’on les déplaçait sur l’ensemble du territoire pour éviter qu’elles soient repérées. Ce n’est plus un phénomène circonscrit à un secteur géographique. Les équipes qui installent les filles dans des hôtels, parfois sous de faux noms, doivent s’organiser pour qu’elles ne restent que quelques jours”.
S’il y a de faux noms, il y a de faux papiers.
Plusieurs adolescentes kidnappées dans le nord de la France pour être exploitées dans des bordels en Belgique autour des années 2010 avaient de faux papiers en cas de descente de police ou de contrôle. D’autres se font “séduire” sur les réseaux sociaux dans un premier temps.
Ces petits maquereaux, qui sont en fait des petites mains du système, “gèrent les annonces, clients, réservations d’hôtel, et la “sécurité” depuis la salle de bain. Des petites mains ramènent à manger, des drogues et l’alcool pour les filles”, rappelait un article de Sud-Ouest.
Par ailleurs, si certaines acceptent au départ de se prostituer et de reverser la moitié de ce qu’elles gagner aux proxénètes, elles peuvent rapidement être placées sous la contrainte pour rapporter davantage. Certaines changent aussi de réseau en espérant gagner plus.
A Paris, des jeunes de 14, 15, 16 ans, garçons et filles, parfois issus de milieux relativement aisés, tombent dans la drogue et dans la prostitution. S’ils y entrent plus ou moins volontairement, ils se retrouvent rapidement pris dans un engrenage. Les adultes autour se repassent les contacts, les parents ne savent plus quoi faire quand ils sont au courant.
On ne sait jamais quel type de réseau peut se cacher derrière. Il n’est pas exclu que certains de ces ados finissent dans des réseaux encore plus hard, comme l’ont montré certaines (3) affaires, notamment en France ou en Angleterre (4).
Quid des mineurs étrangers ?
Il y a aussi toutes les étrangères, prostituées dès l’enfance, comme l’a raconté une victime Nigériane au Parisien, prostituée dès ses 10 ans. Selon l’OCRTEH, dans les réseaux nigérians de Paris, 25% des filles sont mineures.
Les migrants sont une autre cible, principalement les enfants non accompagnés dont la moitié disparaissent des radars depuis des années, dans les 48h après avoir été recensés dans un centre. Les réseaux de passeurs peuvent les prostituer en tant que remboursement.
Dès 2002, un rapport de l’Office International des Migrations sur “la traite des mineurs non-accompagnés dans l’Union Européenne” évoquait les risques qu’ils tombent entre les mains de réseaux qui les exploitent de différentes manières.
Le document précisait que :
“malgré le manque de données précises”, la “hausse du nombre de mineurs exploités à des fins sexuelles est évidente”.
Cependant, les autorités disaient que le crime organisé n’était pas seul en cause (5).
Par exemple, les réseaux faisaient venir en Allemagne des mineurs (des filles et aussi des garçons), parfois via l’adoption ou le mariage avec des mères célibataires, pour l’exploitation sexuelle.
Ils pouvaient les déplacer d’un pays à l’autre. Ce rapport de 2002 mentionnait que :
“Au cours des dernières années, parmi les 500 adolescents se prostituant dans la ville de Francfort, ont figuré également des garçons de République tchèque, de Pologne ou de Roumanie, victimes de trafiquants. Certains d’entre eux ont été vendus par la suite à des réseaux d’Amsterdam“.
Ces réseaux d’exploitation sexuelle de mineurs étrangers étaient déjà discrets. Le document précise que :
“D’après un haut commissaire chargé des enquêtes criminelles à l’administration générale de la Police d’Ulm, ces réseaux fonctionnent à la manière de sociétés secrètes”.
Ce rapport évoquait même la piste satanique :
“L’indifférence des pédophiles vis-à-vis des enfants ne connaît pas de limite. Le centre d’assistance Zartbitter de Cologne entend parler depuis des années de l’exploitation de mineurs dans le cadre de rituels sataniques et la production de ce qu’on appelle des “snuff-movies’’”.
La justice n’avançait pas dans ces dossiers, selon ce rapport, parce que les témoins étaient “souvent drogués”, et aussi parce qu’ils “fournissent des comptes rendus contradictoires de leurs expériences” (6).
Concernant la France, il n’y avait aucune donnée, le phénomène des réseaux d’exploitation sexuelle de mineurs étrangers étant censé ne pas exister. Selon l’UNICEF, 8.000 enfants étaient quand-même exploités sexuellement en France à cette époque.
En Grèce, il y avait de “sérieux soupçons de trafic d’organes humains”. Aux Pays-Bas, la prostitution de garçons étrangers était en augmentation, qu’il s’agisse de nord-africains ou de jeunes d’Europe de l’Est (7).
C’était l’époque de l’affaire Zandvoort, notamment. Depuis, cette discrétion a perduré et semble même s’être renforcée. Et les disparitions n’ont fait qu’augmenter avec la vague de migration.
Selon le rapport de la Fondation Scelles de 2019 :
“A Paris, les associations signalent le cas de disparition de personnes mineures isolées ou jeunes majeures, aspirées par ces réseaux. Dans son enquête sur les mineurs isolés dans les camps du Nord de la France, l’UNICEF signale que plusieurs situations relevant de la traite des êtres humains leur ont été rapportées”.
Le rapport mentionne aussi une étude de l’ONG Save the Children sur la prostitution forcée de jeunes migrants à la frontière franco-italienne :
“Plus de 1900 jeunes filles, dont au moins 160 enfants, ont ainsi été sexuellement exploitées entre janvier 2017 et mars 2018, du côté italien et/ou Français”.
A Lyon, une Roumaine de 43 ans a été attrapée en février pour avoir organisé un système de prostitution : elle prêtait de l’argent à des familles Roms qui ne pouvaient pas rembourser et envoyaient donc leurs filles en France pour qu’elles servent à rembourser. Elle a même mis ses nièces de 14 et 15 ans dedans.
On ne connait pas le flux exact des enfants migrants isolés (appelés “mineurs non accompagnés”) qui arrivent chaque année en Europe ou en France, ni le nombre exact qui disparaissent. Théoriquement, ils peuvent séjourner en France sans autorisation provisoire de séjour mais s’il n’a pas de document de voyage, il est refoulé à la frontière.
Ainsi, Europe a donné le chiffre de 10.000 mineurs migrants non accompagnés disparus en Europe en 2015 (et idem en 2016), mais selon le rapport de la commission des réfugiés de 2016 :
“Tout porte à croire que les chiffres réels étaient bien plus élevés puisque, à titre d’exemple, la police criminelle fédérale allemande avait déjà annoncé au cours du même mois qu’en Allemagne le nombre d’enfants non accompagnés considérés comme disparus était estimé à 4 749, dont 431 enfants âgés de moins de 13 ans et 4 287 entre 14 et 17 ans”.
Cela, c’est pour ceux qui sont passés. Beaucoup ont été retenus en Turquie ou en Libye.
Le problème, c’est que ceux qui ont été enregistrés dans un pays d’Europe disparaissent massivement, et cela dans un peu tous les pays, semble-t-il, et depuis le début de la vague des migrants avec les guerres en Syrie et en Irak.
Quelques chiffres, ici où là :
– Au début de la vague, en 2015, 88.300 mineurs non accompagnés ont demandé l’asile en Europe (7% des demandes). Pour le seul mois de juin 2016, ils étaient 30.000[8]. Sur les six premiers mois de 2016, 137 enfants migrants sont morts en Europe sur la route.
– En Suisse, 417 jeunes migrants non accompagnés, souvent mineurs, ont disparu en 2018, selon le Secrétariat d’Etat aux migrations. Mais ce serait de leur plein gré : “Les raisons de leur départ sont diverses : certains craignent l’échec de leur procédure d’asile, d’autres ont déjà reçu une décision négative, et certains cherchent à rejoindre un proche ailleurs dans le monde”. Mais tous les cantons ne signalent pas tous les mineurs disparus, donc il y en a davantage.
– En Belgique, 427 avaient disparu des centres Fedasil depuis plusieurs années. Un autre chiffre parlait de 618 mineurs migrants non accompagnés disparus en 2017.
– Aux Pays-Bas en 2017, ce sont 360 enfants non accompagnés qui ont été perdus. En 2019, il était aussi question de 16.000 disparitions de jeunes des centres de migrants du pays en l’espace de 4-5 ans, surtout des maghrébins.
– En 2015 et en 2016, selon Europol, 10.000 enfants migrants ont disparu en Europe. Mais rien qu’en Allemagne ils étaient déjà 8.400 en 2017 à disparaître, dont 20% n’ont jamais retrouvés.
Le trafic sexuel était pointé du doigt par Missing Children :
“Il y a de plus en plus de risques liés à la traite des êtres humains dans le contexte d’enfants migrants. Pour vous donner un chiffre, on voit qu’en Suède, 64% des victimes de la traite des êtres humains étaient des enfants, des mineurs non accompagnés. Et donc là, on voit qu’il y a un problème qui n’est pas suffisamment connu et auquel on doit faire face d’une façon ou d’une autre. Mais ça demande une coordination importante au niveau européen”.
– En 2019, on nous annonçait toujours 10.000 enfants migrants isolés disparus et dont on n’a plus aucune trace, mais au total depuis le début des calculs.
– 16.000 enfants ont disparu des centres d’accueil des Pays-Bas en 4 ou 5 ans, selon un rapport de 2019, dont certains sont “probablement” victimes d’exploitation, notamment dans la prostitution.
– 30.000 enfants migrants auraient disparu des radars entre 2014 et 2017 selon Missing Children. Mais selon les autorités turques, le chiffre serait de 96.000 enfants réfugiés disparus en Europe entre 2015 et 2019.
Il est évident que, comme l’explique l’ONG Missing Children Europe :
“les réseaux criminels se concentrent de plus en plus sur les enfants migrants non-accompagnés. Ils exercent parfois une pression psychologique ou physique sur les enfants pour qu’ils quittent le centre d’accueil”.
Pour quoi faire ?
Ce qui est interpellant, c’est que ces enfants disparaissent très rapidement après avoir été enregistrés, dans les 48h en général :
“Près de la moitié des enfants qui arrivent seuls s’enfuient des centres ou des foyers pour demandeurs d’asile dans les deux jours qui suivent leur arrivée”,
Selon le rapport de la commission des réfugiés de 2016, qui considérait que la plupart cherchaient à rejoindre des membres de leur famille.
Ce rapport précisait aussi que :
“Souvent, ils disparaissent involontairement car ils sont devenus victimes de la traite ou l’étaient déjà, y compris à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail, de mendicité forcée et de trafic de drogue. Au moins 15 % des personnes enregistrées comme victimes de la traite sont des enfants, et la traite des enfants est signalée par les Etats membres comme l’une des tendances connaissant la plus forte augmentation dans l’Union européenne”.
Près de la moitié des enfants déclarés puis disparus ne laissaient plus aucune trace à partir de leur passage dans un centre d’accueil.
Les filles destinées à la prostitution commencent en général par monter dans un avion depuis leur pays, puis sont placées en centre à leur arrivée :
Un rapport de Frontex datant de 2010 rappelait que :
“A leur entrée dans l’Union européenne, elles font immédiatement une demande d’asile et une fois qu’elles se trouvent dans des centres d’hébergement pour mineurs, elles appellent un contact sur place, qui les enlève du centre”,
“Ce système de criminalité organisée pourrait expliquer dans certains cas pourquoi des mineurs non accompagnés disparaissent : ils sont envoyés exprès pour faire une demande d’asile afin de ne pas être arrêtés à la frontière. Dans d’autres cas, les mineurs non accompagnés sont victimes de traite après leur entrée dans le pays. Quant à ceux qui ont été séparés en route de leur famille, il est possible qu’ils s’échappent des centres pour partir à leur recherche”.
Le Figaro évoquait en 2016 cette question, et interviewait un responsable d’Europol qui parlait d’une “infrastructure criminelle” organisée à travers l’Europe pour faire passer et exploiter les migrants de diverses manières :
“Il y a en Allemagne et en Hongrie des prisons dans lesquelles la grande majorité des détenus sont là en raison d’activités criminelles liés à la crise migratoire”.
Des groupes criminels actifs dans la traite d’êtres humains sont par ailleurs maintenant actifs dans les filières d’immigration illégale afin d’exploiter des migrants, a souligné Europol, évoquant de l’esclavage ou des activités liées au commerce du sexe”, ajoutait l’article.
Pour Ouest France, la même année Europol répondait sur le sort des 10.000 enfants migrants disparus après leur arrivée en Europe, en l’espace d’une année :
“Pour beaucoup, c’est qu’ils ont déjà été interceptés ou repérés dès leur départ par les mafias, qui n’ont aucun intérêt à ce qu’ils soient identifiés par les autorités. Leurs réseaux sont très organisés, (les trafiquants) attendent des moments précis de la vie de ces enfants car ils savent qu’ils sont très fragiles. Malheureusement pour ces enfants, ils finissent très fréquemment par devenir dealers ou sont contraints à se prostituer dans des conditions inimaginables”.
A Calais (en mars 2016 environ 500 jeunes étaient présents sur les 7 sites de Nord) comme à Paris, beaucoup de ces jeunes sont d’abord victimes de viols, garçons comme filles. Outre les réseaux de trafiquants, des pédocriminels attendent les mineurs autour des centres d’accueil, comme des gares où ce type de prédateur traine depuis des lustres à la recherche des jeunes fugueurs.
Un éducateur interrogé par France Bleu en 2017 expliquait :
“Il y a des pédophiles qui traînent ici, il y a des malades mentaux. Il y a des prédateurs sexuels qui tournent autour avec des billets et qui réussissent à accaparer une partie de cette misère. Les jeunes sont tellement dans la misère et le désespoir que ça marche. On a des témoignages de mineurs qui nous disent qu’ils ont gagné de l’argent. Ils ne rentrent pas forcément dans le détail parce que c’est dur à avouer, c’est dur à faire”.
Selon l’association Utopia 56 qui prend en charge de mineurs migrants, certains de ces jeunes disparaissent. L’asso a fait des signalements mais il ne se passe rien.
A Calais, les jeunes sont victimes tout d’abord des passeurs.
Un rapport de l’UNICEF de 2016 (9) explique par exemple que :
“Parmi les mineurs afghans rencontrés en entretien, la peur du viol est une des craintes majeures. Ils sont particulièrement exposés aux violences sexuelles. Les témoignages collectés mentionnent des situations de mineurs régulièrement abusés sexuellement, notamment par des passeurs et leurs amis lors de soirées alcoolisées”.
Mais, il y a aussi des pédos au sein des associations caritatives.
Il y avait des mafias qui amenaient depuis les camps de la région de Calais des femmes, notamment mineures, se prostituer à Paris (10).
Des jeunes qui avaient été transférés légalement de Calais au Royaume-Uni ont disparu, avant d’être retrouvés pour certains dans des ateliers clandestins ou prostitués. D’autres enfants –près de 600- qui devaient bénéficier de soins ont disparu entre leur départ de Calais et leur arrivée au Royaume-Uni.
Ils peuvent aussi être exploités pour voler, produire (11) ou vendre de la drogue, ou même pour le trafic d’organes (12)…
Une affaire assez récente en Espagne a montré que des trafiquants marocains séquestraient des mineurs migrants isolés (des Marocains qu’ils faisaient venir en Espagne), pour rançonner les familles en menaçant de vendre leurs organes. Ils les enlevaient dès leur arrivée ou carrément dans les centres de protection.
A Bordeaux en février, un réseau qui mettait ces jeunes migrants sous drogue pour les obliger à voler a été stoppé. Selon le Parisien :
“A Bordeaux (Gironde), les faits de délinquance de ces mineurs isolés ont pris une telle ampleur, depuis trois ans, qu’une cellule spéciale a été montée au sein de la sûreté départementale en septembre 2019”.
Entre 50 et 100 jeunes (beaucoup d’algériens) étaient mis au “travail” pour voler et receler. Et on peut imaginer que ce type de réseau a une palette plus large d’activités.
Rappelons que la protection des mineurs, même étrangers et même sans papiers, est une obligation des Etats démocratiques. La France a signé des conventions et traités qui lui imposent de prendre des mesures qu’elle ne prend toujours pas.
Dès 2016, l’Europe a parlé d’agir contre ces disparitions massives. En effet, l’inaction en matière de protection de ces mineurs était de mise, et rien n’a vraiment évolué même si aujourd’hui la vague de migration a réduit. Le fichier des mineurs migrants isolés n’a été mis en place qu’en 2019 en France, et en plus il a été détourné par les autorités pour les empêcher de se déplacer.
En avril 2020, toujours “pas de données fiables” sur les mineurs non accompagnés et les disparitions. Quelques opérations ont tout de même eu lieu, à une échelle transnationale, pour déranger un peu ces réseaux de traite de mineurs. En 2019, une opération menée dans 16 pays européens a permis d’arrêter 70 personnes et d’identifier 208 victimes potentielles de mendicité et de travail forcés.
Les réseaux qui exploitent les mineurs nationaux et étrangers ne sont -a priori- pas les mêmes. Mais dans les deux cas les autorités sont complètement à côté de la plaque.
D’abord pour saisir l’ampleur du problème, ensuite pour le régler.
Vu l’ampleur de cette exploitation, vu l’argent que cela rapporte, il est certain que les réseaux, qu’ils se trouvent derrière les disparitions de migrants ou qu’ils multiplient les petits macs de cités comme on multiplie les points de vente, sont très puissants, et ont de quoi acheter leur tranquilité.
L’omerta sur le sujet des mineurs migrants depuis des années, ou l’inaction absolue, notamment sur la plan judiciaire, face aux réseaux d’exploitation de mineures, amènent à envisager que nos autorités n’ont pas franchement envie d’agir.
Le problème, c’est qu’on laisse se développer de nouveaux réseaux d’exploitation humaine qui ne demandent qu’à se développer, et l’ont fait jusqu’à présent. Au point que les choses sont banalisées.
La question est : jusqu’à quand cette inaction va–t-elle perdurer ? Quelle ampleur faut-il pour que des mesures soient prises à tous les niveaux ?
Source : dondevamos
[1] En particulier Sara Rowbotham, une assistante sociale, qui a fait 180 signalements à aux services sociaux et à la police entre 2003 et 2014. Mais on lui a répondu que les témoins (les victimes) n’étaient pas fiables.
[2] Un article de VSD paru en décembre 2015 précisait que “D’après l’enquête, l’homme aurait loué sciemment plusieurs appartements à des prostituées (environ 600 euros mensuels selon leur témoignage) avant de blanchir l’argent liquide des loyers, notamment dans les travaux de rénovation des habitations, et l’achat de nouvelles surfaces ». L’article ajoutait « Lors des perquisitions, plusieurs milliers d’euros en liquide ainsi que des chèques cadeaux ont été découverts dans les appartements incriminés. Dans le même temps, la plateforme d’identification des avoirs criminels (PIAC) a saisi deux biens immobiliers du médecin d’un montant cumulé de plus de 700 000 euros. Seule absente, la femme du médecin, Mariuxi H., 36 ans, est désormais visée par un mandat d’arrêt européen”.
[3] Voir notamment le livre de Bruno Fouchereau “L’enfant sacrifié à Satan“, qui commence certes à dater mais il n’y a aucune raison que ce qui est dénoncé, c’est-à-dire un réseau sataniste actif dans plusieurs pays qui faisant dans les rituels glauques et les snuffs movies, ait pris fin.
[4] En 2018, un sataniste appelé Colin Batley, qui avait organisé une espèce de culte, a prostitué des filles dont certaines étaient mineures ou tout juste majeures. L’affaire a été minimisée, mais Batley avait des contacts dans tout le pays et il a eu les mains libres pendant des années.
[5] “Leurs expériences [à la police et la justice] démontrent qu’il n’est pas rare que des individus, des petits groupes criminels ou même des criminels occasionnels, participent à la traite et au trafic de mineurs, mais quel que soit leur forme, ces organisations entretiennent à un moment ou un autre des rapports avec le crime international organisé”. En Allemagne, il s’agissait surtout d’adoptions illégales d’enfants d’Europe de l’est, et d’enfants poussés à se prostituer, à voler et à mendier. Les trafiquants parvenaient aussi à avoir de faux passeports pour faire passer les enfants. Outre la Roumanie, « des enfants et adolescents d’autres pays sont également introduits en Allemagne à des fins d’exploitation sexuelle ».
[6] Notamment, précise le rapport, parce que “Les trafiquants d’enfants et les pédophiles ont recours à des moyens subtils, modifiant l’apparence des salles à l’aide de projection de diapositives, de manière à créer des effets que les enfants terrorisés prennent pour la réalité”.
[7] “De jeunes garçons nord-africains se prostituent aux Pays-Bas depuis les années 1980. En plus des garçons qui ont récemment immigré ou qui ont voyagé comme migrants illégaux en Europe pendant quelque temps, les enfants d’immigrants marocains sont aussi recrutés. Les garçons d’Europe de l’Est sont entrés dans le secteur de la prostitution masculine dans les années 1990”, précise le rapport.
[8] Rapport de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées au Conseil de l’Europe “Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe”. Sur le profil des enfants enregistrés en 2015, “42 % des enfants non accompagnés étaient des citoyens afghans, suivis de ressortissants somaliens (8 %,), syriens (7 %) et pakistanais (6 %). Cependant, tous les enfants non accompagnés ne demandent pas l’asile, si bien que les chiffres totaux sont plus élevés”. Il s’agissait à 90% de garçons mais le nombre de filles augmentait constamment. Au sujet des enfants disparus, “Les 10 000 enfants signalés disparus par Europol auraient disparu très peu de temps après avoir été enregistrés, si bien que le nombre total est beaucoup plus élevé puisque de nombreux enfants disparaissent avant d’avoir été enregistrés, tandis que d’autres disparaissent pendant des périodes d’attente prolongées ou lorsque leurs demandes d’asile sont refusées. A leur arrivée en Allemagne, par exemple, les mineurs doivent être enregistrés et soumis à une prise d’empreintes digitales auprès de l’autorité pour les étrangers – les enfants qui s’enfuient pendant l’attente du rendez-vous, qui peut être de plusieurs jours voire de semaines, ne sont même pas enregistrés”.
[9] Enquête du fonds des Nations Unies pour l’enfance, “Ni sains, ni saufs. Enquête sur les enfants non accompagnés dans le Nord de la France“.
[10] Cf. Rapport “Ni sains, ni saufs” p. 42.
[11] Il y a par exemple eu plusieurs affaires de vietnamiens, notamment des mineurs, retenus dans des usines de production de cannabis, en Grande-Bretagne ou en France.
[12] En 2015, il était question en Allemagne de 5.000 enfants migrants contraints à la prostitution et au trafic d’organes, selon une alerte du conseil musulman allemand. 1.637 enfants migrants avaient disparu entre juillet 2015 et février 2016.
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