Cornier | L’ancien directeur de l’école maternelle accusé d’agressions sexuelles sur une vingtaine d’élèves âgés de 2 à 3 ans jugé aux assises

L’ancien directeur de l’école maternelle de Cornier s’est expliqué devant le tribunal de Bonneville des accusations d’agressions sexuelles portées contre lui par une vingtaine de très jeunes enfants (de 2 à 3 ans au moment des faits). A l’issue de la première journée d’audience, lundi 24 juin, les questions sans réponse restent nombreuses.

L’école de Cornier – Photo Le Messager

L’ancien directeur de l’école maternelle de Cornier a été confronté aux accusations portées contre lui par une vingtaine d’enfants scolarisés à la maternelle de Cornier lors des années scolaires 2015-2016 et 2016-2017.

Lundi 24 juin, le procès s’est ouvert par une première journée d’audiences fortes en émotion et en tensions.

Devant une salle remplie par les parents et familles des enfants et dans une ambiance caniculaire, l’accusé a tenté de fournir des explications au cours d’une très longue audience (ouverte à 9 h, close à 22 h 30).

Le 28 octobre 2016, les parents de la petite Emma suivent l’habituel rituel du coucher lorsqu’au cours d’une conversation anodine la petite fille évoque des « massages » qu’aurait pratiqués sur elle et trois autres de ses camarades son enseignant « maître Bruno ».

La fillette décrit alors à ses parents des attouchements sur le sexe et les fesses ; le couple fait alors le rapprochement avec le changement de comportement de Leïla* (troubles du sommeil notamment) et les irritations « à la vulve et à l’anus » constaté sur le corps de la fillette.

Le 4 novembre, les parents et la fillette sont entendus une première fois par la gendarmerie.

Dès lors, et durant plusieurs mois, les révélations vont se succéder au cours de l’école.

Ainsi, lundi 24 juin, c’est une vingtaine d’enfants qui accusent « maître Bruno » d’attouchements et d’exhibition sexuelle.

Entendu par la gendarmerie et le juge d’instruction, l’enseignant a toujours nié les faits mais sans donné d’explications à ce qu’il juge comme « un complot » contre lui.

Lundi 24 juin, le premier jour d’audience a d’abord permis d’entendre les témoignages des parents des victimes supposées.

Au cours d’une longue litanie, ces derniers ont décrit des situations particulières comparables en bien des points.

Les parents ont d’abord souligné les changements de comportement constatés chez leurs enfants au fil des semaines précédant les révélations.

L’apparition d’une sorte de mélancolie, de crises de colère inhabituelle, d’une peur très marquée de se rendre à l’école, d’énurésie, d’un comportement trop sexualisé pour des enfants de cet âge.

Les témoignages des parents, souvent donnés dans les larmes, prennent parfois un tour très troublant.

« A partir de fin septembre, je le récupérai le soir en pleurs.

Lorsque je l’emmenais à l’école le matin, il se cachait derrière moi, me serrait la cuisse pour rentrer.

Tout au long de l’année, j’ai cherché à comprendre ce qui n’allait pas », explique le père de Matteo.

« Ce n’est plus la petite fille que j’avais avant.

Aujourd’hui, j’ai un petit garçon qui ne veut plus porter que des pantalons avec des collants en dessous.

Elle aimait la reine des neiges maintenant elle ne parle que de superhéros.

Elle nous a demandé de l’inscrire au karaté pour se défendre, de lui couper les cheveux », explique en pleurs la mère de Marissa.

Il y a aussi la mère de Pablo, enseignante de profession, qui raconte troublée le comportement de son fils :

« Il se colle à moi ; il essaye d’entrer des objets dans les fesses. »

Des témoignages qui se rapprochent des constatations effectuées par les différents psychologues qui ont examiné les enfants. dans la majorité des cas, des troubles du comportement du type post-traumatique sont relevés.

La plupart des psychologues estimant que les enfants ont au minimum « été témoin d’actes de nature sexuels. »

Beaucoup de parents ont aussi expliqué qu’une fois « maître Bruno » éloigné de l’école les enfants ont retrouvé un comportement plus normal.

L’accusation repose pour partie sur les auditions des enfants réalisées par la gendarmerie.

Lors de ces auditions, les enfants ont accusé leur maître parfois nommément, parfois en le montrant sur des photos.

Pour décrire les attouchements dont ils ont été victimes, les enfants ont parfois eu recours à une poupée anatomique utilisée par les enquêteurs pour aider au témoignage des jeunes enfants.

Reste que le déroulé de ces conversations (dont des extraits ont été lus par le tribunal) est difficile à suivre du fait de la psychologie de ces très jeunes enfants qui n’ont ni les codes ni le vocabulaire pour s’exprimer clairement sur ces difficiles matières.

Avocat de la Défense, Sylvain Cormier n’a ainsi pas cherché à mettre en doute directement les témoignages des enfants et des parents.

En revanche, il a émis de sérieux doutes sur la fiabilité des auditions réalisées par la gendarmerie en produisant notamment le témoignage de Samuel Demarchi, expert en psychologie sociale et criminelle.

Ce dernier a dénoncé les conditions dans lesquelles se sont tenues les auditions en soulignant l’emploi de questions fermées voire orientées, l’évocation de récompenses ou de punitions pour les enfants en fonction des réponses, la durée des auditions…

Et de conclure :

« Aucune des auditions n’est conforme au protocole. »

L’audience s’est achevée par l’interrogatoire de l’accusé.

A la barre « maître Bruno » conteste toujours les accusations :

« Je vois la douleur des parents mais je n’ai jamais touché un enfant, je n’ai jamais montré mon sexe.

Ils croient que je leur disais bonjour le matin pour ensuite aller abuser leurs enfants », s’est indigné cet homme de 52 ans au parcours professionnel et familial décousu.

Le tribunal a surtout tenté de vérifier les conditions matérielles dans lesquels se seraient déroulés les faits.

Là encore, difficile de savoir quand et où précisément se sont déroulés les actes.

Le tribunal a cependant relevé plusieurs éléments curieux dans le comportement de l’enseignant : porte de la classe fermée à clé, bureau dont toutes les vitres ont été cachées avec du papier, témoignages des collègues qui soulignent le manque de rigueur de « maître Bruno. »

L’examen du matériel informatique de l’enseignant a permis de découvrir trois photographies à caractère pornographique (dont une peut correspondre à la définition de la pédopornographie) mais c’est surtout la présence de logiciels tels que Tor qui intrigué le président Jomier :

« Ce logiciel permet de naviguer dans le darknet.

sur votre ordinateur, nous avons également découvert des logiciels utilisés pour effacer des traces, des logiciels espions.

Vous comprenez que cela pose question. »

« Maître Bruno » a alors expliqué ces faits par des circonstances familiales particulières.

A ce stade, ce dernier se présente toujours comme « un accusé à tort » victime d’une sorte de délire collectif.

La première audience s’est achevée lundi 24 juin vers 22 h 30.

Elle doit reprendre ce mardi 25 juin à 9 h 15, pour entendre les plaidoiries des avocats et le réquisitoire du procureur.

*Tous les prénoms des enfants ont été modifiés

Source : Le Messager

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