Aubes | 5 ans fermes pour agressions sexuelles sur ses triplés mineurs

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“Je suis un monstre”
Vendredi 7 juin, le tribunal correctionnel de Troyes a condamné à 5 ans de prison ferme et au retrait de l’autorité parentale, un Aubois de 58 ans pour plusieurs agressions sexuelles commises sur 4 de ses enfants.

En mars dernier, une révélation vient bouleverser le système tyrannique mis en place par Étienne*, un Aubois de 58 ans, un père de famille alcoolique, colé­rique, violent verbalement, physi­quement mais aussi sexuellemen­t.

Un système gardé secret dans le huis clos du domicile où une mère et ses triplés – une fille et deux gar­çons – vivent un enfer, privés de vie sociale, rabaissés quotidienne­ment et bien plus.

Jusqu’à ce qu’un jour, Antoine, 16 ans, craque de­vant un de ses amis qui, voulant les protéger, alerte la gendarmerie.

Et la révélation fait boule de neige.

Son frère, Jonathan, très affecté, parle à son tour des abus sexuels, puis sa sœur Ambre évoque une scène terrible, vers l’âge de 7 ans : sous forme de jeu, Étienne les a obligés à pratiquer des actes sexuels les uns sur les autres avant d’exiger de la petite qu’elle le fasse sur lui.

Hélène, la mère des triplés, sous emprise de cet homme depuis 17 ans, ouvre les yeux et dénonce les violences qu’elle a supportées durant toutes ces années.

L’enquête n’en reste pas là et s’intéresse aux trois autres enfants d’Étienne, nés d’une précé­dente union. Jade, 28 ans, porte plainte pour agression sexuelle.

Vendredi 7 juin, une ambiance très lourde pèse sur la salle d’audience du tribunal correctionnel de Troyes où le quinquagénaire est ju­gé.

Les victimes en attendent beaucoup.

Le prévenu est peu di­sert, Étienne finit toutefois par re­connaître, au moins à demi­-mot, l’ensemble des infractions repro­chées au fil de l’audience.

« Qu’est­-ce qui aurait été l’élément déclen­cheur ? »

Questionne la présidente du tribunal à propos de son com­portement déviant vis­-à­-vis des enfants.

« C’est l’alcool qui m’a ren­du un peu… »

Le prévenu marque une pause.

« Je ne sais pas comment l’expliquer. »

Me Malaussena, l’avocate des tri­plés, interroge à son tour :

« Est­-ce qu’on ne peut pas mettre ça en lien aussi avec ce que vous avez vécu”

(Il a lui­-même été victime de violences de la part de son père, NDLR)

« Je n’ai pas envie de parler de ce que j’ai vécu, s’il vous plaît »,

répond Étienne, la tête baissée.

« C’est quoi le sentiment qui vous anime ? »,

de­mande Me Betzler, espérant faire sortir son client de sa coquille.

« Je suis dégoûté, écoeuré de ce que j’ai fait, je veux demander pardon. »

Ambre fond en larmes.

Puis Jade, les yeux rougis par l’émotion, ra­conte :

« Étienne n’a jamais eu le rôle d’un père avec nous, encore moins avec les triplés, je n’ai aucun souvenir de moments heureux avec lui. »

Elle raconte qu’à 12 ans, elle s’est amusée à colorier les cheveux blancs du prévenu endormi, as­sommé par l’alcool.

« Il s’est réveillé, j’ai voulu sortir du lit mais il a mis tout son poids sur moi, je sens en­core son souffle dans mon oreille. »

Jade parvient à quitter la chambre et la journée reprend normale­ment « avec un père qui fait que pi­coler ».

« Il y a une part de moi qui aimerait pardonner, en même temps, j’ai en­vie de le détester et de tourner la page »,

témoigne à son tour Ambre (ses frères étaient absents à l’au­dience).

L’expertise psychologique montre une emprise du père sur la fille dont l’adolescente commence à prendre conscience.

« Il me disait que s’il avait le même âge que moi, je serais devenue sa petite copine. »

Puis, elle évoque sa vie maintenant qu’il n’est plus au domicile :

« J’ai fait ma première fois au restaurant, je suis allée à la piscine, je peux invi­ter des amis, j’apprends à connaître ma mère. »

Fragile, Hélène confie :

« J’ai perdu 12 kg en un mois, je n’arrive plus à manger ».

Un torrent de souffrance vient de s’abattre sur elle et la culpabilité l’envahit vis­-à­-vis de ses enfants :

« Ce sont eux qui m’ont sauvée, ce n’est pas moi qui les ai sauvés et je m’en veux parce que je n’ai rien vu »,

dit-­elle, en pleurs.

Elle confirme les coups, les in­sultes, cette fois où Étienne lui a mis un couteau sous la gorge.

« Quel bilan vous faites de toutes ces années ? »,

demande la présidente au prévenu.

« Je suis un monstre »,

lâche­-t­-il.

Me Betzler rappelle :

« On sait que dans les dossiers de viols d’enfants qu’on voit aux assises, sou­vent, cela s’explique par le fait qu’on va tellement mal soi­-même qu’on s’en prend au plus petit, c’est une fa­çon d’exister. Mais est­-ce qu’on ne vous en demande pas trop de réali­ser ça en deux mois ? »

Vient alors le moment des plaidoi­ries.

« Ma cliente a appris avec effroi qu’il a commis l’irréparable sur ses enfants, il fallait que le règne de la terreur s’arrête maintenant. On espère deux choses dans cette procédure : que les enfants ont tout dit et qu’ils vont pouvoir se reconstruire. »

déplore Me Toussaint, avocate d’Hélène.

Me Marti­ny, au soutien de Jade, cette « res­capée », cette « survivante », ex­prime un regret :

« On ne va pas le juger pour l’ensemble de son oeuvre. La prévention ne tient pas compte de la maman de Jade, ni de son frère ».

« On va vous dire que ça va trop vite, que les victimes auraient dû deman­der à passer à l’instruction. Je voulais que le dossier soit jugé aujourd’hui, il fal­lait que le règne de la terreur s’arrête maintenant, pas dans deux ou trois ans. »

Anticipe Me Malaussena.

Elle commente par ailleurs :

« Ce n’est pas parce qu’un enfant a été malheureux et martyrisé que ce­la justifie ce type de comportement. Sinon, on dit quoi à ces enfants, qu’eux aussi vont finir alcooliques et violents ? »

La substitut du procureur rebon­dit :« Aujourd’hui, vous avez à juger de faits criminels correctionnalisés », faisant notamment référence à cette « scène abjecte » décrite par Ambre.

« On interroge les autres en­fants et on se rend compte que la ter­reur est partout. »

Elle regrette le si­lence du prévenu et requiert 8 ans de prison avec mandat de dé­pôt.

Me Betzler exprime quant à elle des regrets sur le choix de la procé­dure.

« J’ai été la seule à prononcer le mot de viol, c’est ça dont on parle, à l’origine, c’était une enquête crimi­nelle. »

Finalement, tout est allé tel­lement vite que son client n’est pas encore en capacité d’expliquer son comportement.

« Ce n’est pas un monstre, il est le fruit d’une histoire monstrueuse. Il a fait des choses atroces qu’il regrette sincère­ment. »

Le tribunal a condamné Étienne à 5 ans de prison avec maintien en dé­tention. À sa sortie, il fera l’objet d’un suivi socio judiciaire durant 3 ans.

Il a notamment l’interdiction d’entrer en contact avec les victimes, d’exercer de manière définitive une activité en lien avec les mineurs.

Le tribunal a également prononcé le retrait total de l’autorité parentale et son inscription sur le fichier des auteurs d’infractions sexuelles.

* Tous les prénoms ont été changés pour préserver l’anonymat des victimes. .

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