Châteaubriant | Victimes d’agressions sexuelles commises par un ami de la famille
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 13/02/2021
- 11:33
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En pleine révision de la loi sur les crimes sexuels sur les mineurs, ce couple de Loire-Atlantique témoigne après l’incarcération du bourreau de leurs deux filles de 6 et 8 ans.
« On s’est toujours dit que ça n’arrivait qu’aux autres. Mais ça s’est passé sous notre toit, en notre présence. On n’aurait jamais pu l’imaginer. »
Le visage blafard, marqué par une nouvelle nuit sans repos, Pierre s’installe à côté de sa femme, Claudine.
Ses deux filles, Julie*, 6 ans et Sarah*, 8 ans, se réveillent doucement, le sourire aux lèvres, comme chaque mercredi matin sans école.
La plus grande des deux, lance en se frottant les yeux :
« Je croyais qu’il y aurait de la neige ce matin maman ».
Les deux petites du pays de Châteaubriant (Loire-Atlantique) devront en effet attendre avant de pouvoir donner vie à leur bonhomme de neige. Pour compenser, direction le canapé, pour une bonne dose de dessins animés.
Attendris, Pierre et Claudine esquissent un sourire, avant de les voir filer dans le salon.
Claudine confie :
« Intérieurement, on est rongés par la tristesse et la colère. Mais on ne leur montre pas car comme tous les enfants, ce sont des éponges, et on veut les préserver. »
Il y a un près de quatre mois, le couple découvrait avec horreur ce qu’il n’aurait jamais pu soupçonner.
De juin à octobre 2020, leurs deux filles ont été victimes d’agressions sexuelles, commises par un de leur ami.
Encore profondément bouleversés par cet épisode, Pierre et Claudine souhaitent raconter leur histoire pour éveiller les consciences et avertir les familles que l’innommable n’arrive pas qu’aux autres.
“On ressent tous les deux de la culpabilité. On aurait jamais pu imaginer que ce genre de chose puisse se passer chez nous. Mais quand on en parle autour de nous, on se rend compte que beaucoup de personnes sont concernées par ce genre de fait. Ça peut arriver à n’importe qui. On veut que les enfants qui ont vécu ce genre de chose puissent en parler à leurs parents.”
L’homme à l’origine des faits est entré dans la vie de Pierre et Claudine il y a 5 ans.
« À l’époque j’étais photographe bénévole pour des centres équestres. Lui faisait partie d’une association de spectacle équestre. Il travaillait aussi sur les marchés. On a vite sympathisé. »
Le couple se lie d’amitié avec lui, à tel point qu’il participe à l’organisation de leur mariage.
Claudine se souvient :
« Il m’a emmené dans son 4×4 à la mairie pour notre mariage ».
Père divorcé, il se rend régulièrement chez son couple d’amis lors des soirées qu’ils organisent, ou pour y passer quelques jours.
« Il passait régulièrement des week-ends à la maison avec sa compagne ».
Pierre se souvient d’un homme :
« Calme, très cultivé, qui proposait facilement son aide ».
Claudine appuie :
« On lui aurait donné le bon Dieu sans confession ».
En octobre, ce cinquantenaire domicilié à Béganne (Morbihan) pose ses valises chez le couple pour aider à quelques travaux. Les premiers doutes effleurent alors l’esprit du papa.
« À chaque fois qu’il venait chez nous, il était tout le temps avec nos filles et que très rarement avec nous et sa compagne à table. Il jouait avec elles dans le salon ».
Un jour, Pierre et Claudine doivent subitement partir de la maison pour une urgence. Pierre cherche alors à avertir son ami présent à la maison.
« Je l’ai cherché partout, mais je ne le trouvais pas. Puis j’ai vu qu’il était à l’étage dans la chambre avec nos deux filles, lumière éteinte. Je suis resté en bas des escaliers. Sarah est sortie de sa chambre et m’a dit : “Il est avec nous. On joue à cache-cache dans le noir.” Lui n’est pas sorti de la chambre ».
Pierre avertit son ami de son départ depuis le rez-de-chaussée. Ce dernier lui répond de suite.
« Sarah rigolait et avait l’air d’aller bien donc je ne me suis pas inquiété ».
Sur la route, le père de famille cogite et commence à envisager le pire, même si de tels actes de la part de leur ami semblent inenvisageables.
Le lendemain matin, il décide de questionner ses filles après le départ de son ami :
« J’étais inquiet. Je leur ai demandé ce qu’elles avaient fait dans la chambre la veille avec lui dans le noir. »
Sarah raconte alors :
« On jouait au loup et il nous a fait des massages aux pieds et aux bras ».
Pierre insiste :
« C’est tout, t’es vraiment sûre de toi ? »
La petite fond en larmes.
« C’est à ce moment-là que j’ai compris. Je n’ai pas insisté. »
Une plainte déposée le 23 octobre.
Pierre informe sa femme de la situation par texto. Au retour de l’école, la maman tente d’en savoir un peu plus. Julie dévoile alors toute la vérité à sa maman.
“Elle m’a dit qu’il leur avait touché et léché les fesses de devant. J’ai commencé à bouillir, mais je ne voulais pas craquer pour en savoir plus. J’ai demandé s’il leur avait fait du mal. “Oui, avec son doigt dans les fesses de devant”, explique Julie.”
En retrait, Sarah acquiesce d’un petit « oui ».
Le soir même, le bourreau des deux jeunes filles se présente à la maison avec sa compagne. Claudine prend sur elle et décide de ne pas révéler les détails à son mari, et lui promet de tout lui expliquer plus tard.
« Je ne voulais pas que ça dégénère car il aurait pété un plomb et voulu faire justice lui-même. Quand ils sont arrivés, ils ont vu qu’il y avait un malaise, je ne parlais pas, je n’ai pas mangé. Ils sont rapidement partis. Lui est resté dans la cuisine sans dire un mot ».
Aujourd’hui, Pierre avoue :
« Je l’aurais tué si je l’avais su sur le coup ».
Le lendemain, vendredi 23 octobre 2020, Claudine porte plainte à la gendarmerie de Châteaubriant.
Le samedi, Pierre découvre la vérité. La semaine suivante, Julie et Sarah sont emmenées à l’Hôtel-Dieu, à Nantes, pour y être auditionnées.
Ces actes de pédophilie auraient été répétés de juin à octobre 2020.
Après plusieurs mois d’enquête, l’homme est finalement interpellé et placé en garde à vue le lundi 1er février 2021, puis incarcéré quelques heures plus tard. Il avouera finalement au cours de l’audition. Placé en détention, il sera jugé par le tribunal de Nantes.
Le papa avoue :
“Je pensais que ça me soulagerait d’un poids de le savoir en prison mais non. J’aurais préféré qu’il soit mort, car on ne fait pas ça à des enfants. Il a sali nos filles.”
Lui-même victime de maltraitance et d’agressions sexuelles dans son enfance, Pierre compte dorénavant sur la justice pour sanctionner cet homme à la hauteur du traumatisme subi par ses filles.
« On leur a dit qu’il était en prison et qu’elles avaient sauvé d’autres enfants, car elles avaient eu le courage de dire leur secret. »
Reconnaissant, le couple souhaite souligner le travail des enquêteurs de la gendarmerie de Châteaubriant.
« On veut les remercier car ils ont fait du très bon travail. Je ne pensais pas qu’ils nous soutiendraient autant. Pourtant je les ai harcelés chaque jour pendant un moment. »
Claudine et Pierre entament dorénavant un long chemin de résilience et de reconstruction, pour eux et leurs filles.
« Il a fallu qu’on leur explique des choses qu’on n’était pas censés leur expliquer à leur âge. J’ai parfois l’espoir qu’elles oublient tout cela un jour mais c’est impossible. »
Plus expressive que sa grande sœur, Julie montre depuis octobre des signes de stress qui inquiètent son père.
“Elle n’est plus la même. Elle est devenue très dure, elle a des sautes d’humeur. Sarah elle ne veut pas en parler. Mais elles savent qu’elles peuvent nous en parler quand elles veulent. La directrice de leur école est aussi au courant. Si elles ont besoin d’en parler, elles peuvent aller la voir.”
Le couple franchira de son côté une première étape pour se reconstruire au début du mois de mars, avec l’aide de professionnels d’une association.
Pierre confie :
« Je passe de plus en plus de temps au travail pour ne pas y penser. Je dors aussi très mal depuis le mois d’octobre ».
Une profonde souffrance que seuls le temps et l’amour d’une famille pourront un jour gommer.
*prénoms d’emprunt
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