Châteaubriant | 20 ans après les faits, le violeur de petits garçons part en prison

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Une « erreur totalement funeste » d’un juge d’instruction
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Il aurait trois victimes à son actif. Un homme du Pays de Châteaubriant (Loire-Atlantique) a été condamné, 20 ans après le viol régulier d’un petit garçon dont il avait la garde.

La cour criminelle de Loire-Atlantique a prononcé ce mercredi 4 novembre 2020 dix ans de réclusion criminelle à l’encontre d’un homme qui avait violé à de nombreuses reprises le fils de ses voisins, dans une commune proche de Châteaubriant, entre 1995 et 1999.

L’homme, qui avait lui-même été violé dans son enfance et qui comparaissait libre sous contrôle judiciaire, devra aussi s’astreindre à un suivi socio-judiciaire de cinq ans après sa sortie de prison.

La victime, qui était à l’époque en CM2, considérait à l’époque l’accusé comme son « grand frère de coeur » : sa mère le confiait régulièrement à ses voisins pour le garder quand elle partait travailler.

Une plainte… 18 ans après les faits

L’enfant a en réalité subi des fellations et sodomies « innombrables », « quasi-quotidiennes », dans la maison « d’une saleté repoussante » de ces voisins « alcooliques » qui « se battaient pour la dernière goutte de pastis ». L’accusé « l’amadouait » pour cela en lui promettant « des cigarettes », « de l’argent » ou « des tours en mobylette ». Il le conditionnait aussi en lui faisant regarder des films pornographiques et en lui faisant croire que c’était « normal ».

Par la suite, l’enfant avait connu une « dégringolade » de ses résultats scolaires au collège et s’est réfugié depuis dans une importante consommation de cannabis « pour oublier ». Cet artisan a « laissé couler » son entreprise au fil des ans et a aussi « perdu » sa maison dans cette histoire, a-t-il été dit au cours des deux jours de procès.

Persuadé que ses propres parents ne lui accorderaient que « peu de crédit », il n’en avait jamais parlé à personne… sauf à son épouse. Celle-ci l’avait incité à porter plainte, en novembre 2014, dix-huit ans après. Son agresseur avait finalement été placé en garde-à-vue et mis en examen quatre ans plus tard, en janvier 2018.

L’erreur grave d’un juge d’instruction

L’enquête a permis d’établir que le jeune garçon n’était en fait pas la seule victime : un autre homme, âgé aujourd’hui de 38 ans, avait porté plainte en 2007 contre lui pour des faits similaires.

Cette deuxième victime avait par exemple été contrainte de lui faire des fellations, un jour où elle pêchait à l’étang de la Gare, à Rougé : l’accusé lui avait « mis son sexe dans la bouche » et lui avait « attrapé la tête » pour le forcer. D’autres faits similaires s’étaient produits dans le pigeonnier de la ferme familiale de l’accusé.

Selon l’avocate générale, une « erreur totalement funeste » d’un juge d’instruction – qui avait proposé de « correctionnaliser » ces faits en « agression sexuelle » pour être jugés plus vite par un tribunal correctionnel – a été fatale pour sa plainte : il n’y a finalement pas pu avoir de procès, les faits étant désormais prescrits.

Trois victimes identifiées

En attendant, le jeune homme a développé depuis « une haine contre les gens qui cassent les petits » : un jour qu’il avait recroisé son agresseur « à un concours de palets », il l’avait menacé de le « mettre dans un bain d’acide »… Pis, une troisième victime a également été identifiée et avait été victime des mêmes aléas judiciaires.

L’avocate générale s’est donc dite ce mercredi 5 novembre 2020 « désolée » et « confuse », au cours de ces deux jours de procès, de la longueur « pas normale » de la procédure.

« Des victimes comme celles-ci, il y en a des dizaines en France : la pédophilie est un phénomène absolument massif et dramatique »,

avait d’emblée rappelé la magistrate, dans un réquisitoire magistral.

Des enfants souvent pas crus par les adultes

« C’est un fléau de santé publique complètement ignoré : il diminue de dix ans l’espérance de vie des victimes, et il entraîne souvent des conduites addictives… Les médecins pourraient simplement poser la question, mais non, il ne se passe rien », a-t-elle déploré.

« On attend toujours une véritable prise en charge, sérieuse, sur le territoire. »

Selon elle, les associations de protection de l’enfance disent ainsi « recevoir des courriers » de « prédateurs sexuels pas actifs » à leur sortie de prison : ils ont « peur de craquer » dès qu’ils croiseront une victime potentielle…

Les familles de victimes ne sont pas non plus exemptes de tout reproche dans ce « phénomène sériel », puisque « la moitié » des parents ont « une réaction négative » quand ils apprennent les faits : ils ne croient pas leur enfant ou lui demandent de se taire.

« Au drame du crime, s’ajoute le drame du silence », s’est désolée l’avocate générale.

12 ans de prison requis

La magistrate n’a pas non plus épargné sa propre institution : les victimes évoluent dans « un quasi-désert judiciaire » puisque seules « 14 % » des plaintes pour agressions sexuelles font l’objet de procès. Et ceux-ci donnent lieu à seulement « 45 % » de condamnations, selon les chiffres que la magistrate du parquet a cités.

« L’affaire d’Outreau [scandale judicaire où les enfants reconnus victimes était dans le box des accusés] a fait des ravages : désormais, la parole de l’enfant est mise en doute »,

a expliqué l’avocate générale, avant de requérir douze ans de réclusion criminelle à l’égard de l’accusé.

Peut-être 20 000 € de dommages et intérêts

L’épouse de la victime est donc la véritable « héroïne de cette procédure », selon elle. « Nous vous devons beaucoup… Merci madame », a donc dit l’avocate générale, droit dans les yeux de l’intéressée. La magistrate a aussi demandé à son mari de faire savoir aux deux autres garçons victimes s’il en avait l’occasion, que « la justice les croit » en dépit de la prescription des faits qu’ils avaient dénoncés.

La cour criminelle de Loire-Atlantique se prononcera désormais le 30 novembre 2020 sur le montant des dommages et intérêts que l’accusé devra verser à sa seule victime officielle, d’un point de vue judiciaire. Les juges pourraient ordonner une expertise, dans un premier temps, pour évaluer tous ses préjudices scolaires et professionnels. L’avocate de la partie civile a d’ores et déjà réclamé une première provision de 20.000 €.

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