Casablanca | Accusé de viol par des réfugiés mineurs, un prêtre fugue

oui

Pédocriminel En liberté

la fragilité du migrant exigeait la co-habitation et une surveillance “jour et nuit”
Un prêtre accusé de pédophilie en fuite. Six victimes abandonnées à leur sort. Des silences et des compromissions. ENASS.ma, crève l’abcès et lève le voile sur un système de pédophilie, et d’abus sexuels au sein du Service d’hébergement d’urgence des personnes migrantes à Casablanca. Révélations.

Le 5 juillet 2024, l’archevêque de Rabat Christobal Cardinal Lopez Romero, publie un communiqué. Le chef de l’église catholique au Maroc informe les fidèles que :

« Des personnes m’ont alerté sur le comportement du Père Antoine Exelmans au service des jeunes migrants, laissant entendre qu’il pourrait y avoir des abus sur des personnes fragiles »,

Peut-on lire dans ce document reçu par ENASS.ma.

Le dépôt d’une plainte auprès du Parquet de la Cour d’appel de Casablanca, le 24 mai 2024 a été le coup d’arrêt d’un système d’exploitation sexuelle, mis en place par ce « prête-sauveur » à l’encontre de migrants et réfugiés mineurs au sein de son service d’urgence, durant au moins quatre ans.

Et c’est à ce moment précis que l’affaire éclate au grand jour.

Une victime d’abus sexuels

Nous sommes le 30 octobre à Casablanca, Ahmed* est un demandeur d’asile âgé de 17 ans. Il se cache pour survivre. Casquette sur la tête, il est camouflé dans son capuchon. Ce jeune homme originaire de Guinée Conakry, serait parmi les six victimes présumées du Père Antoine.

« Ce dernier entretenait des relations sexuelles régulières avec ce mineur et ce durant des mois. C’était sa dernière victime, avant son départ en France, son pays d’origine », confirme notre source. Et d’ajouter : « C’était le premier à avoir tout dit. Il s’est effondré en larmes la première fois ».

Ahmed refuse de nous parler. Depuis l’éclatement de l’affaire, il refuse de parler à toute personne des faits qu’il subissait. Il a décliné toute proposition de suivi psychologique. C’est un jeune homme blasé par la vie, bloqué aujourd’hui à Casablanca, où il survit entre petits boulots et les maigres aides qu’il reçoit du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) à Rabat.

Les autres victimes qu’on ne peut localiser sont entre Casablanca et Rabat. Ils partagent assurément leurs blues et leur déception. Ils se murent dans le silence.

Cinq victimes identifiées par ENASS.ma sont de nationalités guinéennes et le sixième est de nationalité camerounaise.

Toutes ces victimes présumées, ont subi des abus alors qu’elles étaient mineures.

Selon des informations obtenues par ENASS.ma, trois des six victimes ont été entendues par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) à Casablanca.

Comment le père Antoine dont la réputation est celle d’un humanitaire convaincu s’est transformé en prédateur sexuel ?

Le système « Père Antoine »

Tout commence en septembre 2021.

Le père Antoine Exelmans, quitte la paroisse d’Oujda pour celle de Casablanca. Dans l’Oriental, il avait déjà passé six ans, de 2016 à 2022. Il arrive avec une réputation solide, celle d’être « Monsieur Migrants », décrit un acteur associatif qui l’a connu de près, au sein de l’Eglise au Maroc.

En 2020, il reçoit le Prix d’Aix-la-Chapelle pour la paix.

« Ce prix pour la paix est décerné tous les ans depuis 1988 à deux femmes, hommes ou groupes qui se battent contre les injustices et pour la paix, montrant du courage en prenant des risques élevés »,

Décrivent les organisateurs de cette ville française. Il est aussi promu la même année comme Vicaire Général à l’archevêché de Rabat.

Père Antoine c’est aussi un caractère bien trempé et un homme qui impose son charisme et ses positions. Entre 2020 et 2022, il obtient la fermeture des services sociaux gérés par l’église, Tanger Accueil Migrants (TAM), Centre Accueil Migrants (CAM) à Rabat et Service accueil Migrants (SAM) à Casablanca. L’église se sépare du personnel et sur avis du père Antoine, l’église gère en interne et avec des bénévoles ce service social destiné principalement aux migrants et réfugiés de passage, ou résidents à Casablanca, Tanger et Rabat.

« Père Antoine voulait tout gérer, lui-même », confie un acteur associatif qui a vécu cette période.

Au passage, les quelques règles existantes en matière de protection et de suivi des mineurs accueillis, disparaissent. C’est désormais le père Antoine qui décide de tout.

Des démarches administratives jusqu’au suivi psychiatrique, le « père-sauveur » est sur tous les fronts.

Dans un texte datant du 3 novembre 2021, il écrit à sa paroisse de Saint Augustin à Rennes :

« J’accompagne de manière spécifique à Casablanca 4 jeunes qui sont venus de Oujda pour habiter avec moi au presbytère de Casablanca, compte tenu de leur extrême fragilité (situation de stress post traumatique avec somatisations handicapantes pour reprendre une vie normale, dépression, stress… bref un besoin d’attention jour et nuit) ».

Le mot est dit : « jour et nuit ». Que signifie accompagner des jeunes « d’une extrême fragilité » et les « faire habiter avec moi » ? Certes ces déclarations du prêtre ne peuvent être incriminantes à elles seules…Mais des victimes révèlent les pratiques « du jour et de nuit ».

Selon les témoignages recueillis par ENASS.ma, le « système Père Antoine » visait les mineurs, les plus fragiles. Il cherchait de manière systématique à isoler ces mineurs. Il voulait tout contrôler.

« À chaque fois qu’il accompagnait un jeune refugié à l’association, il refusait que je fasse la séance d’écoute seule avec lui. Père Antoine tenait à chaque fois à être présent. Une fois j’ai exigé de rencontrer le migrant seul, sans la présence de père Antoine. Ma demande a suscité sa colère. A contrecœur, il s’est résigné à me laisser seul avec le migrant. Mais c’était difficile à obtenir »,

Raconte une source qui l’a côtoyé de près durant des années.

Ce prêtre « à l’engagement infaillible » se proposait d’offrir un suivi « personnalisé ».

Certains migrants mineurs blessés étaient accueillis dans son logement au presbytère de Casablanca. Il justifiait cette pratique « par l’état de santé fragile du migrant ».

La victime pouvait passer plusieurs jours seule avec lui.

« Les abus pouvaient être des attouchements, le déshabillement de la victime jusqu’à la relation sexuelle avec pénétration. Certaines victimes refusaient, d’autres cédaient à ses tentatives répétés »,

Révèle une source qui a recueilli les témoignages de certaines victimes.

Interrogations sur l’exploitation de la santé mentale

Le père portait une attention particulière à la santé mentale de ses « victimes ».

Selon nos informations recoupées auprès de plusieurs sources, père Antoine tenait à chaque fois à obtenir un traitement médicamenteux psychiatrique pour ses victimes. Au départ, ces traitements étaient obtenus auprès du Service des maladies psychiatriques.

Après plusieurs années de ces pratiques, en 2023 le service psychiatrique a commencé à refuser de délivrer des ordonnances au père Antoine. Par la suite, le père Antoine se tourne vers une psychiatre qui venait de fonder une association d’aide humanitaire. La psychiatre faisait entièrement confiance au « père-sauveur » et lui délivrera des ordonnances pour ses victimes.

A quoi servaient ces ordonnances et ces traitements durant des années ? C’est ici que l’affaire se transforme d’ abus sexuel vers une probable affaire de traite des êtres humains.

Le père Antoine aurait encouragé ses victimes à prendre ces traitements pour lutter contre ce que lui-même appelait des « situations de stress post traumatique, dépression, stress ».

Quelles étaient les conséquences de ces traitements sur les victimes ? Combien de victimes ont pris ces traitements ? Des questions qui demeurent sans réponses pour l’instant.

L’enquête en cours, ouverte par le Parquet de Casablanca, depuis mai 2024, pourrait apporter plus de réponses sur les ramifications du système de père Antoine…Ce dernier a pourtant pris la fuite.

Un départ peu « catholique »

Père Antoine Exelmans a pris la fuite dimanche 16 juin 2024, la veille de l’Aid El Kebir. Le début de l’enquête judiciaire à son encontre a accéléré son départ. Qui l’a informé de cette enquête? qui pourtant est sous le secret d’instruction psychiatrique? Le mystère demeure entier.

Une deuxième source associative confirme son exfiltration :

« Dès le moment, où nous avions eu écho du dépôt de la plainte, nous avons contacté officiellement l’archevêque de Rabat pour en savoir plus. C’était le refus en bloc. A Rabat, ils faisaient mine de ne rien savoir », confie cet acteur associatif.

Officiellement selon l’archevêché de Rabat, père Antoine était « épuisé » et aurait « fait un burn out professionnel et il est parti en France pour se reposer », selon la version reçue par une source associative.

L’acteur associatif réfute cette version :

« Quelques jour après son départ la paroisse de Casablanca nous avait dit qu’il était en vacances. Pour moi, c’est une exfiltration pour échapper à toute poursuite judiciaire au Maroc ».

Selon nos informations, sa mission au Maroc ne devait se terminer qu’en juillet 2025. Il quitta le Maroc de manière précipitée pour échapper à la justice, laissant derrière lui plusieurs victimes…

ENASS.ma a pris contact avec le responsable de la Paroisse de Casablanca, Père André Keumaleu, a refusé de commenter cette affaire et nous a invité à « prendre contact avec Rabat ».

Face à notre insistance, le responsable de l’église à Casablanca s’est montré irrité par nos questions. L’affaire est sensible et l’église continue à en parler au compte-goutte.

Le père confirme la fermeture du Service d’accueil d’urgence géré par le Père Antoine…

A suivre.

NOTE DE LA REDACTION : ENASS.ma a reçu depuis début 2025 des informations sur les cas d’abus au sein de la paroisse de Casablanca. Nous avons fait le choix de respecter le secret de l’instruction. Entre temps, nous avons récolté un témoignage et plusieurs données pour pouvoir avancer dans cette enquête, des faits recoupés auprès de plusieurs sources. Notre média respecte la présomption d’innocence. Nous avons fait parvenir des questions à Père Antoine Exelmans et à l’archevêque de Rabat Christobal Cardinal Lopez Romero. En cas de réponse, nous les publierons. L’enquête ne fait que commencer…

Source(s):