Berne | Le pédophile a profité d’un énorme couac
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 25/07/2016
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La police bernoise a mis un an et demi à interpeller l’enseignant accusé de filmer et de caresser la langue de fillettes, alors qu’une plainte était pendante.
Elle présente ses excuses aux victimes.
C’est un invraisemblable couac qui a permis au pédophile de Bussigny (VD) de continuer à sévir auprès de fillettes âgées de 3 à 11 ans en 2015. Cet enseignant, âgé de 42 ans, a été arrêté début mai par la police bernoise, encadrée par des agents vaudois («Le Matin Dimanche» du 10 juillet 2016).
Mais il aurait dû être appréhendé bien plus tôt, soit dès le dépôt d’une plainte pénale le concernant, fin novembre 2014. Pendant un an et demi, l’homme a bénéficié d’un manquement inouï des forces de l’ordre bernoises. Celles-ci présentent leurs excuses aux victimes, dont la marge de manoeuvre sera mince pour exiger réparation.
Le prévenu a oeuvré dès 2011 durant cinq ans principalement dans le canton de Vaud. A son domicile de Bussigny, les enquêteurs ont mis la main sur une centaine de films douteux, dans lesquels on voit de petites filles tirer la langue à la caméra de son smartphone.
Dans une dizaine de cas, le prévenu caressait leur langue avec ses doigts ou avec sa propre langue. Il utilisait ensuite les vidéos pour se satisfaire sexuellement. Fin novembre 2014, l’homme embrassa une enfant de 6 ans dans un hôtel du canton de Berne. La fillette s’en est ouverte à ses parents, qui ont immédiatement porté plainte.
Mais alors que l’auteur des faits aurait dû être arrêté dans la foulée, il n’en a rien été.
«Suite à ce dépôt de plainte, des premières mesures d’enquête ont été entreprises par la police cantonale bernoise. Le suivi du dossier, impliquant notamment sa transmission entre différents services de la police cantonale bernoise et la coordination des actes procéduraux dans plusieurs cantons, n’a pas été traité avec la priorité nécessaire et le soin habituel en raison d’absences diverses et d’une charge de travail élevée», avoue son porte-parole, Nicolas Kessler, avec une franchise qu’il faut saluer.
«A partir du moment où les priorités ont été ajustées, le procureur chargé de la procédure a été contacté et des mesures supplémentaires – qui ont conduit peu après à l’interpellation du prévenu – ont été mises en place.»
Et de faire son mea culpa:
«La police cantonale bernoise assume sa part de responsabilités et pré- sente ses excuses à toutes les personnes concernées par cette affaire.»
Le procureur vaudois qui a hérité du dossier ne souhaite pas commenter ces manquements.
Sébastien Fetter confirme néanmoins que dès «la transmission du dossier dans le canton de Vaud par le Ministère public bernois, les délais ont été relativement brefs».
C’est donc bien les forces de l’ordre bernoises qui ont fauté, avec pour résultat de laisser un pédophile dans la nature pendant un an et demi. Pour quelles conséquences?
Le communiqué de la police vaudoise, publié le 4 juillet, indique que le prévenu a officié durant l’année 2015, soit celle où il aurait dû être en prison. Il existe donc bien des jeunes victimes qui n’auraient pas dû l’être.
«Il y a 2-3 films de fillettes de cette période, mais aucun attouchement, concède Sébastien Fetter. Ce qui paraît néanmoins marginal en regard de l’entier de son activité délictueuse.»
Certes, mais dans les milieux de la défense des enfants, cela ne passe pas.
«Il est catastrophique qu’à cause d’un manque de personnel et d’une coordination défectueuse de divers services cet individu ait pu abuser sans obstacle d’autres fillettes», s’insurge Yvonne Feri, conseillère nationale (PS/AG) et présidente de Protection de l’enfance.
L’élue préconise une meilleure réglementation en matière de coordination entre les autorités cantonales.
Réparation compliquée
Les victimes de 2015 peuvent-elles exiger des dédommagements? Oui, mais les chances de succès sont minces, selon Me Véronique Fontana.
«Il sera compliqué de démontrer que la police a violé une norme, explique l’avocate lausannoise, et qu’il existe un lien de causalité entre l’inaction de la police et la commission de nouvelles infractions du même type.»
En cas de responsabilité établie, l’Etat pourrait se retourner contre l’un des fonctionnaires fautifs. Cela s’est déjà vu.
«On dira donc que tout au plus la première famille victime de ce délinquant (celle qui a saisi la justice fin 2014, ndlr) pourrait se plaindre éventuellement d’un déni de justice de la part de la police qui n’a pas traité sa dénonciation dans des délais normaux», précise l’avocate.
En revanche, elle doute que les victimes de 2015 puissent en faire de même: le déni de justice, qui est central pour établir la responsabilité de l’Etat, n’est ici pas évident au regard de la loi.
Source : http://www.pressreader.com/
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