Bègles | Vincent Terrasson pédocriminel multirécidiviste condamné à 10 ans de prison

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“Notre fils l’a échappé belle, mais pas les autres”
Les parents de Théo, 10 ans, ont porté plainte contre un pédocriminel récidiviste qui tentait de rencontrer leur fils en Gironde. Malgré la plainte, l’homme a continué de sévir.

Théo*, 10 ans, a failli tomber dans les griffes d’un pédocriminel multirécidiviste.

Vincent Terrasson, un Béglais de 34 ans condamné à trois reprises pour de multiples actes pédocriminels, est soupçonné d’avoir rodé sur le jeu vidéo en ligne Fortnite pour rentrer en contact avec des enfants.

C’est par ce biais qu’il aurait peu à peu gagné la confiance du petit Théo, allant jusqu’à lui proposer un rendez-vous dans Bordeaux.

Si les parents du petit garçon ont pu éviter le pire de justesse, leur plainte déposée début 2022 a malheureusement été classée sans suite.

Aujourd’hui, Vincent Terrasson est poursuivi pour plusieurs faits de voyeurisme et d’agressions sexuelles.

Des actes qu’il aurait commis après la plainte déposée par les parents de Théo – même si le Béglais reste, à l’heure actuelle, présumé innocent dans cette nouvelle affaire.

Un nouveau copain sur Fortnite Delphine* et Pierre*, les parents de Théo, semblent toujours sous le choc.

À la terrasse du café où nous les avons rencontrés, ils étalent des captures d’écrans de discussions Snapchat.

Ce sont les échanges que leur fils a entretenus pendant plusieurs jours avec celui qu’ils pensaient être « son nouveau copain de 15 ans, rencontré sur Fortnite ».

Le jeu vidéo très prisé des adolescents permet de jouer en ligne avec des inconnus.

En janvier 2022, après une partie, Théo reçoit une demande d’invitation d’un des joueurs.

Son pseudo : La tornade du 33.

« Notre fils nous en a parlé, il nous a dit qu’il s’était fait un nouveau copain qui était vraiment très gentil », explique Delphine.

Rapidement, les deux joueurs s’ajoutent sur Snapchat, où ils discutent régulièrement.

Jusqu’à ce que Vinc Vinc, comme il se surnomme sur l’appli, propose à Théo une rencontre.

Le petit en parle innocemment à ses parents, qui tiquent :

« Ça nous a paru étrange, d’autant que notre fils ne jurait plus que par lui depuis une semaine, ce qui ne lui ressemble pas. »

Proposition de rendez-vous Pierre décide alors de prendre le relais de la discussion et se fait passer pour son enfant.

Rapidement, Vinc Vinc explique qu’il a en fait 30 ans et confirme qu’il connaît l’âge de Théo.

« Il proposait de prendre le bus pour le rencontrer à Bordeaux et lui payer une séance de cinéma, sans rien dire à sa mère », explique Pierre.

Les parents fouillent alors le profil du joueur et tombent rapidement sur son nom.

En le tapant sur Google ils découvrent, atterrés, qu’il semble s’agir d’un pédocriminel multirécidiviste.

Vincent Terrasson avait été condamné en 2009 à trois ans de prison avec sursis pour une agression sexuelle commise quand il avait 15 ans et pour détention et diffusion d’images pédopornographiques.

En 2013, il a été condamné à trois ans de prison pour détention et diffusion d’images pédopornographiques et pour instigation à la corruption de mineur (il a tenté d’obtenir des images ou propos à caractère sexuels sans y parvenir).

Et en 2018, des faits similaires lui ont valu une peine de six ans de prison ferme.

Plus de 150 000 fichiers pédopornographiques avaient été retrouvés dans ses téléphones et ordinateurs.

Il a finalement purgé sa peine en deux ans et demi et il est soupçonné d’avoir récidivé dès sa sortie, en septembre 2021.

Leur plainte classée sans suite

En découvrant les condamnations de l’interlocuteur présumé de leur fils, Delphine et Pierre décident immédiatement d’aller porter plainte.

Mais ce que Théo a évité de justesse va les empêcher d’être entendus par la justice.

La plainte des parents girondins est déposée pour « tentative de corruption de mineur », un chef d’inculpation qui se caractérise généralement par une tentative d’incitation à avoir un comportement sexualisé.

Le hic – et heureusement pour Théo – c’est que l’interlocuteur de leur fils n’a vraisemblablement pas échangé de message à caractère sexuel avec lui.

« Techniquement, son comportement ne fait donc pas preuve d’une quelconque infraction pédocriminelle », soupire l’avocate Sophie Benayoun, qui conseille les parents de Théo et accompagne d’autres victimes potentielles de Vincent Terrasson.

« Il s’agit clairement d’un vide juridique, souligne Me Benayoun, et il faut faire évoluer la loi : les personnes majeures ne devraient pas avoir le droit de proposer de rendez-vous à des mineurs qu’ils ne connaissent pas. »

L’absence de chef d’inculpation poussera le tribunal à classer la plainte sans suite début 2023, un an après son dépôt.

Pourtant, les peines auxquelles le Béglais avait été condamné étaient assorties d’un suivi sociojudiciaire, qui incluait une interdiction d’entrer en contact avec des mineurs.

Ce qui n’a rien changé.

Il aura fallu un signalement du FBI pour que la justice enclenche une nouvelle enquête.

Poursuivi pour deux nouvelles agressions sexuelles

En mai 2023, l’Ofmin (pour Office mineurs), qui lutte contre les violences faites aux mineurs, reçoit ce signalement provenant des autorités américaines.

Le FBI a observé les activités d’un internaute, Vincent Terrasson en l’occurence, qui indiquait sur un site pédocriminel « être le père d’un garçon de huit ans et avoir touché le sexe de ce dernier ».

Une enquête est alors ouverte, le Béglais est interpellé le 19 septembre 2023 et une perquisition est effectuée à son domicile.

Au-delà des milliers de fichiers pédopornographiques découverts, les autorités françaises réalisent qu’il pourrait avoir commis des agressions sexuelles et du voyeurisme sur des enfants.

Mais comment est-il entré en contact avec eux, alors même qu’il en a l’interdiction ?

En fait, Vincent Terrasson s’est d’abord immiscé dans la vie d’une mère célibataire, après qu’elle ait demandé de l’aide technique sur un groupe Facebook dédié à Fortnite.

Une fois qu’il est parvenu à se rapprocher d’elle, il est soupçonné d’avoir agressé sexuellement son fils à plusieurs reprises ainsi qu’un camarade qui venait dormir chez lui.

Sur la même période, c’est-à-dire après le dépôt de plainte des parents de Théo, le Bordelais s’est aussi immiscé dans une autre famille du nord de la France, parvenant à se faire inviter à un baptême où il passe alors plusieurs jours.

Deux agressions sexuelles retenues contre lui

Il faut dire que le Girondin est rodé à l’exercice : il aurait « donné des conseils de techniques pour approcher les enfants » à son ancien co-détenu, Dorian Laroche, ensuite tristement connu comme le « babysitter de Bordeaux ».

Vincent Terrasson est aujourd’hui poursuivi pour « consultation habituelle d’un service de communication en ligne mettant à disposition l’image ou la représentation pornographique d’un mineur », « détention et diffusion » d’images pédopornographiques en récidive, ainsi que pour « agression sexuelle » sur deux enfants de 9 ans et « voyeurisme », sur eux et deux autres mineurs.

Me Benayoun, qui défendra deux familles de victimes lors du procès, regrette « la défaillance de la justice » dans cette affaire.

D’autres victimes potentielles restent à identifier

Les parents du petit Théo, de leur côté, restent sans voix :

« Notre fils l’a échappé belle, mais pas les autres. Si la justice nous avait écoutés, on aurait pu éviter qu’il fasse de nouvelles victimes. »

Delphine et Pierre veulent inciter les familles à surveiller les contacts de leurs enfants sur les jeux vidéos en ligne, terrain de nombreux prédateurs.

« Les parents se disent souvent que leurs enfants sont en sécurité dès lors qu’ils sont à la maison, mais c’est faux, insiste Me Benayoun. C’est simple : les pédocriminels sont partout où il y a des enfants. »

D’autres victimes potentielles de Vincent Terrasson, visibles sur des images retrouvées dans ses ordinateurs et téléphones, restent non-identifiées.

L’association Innocence en danger s’est constituée partie civile pour les défendre le jour de son procès, qui se tiendra le 13 novembre 2024 au tribunal de Bordeaux.

Le procès

Ce mercredi 13 novembre, Vincent Terrasson, un pédocriminel multi-récidiviste de Bègles de 34 ans a été condamné à 10 ans de prison ferme pour des téléchargements de milliers d’images pédopornographiques et pour les agressions sexuelles de deux petits garçons rencontrés via le jeu en réseau Fortnite.

Il avait été repéré par le FBI

La présidente Morgane Dumy débute par l’examen du casier judiciaire du prévenu.

« Cela donne une couleur particulière à ce dossier », prévient-elle.

Dans le box, une feuille de papier et un crayon en main, Vincent Terrasson, fines lunettes en métal sur le nez, écoute religieusement avant de prendre des notes.

Cet homme de 34 ans, originaire de Niort et installé depuis 2021 en Gironde, à Bègles, est un multirécidiviste de délits sexuels impliquant des enfants, déjà condamné à trois reprises.

Il est poursuivi pour de nouveaux téléchargements de milliers d’images pédopornographiques sur le web, des agressions sexuelles sur deux petits garçons de 9 ans et du voyeurisme sur les mêmes enfants, entre octobre 2021 et septembre 2023.

Il a replongé quelques semaines après sa sortie de prison.

Il se construit « une légende »

Il a commencé par se « construire une légende » sur des sites et forums pédocriminels.

Sous le pseudo Dadboyfr, ce célibataire sans enfant y racontait être le père d’un garçon de 8 ans dont il abusait.

En mai 2023, son activité est repérée par le FBI, qui alerte les autorités françaises.

Quatre mois plus tard, il est interpellé.

Sur son ordinateur et ses téléphones, sont découverts des milliers de contenus pédopornographiques.

« Ça se téléchargeait automatiquement, c’est du téléchargement de masse, expose-t-il, regardant ses notes. Tout ça, je le regrette, j’en ai honte. Mais c’était plus fort que moi. Quand je téléchargeais, je n’étais plus la même personne. J’en pleurais. »

L’enquête révèle qu’il ne s’est pas contenté de téléchargements mais a aussi rencontré des enfants, alors que ses précédentes condamnations le lui interdisaient.

Quand il ne travaillait pas comme caissier chez un grossiste, Vincent Terrasson passait des heures sur Internet, notamment sur le jeu vidéo en ligne Fortnite.

« Je ne l’ai pas utilisé pour voir des mineurs, mais pour rencontrer des gens, avance-t-il. J’ai besoin d’une vie sociale. »

C’est pourtant par ce biais qu’il fait la connaissance de deux mères célibataires, l’une en Vendée, l’autre dans le Nord de la France, en 2022.

Chacune joue avec ses enfants à Fortnite et a posté, sur des forums dédiés au jeu, des messages auxquels il répond.

« C’était son mode opératoire », pense Me Antoine Mathias, avocat de familles de petits garçons, parties civiles.

« Il entre dans la vie de ces familles qui présentent certaines fragilités et en profite pour approcher des mineurs », plaide l’avocat qui relève « des défaillances dans le suivi du prévenu ».

« Ça fait dix ans qu’il suit des soins, et rien n’a changé », tempête-t-il.

« Besoin de rencontrer des gens »

En 2022, Vincent Terrasson est invité en Vendée et s’y rend à plusieurs reprises.

À chaque fois, il dort dans la chambre du fils de 9 ans qui confiera, par la suite, avoir subi des attouchements.

Idem pour l’un de ses camarades.

Sur le téléphone du prévenu, des vidéos des deux enfants en train de se changer dans les vestiaires d’une piscine ont été retrouvées.

« Ça, je le reconnais, mais pas les agressions, se défend le prévenu. Je ne vais pas avouer quelque chose que je n’ai pas fait. »

Après la Vendée, il va dans le Nord, y compris pour un baptême.

Toujours en violation de son suivi sociojudiciaire.

« Il flirte avec la limite », alerte alors son conseiller d’insertion et de probation.

« Pourquoi ne respectez-vous pas l’interdit ? Pourquoi ça ne marche pas avec vous ? », l’interroge la présidente.

« J’avais besoin de rencontrer des gens », répète le prévenu.

« Il entre dans la vie de ces familles qui présentent certaines fragilités et en profite pour approcher des mineurs »

Depuis son arrestation, il est « en couple » avec la mère de famille du Nord.

Présente à l’audience, elle lui fait « toute confiance ».

Ses enfants ont été placés chez leur père, par la justice.

« On s’aime, on s’est pacsés », explique Vincent Terrasson qui s’imagine « une nouvelle vie », après avoir « connu le harcèlement à l’école, la grossophobie, la solitude ».

« Perversité structurale »

Ses multiples récidives, il les justifie par des agressions et viols qu’il aurait lui-même subis dans son enfance.

Il a déposé une première plainte en 2012, classée sans suite, et une seconde plus récemment, toujours à l’étude.

« Le discours que je sens se mettre en place est celui de : ‘‘C’est pas de ma faute.’’ Les enfants que je représente méritent mieux qu’un lâche », assène l’avocate de l’association La Mouette, Me Marie Pommies-Courbu, partie civile.

« Perversité structurale », « attitude manipulatoire », « appétence pédophilique visant les garçons » et « risque de récidive élevé » sont soulignés par l’expertise psychiatrique du prévenu.

« Aujourd’hui encore, il démontre qu’il est incapable de retrouver une place dans la société, sans risque pour les enfants », enfonce le procureur Olivier Bonithon, avant de requérir huit ans de prison ferme.

Des réquisitions « très élevées » pour l’avocat de la défense, Me André-Pierre Vergé, qui n’a pas su convaincre le tribunal de les abaisser. Vincent Terrasson a été condamné à dix ans de prison ferme, dix ans de suivi sociojudiciaire et a été maintenu en détention.

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