Auxerre | Un gérant de salle de sport écope de trois ans de prison

non

Soixante-dix témoignages versés en pièces à l’affaire
Après des heures d’audience, ce lundi 9 décembre, le procureur de la République d’Auxerre a requis trois ans de prison, dont deux assortis d’un sursis probatoire à l’encontre d’un coach sportif, gérant d’une salle à Auxerre.

Ce trentenaire est accusé par deux femmes, dont une mineure, d’agressions sexuelles.

Il dit être victime d’un complot. La décision sera rendue le 20 décembre.

“J’étais plutôt quelqu’un de solaire. Je me suis renfermée sur moi-même.”

À la barre, la voix de Julie*, 31 ans, peine à briser le silence pesant de la salle d’audience.

Ses phrases sont entrecoupées de sanglots.

“À la base, je suis une grande solitaire. Et là, je ne fais plus rien seule. J’ai beaucoup de mal à m’habiller, à me maquiller.”

Elle répond lentement aux questions du président du tribunal avant de finalement s’effondrer en larmes, soutenu par son avocat Maître Grigis.

Pour Zoë*, 16 ans, la peine est la même et la douleur semble immense. Toute de noir vêtue, comme l’autre victime, elle décrit les gestes du prévenu.

“La première fois, il m’a touché les fesses dans la salle de détente où il n’y a pas de caméra. Je me suis senti faible. Il m’a aussi dit que mon legging me faisait des belles fesses”, raconte la jeune fille cramponnée à son mouchoir humide, comme ses joues.

Ce lundi 9 décembre 2024, un coach sportif, gérant d’une salle à Auxerre, comparaissait devant le tribunal pour “agression sexuelle” et “agression sexuelle sur une mineure de plus de 15 ans”.

Les faits s’étaleraient d’après les deux victimes sur une période allant d’avril à mai 2024 pour la première et de décembre 2023 à mai 2024 pour la seconde.

Déjà convoqué en novembre, l’audience avait été reportée pour des raisons de surcharge d’emploi du temps de la juridiction.

Après 6 h d’audience, après avoir écouté le prévenu, son avocat, les victimes, leur avocat et le procureur, le président, Thomas Grégoire, a décidé de mettre en délibéré la décision au 20 décembre 2024.

Le procureur a requis contre le trentenaire trois ans d’emprisonnement assortis d’un sursis probatoire de deux ans.

La négation comme défense

La salle d’audience n°2 est pleine en ce lundi de décembre. La faible lumière qui se dégage des chandeliers électriques place l’assemblée dans une ambiance jaunâtre qui ne fait qu’appuyer la noirceur des propos.

“Le diable se cache dans les détails. Ici, le diable ne se cache pas. Il affiche les détails pour mieux se cacher derrière”, abonde Maître Grigis, l’avocat des victimes.

Face aux juges, face au procureur et au conseil des deux femmes, l’homme ne se démonte pas. Il a réponse à toutes les questions.

“Quelle réaction avez vous eu quand vous avez eu connaissance des plaintes ?”, interroge le président, le regard fixe à travers ses lunettes rondes.

“Je nie l’intégralité des faits qui me sont reprochés”, articule le sportif face à lui.

Le prévenu réfute tout. Les accusations d’attouchements : les caresses sur les seins, les fesses.

Les gestes à caractères sexuelles : la simulation de cunnilingus, le doigt dans les mains de ses victimes.

Les propos. Tout.

“Tout est vidéosurveillé. Il n’y a pas d’angles morts. Ma femme est tout le temps là, les après-midis au moment des séances. Et il n’y a que des créneaux collectifs. Pas de coaching individuel”, appuie le gérant.

“Vous avez réponse à tout, c’est le propre des complotistes”, tâcle Me Grigis.

Pour le prévenu, tout cela ferait partie d’un coup monté de son ex-collaboratrice, propriétaire d’une salle de sport concurrente.

La complexité des pièces du dossier

“Le droit n’est pas le théâtre où se jouent des tragédies. Il faut des faits et pas des émotions sur-jouées”, lance Maître Connault, pour défendre son client.

Il oppose l’épaisseur d’un dossier charpenté aux larmes des victimes.

Soixante-dix témoignages ont été accumulés et versés en pièces à l’affaire.

Des dizaines d’écrits de clients de la salle pour disculper les présumées actes délictuels du prévenu.

‘”J’ai ce sentiment que toutes ces preuves, qu’on apporte, sont balayées d’un revers de la main, s’agace l’avocat. Chaque élément de ce dossier examiné froidement pointe l’innocence de mon client”.

Une thèse à laquelle ne souscrit pas le procureur. Lors de ses réquisitions, les premiers mots du magistrat du parquet ne vont pas au prévenu. Mais aux femmes. À toutes ces femmes victimes de violences et d’agressions sexuelles par-delà les murs du palais de justice.

“Le regard sur les victimes a changé. Il faut prendre en compte le courage et la force mentale des femmes qui viennent déposer plainte.”

Avant de poursuivre en s’adressant au président et à ses assesseures.

“Vous devrez prendre en considération… l’attitude lamentable de monsieur qui se place en honnête commerçant face à des folles. Je me demande ce qui peut se passer dans l’avenir s’il continue d’exercer”, insiste Hugues de Phily.

Le tribunal devra trancher en utilisant son intime conviction.

Doit-il se plier à la demande de la défense du coach sportif ? Ouvrir une information judiciaire et étoffer davantage le dossier.

Ou bien doit-il juger sur le fond du dossier ? Et prononcer une peine ou la relaxe comme le demande Maître Connault. Les juges se sont laissés dix jours pour y réfléchir.

*Les prénoms ont été modifiés.

Source

Source(s):