Paris | Un gendarme suspecté d’être “Le Grêlé”, un tueur en série pédocriminel
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 01/10/2021
- 14:25
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Un gendarme à la retraite a été retrouvé mort dans son appartement secondaire du Grau-du-Roi (Gard).
La résolution d’un mystère vieux de 40 ans ?
Un ancien gendarme de Seine-et-Marne, âgé de 59 ans et vivant à la Grande Motte (Hérault), a été retrouvé mort jeudi 30 septembre dans son appartement secondaire du Grau-du-Roi (Gard).
Son nom, François V., apparaît dans l’affaire du « Grêlé », une série de meurtres et de viols en série jamais résolue à ce jour. Les enquêteurs s’orientaient sur la piste d’un tueur membre des forces de police ou de la gendarmerie. Selon une source proche du dossier, ils avaient plusieurs gendarmes dans leur collimateur.
François V. devait se soumettre à des tests ADN. Ce suspect avait quitté son domicile familial depuis plusieurs jours. Il a été retrouvé mort dans un logement dont il était propriétaire et aurait laissé une lettre avant de se donner la mort.
L’affaire du « Grêlé » remonte à plus de 30 ans.
Nous sommes en 1986, à Paris. Récit.
Le lundi 5 mai 1986, peu après midi, Suzanne Bloch téléphone à sa fille, Cécile Bloch, pour s’assurer que, comme d’habitude, elle est bien rentrée déjeuner au domicile familial. Mais personne ne décroche. Un appel téléphonique au collège, rue du Noyer-Durand, lui apprend que Cécile n’est pas venue en classe.
Suzanne avertit immédiatement Jean-Pierre, son époux. Arrivé à la cité Fontainebleau, dans le 19e arrondissement de Paris, le couple trouve l’appartement vide et constate l’absence du cartable de sa fille. Il refait le trajet d’environ un kilomètre que parcourt Cécile chaque matin jusqu’à son collège. Les commerçants interrogés sur le chemin ne le rassurent pas, aucun n’a vu Cécile ce matin.
Sans attendre l’arrivée de la police, le gardien du 116 rue Petit, alerté par les parents dès leur retour, commence à chercher Cécile dans les parties communes de l’immeuble. Il est environ 14 h. Vers 15 h, au 3e sous-sol de la résidence, dans un local technique sans éclairage, servant de débarras pour les agents d’entretien et employés de la résidence, le gardien découvre, dissimulé sous un morceau de vieille moquette, le corps sans vie de la fillette.
Sous les coups de 16h, l’état-major de la brigade criminelle du 36 quai des Orfèvres envoie une équipe sur place. Accueillis par le gardien de l’immeuble, le procureur de la République et les premiers intervenants du commissariat descendent au troisième sous-sol.
L’endroit est tellement exigu et incommode que les policiers de la crim’ peuvent juste jeter un coup d’œil à tour de rôle sur le corps de la fillette. Les forces de l’ordre découvrent Cécile Bloch, une main levée et figée qui émerge de ce tapis de fortune replié sur elle.
Le procédurier Jean-Marie Zahra, le magistrat et les techniciens de l’Identité judiciaire (IJ) restent seuls pour effectuer les constatations. L’inspecteur Zahra soulève la moquette sale qu’il place sous scellés. Il l’emportera au 36. Il note tous les détails de la scène. Il voit “deux traces de strangulation” sur le cou, indique le dossier confectionné par le journal Les Jours. Mais aussi une “plaie abdominale à l’arme blanche” sous le cœur, mais pas de couteau sur le sol sablonneux. L’arme du crime a disparu.
Il ramasse cependant des cordelettes ayant sans doute servi à attacher l’enfant et à l’étrangler. Il remarque “du sable sur le visage, la bouche, les mains et les ongles”. Il en déduit que la victime a dû être “agressée face contre terre, puis retournée”. Des “excoriations des genoux et de la figure” accréditent son hypothèse.
Le bas du corps de la fillette est dénudé, d’où une “suspicion de violences sexuelles”, confirmées plus tard par le légiste, qui détectera “des ecchymoses vulvaires”. Des marques de “griffures d’ongles et des bleus” sur le visage et la gorge de l’enfant trahissent des coups portés pour la maîtriser.
Le procédurier décrit aussi le haut de survêtement rose, le tee-shirt et le sweat trempés de sang, et le cartable ouvert dont des cahiers se sont échappés, au milieu de bouts de bois, de ferraille, de gravats entassés par les gardiens dans cette pièce sans fenêtre.
Les enquêteurs hésitent à inspecter le domicile de parents bouleversés par la mort de leur fille. Au troisième étage, ils pénètrent finalement chez le père et la mère de Cécile Bloch.
“On regarde, on observe avec tact, on ne voit pas de désordre inhabituel dans l’appartement. On se demande si on doit perquisitionner car, parfois, ne pas le faire peut entraîner des conséquences irrémédiables, comme c’est arrivé aux gendarmes dans l’affaire du petit Grégory.”
Bernard Pasqualini, le chef de groupe, indique :
“On va dans la chambre de la petite fille, on survole, c’est bien rangé, pas de traces de lutte ou d’agression, on n’ouvre pas les tiroirs, on ne fouille pas”.
Il leur demande une photo de la victime pour la présenter aux gens dans le quartier. Il les questionne sur les circonstances de la disparition de la collégienne et note les réponses sur un calepin. Il convoquera les parents plus tard au 36 pour une audition en bonne et due forme.
Étudiant en biologie pharmacie à l’hôpital d’instruction des armées Bégin à Saint-Mandé (Val-de-Marne), Luc Richard-Bloch, 24 ans, apprend la mort de sa demi-sœur par son beau-père :
“Cécile n’est plus.”
Le demi-frère laisse tout en plan, traverse Paris à fond et débarque dans l’appartement familial. Les enquêteurs sont toujours là. C’est alors que le frère se souvient de quelque chose.
Luc Richard-Bloch témoigne :
“J’étais tellement dans le brouillard qu’il m’a fallu beaucoup de temps pour faire le lien avec un homme que j’avais croisé le matin dans l’ascenseur”.
30 ans plus tard il raconte la scène au journal Les jours :
“À 8 h 20, j’ai attendu l’ascenseur dans le noir car la lumière du palier du troisième étage ne marchait pas. Quand la porte du monte-charge s’ouvre, il y a un homme à l’intérieur qui a déjà appuyé sur le bouton du -2 car le voyant rouge est allumé.”
“J’appuie sur celui du rez-de-chaussée. Il me dit bonjour, je le vois de profil arrière. J’ai pu l’observer le temps de descendre : il a entre 25 et 30 ans, a des cheveux châtains courts avec une mèche sur le front. Il doit mesurer environ 1m85 car il était plus grand que moi qui fais 1m75. Il est de corpulence moyenne. Il porte une tenue vestimentaire décontractée. Il a une peau irrégulière avec des marques d’acné ou de variole.”
“Son comportement m’a étonné parce qu’il a été trop poli, obséquieux même. Quand je suis sorti, il m’a dit : “J’espère que vous passerez une bonne journée.” C’est une parole déplacée pour quelqu’un que l’on voit pour la première fois. J’ai pensé qu’il s’agissait d’un visiteur venu voir un habitant de l’immeuble.”
Par un effet boule de neige, les parents de Cécile Bloch se rappellent à leur tour qu’ils ont pris l’ascenseur à 8 heures avec le même type, vingt minutes plus tôt, mais n’ont pas trop fait attention à lui car ils étaient ensemble.
Cette description, précieusement consignée par Bernard Pasqualini dans son carnet, constitue une piste sérieuse. D’autant plus que six autres voisins ont vu un jeune homme “du même signalement” entre 7 h 55 et 8 h 45 dans le monte-charge car le second ascenseur avait été “mis en panne avec une allumette”. Une dame a vu l’inconnu “sortir en courant” du monte-charge à 9 h 15, traverser le hall d’entrée et partir dans la rue Petit.
Le chef enquêteur récapitule auprès de ses équipes :
“Ce grand type de 20-25 ans à la peau abîmée a passé cinquante minutes entre l’ascenseur et le sous-sol pour chercher sa proie. Une fillette, partie avec son petit frère, a eu chaud. À 8 h 45, il a piégé la petite Bloch et l’a entraînée de force au -3 où il est resté une demi-heure puis a quitté les lieux”.
“Il a saboté l’un des deux ascenseurs et bloqué la porte du sous-sol”
Il constate que :
“L’auteur a préparé son coup. Il a saboté l’un des deux ascenseurs et bloqué la porte du sous-sol. Il a peut-être aussi cassé le digicode d’entrée qui avait été réparé le vendredi et l’éclairage du troisième étage.”
Très vite la marque significative dans la description du tueur présumé est sa peau granuleuse par endroits.
Un surnom émerge parmi les policiers et s’impose plus tard dans les médias :
“L’homme au visage grêlé”.
Le mystérieux tueur d’enfants devient « Le Grêlé ».
L’élaboration du modus operandi du meurtrier suggère, lui, le profil d’un criminel qui n’en est probablement pas à son coup d’essai.
L’inspecteur divisionnaire Bernard Pasqualini et les six fonctionnaires de police, inspecteurs du bureau 302 de la Crim’, épluchent les piles d’avis de recherche et écument les archives policières. Ils cherchent tous les suspects dont la description pourrait correspondre à celle du “Grêlé”, et les affaires criminelles, anciennes ou en cours, présentant un mode opératoire similaire à celui mis en œuvre par ce tueur.
La diffusion du portrait-robot du “Grêlé” auprès de la population reste infructueuse. Dans le 19e comme dans le 13e arrondissement, de nombreux jeunes hommes sont arrêtés puis conduits dans les locaux de la police pour vérification d’alibi.
Un homme, possible suspect, détenu pour viol d’enfant depuis juin 1986 à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, dans les Yvelines, est reconnu formellement par un locataire du 116 rue Petit, lors d’une procédure de parade d’identification.
Des inspecteurs du bureau 302, le conduisent immédiatement cité Fontainebleau. Sur place, l’individu révèle sa bonne connaissance du quartier, notamment du 116 rue Petit. Placé en garde à vue, il est soumis à un interrogatoire au cours duquel il avoue être l’auteur du meurtre de Cécile Bloch qu’il identifie sur photo. Mais son groupe sanguin, différent de celui associé au “Grêlé”, le met rapidement hors de cause.
Dans les premiers jours de l’enquête, la « Crim » passe en revue toutes les affaires précédentes de viols et de meurtres et tombe sur une série d’agressions dans le 13e arrondissement de Paris. Les victimes ont décrit à la police un homme de type européen à la peau du visage irrégulière.
Une autre affaire attire leur attention : une agression sexuelle survenue place de la Vénétie, le 7 avril 1986. Le violeur a entraîné une fillette de 8 ans dans un couloir du 4e sous-sol de son immeuble. Il l’a violée, étranglée et s’est enfui, pensant l’enfant morte. La fillette a survécu et dresse le portrait-robot de son agresseur ; les analyses des traces biologiques résultant de l’agression permettent ensuite d’établir la connexion entre le meurtre de Cécile Bloch et cette précédente agression.
De nombreux autres crimes sont imputés, par la suite, au Grêlé : Gilles Politi, 38 ans et Irmgard Mueller, 20 ans, tués le 29 avril 1987, Karine Leroy, disparue le 9 juin 1994 à 19 ans dans une cité de Meaux (Seine-et-Marne). Six autres viols, tous commis entre 1986 et 1994, pourraient également être liés à ce tueur.
À la fin de l’année 1987, une dizaine de crimes sont imputés au “Grêlé” par les inspecteurs de la Crim’, sur la base de son signalement et de son mode opératoire.
En janvier 1989, alors que l’enquête piétine, la mère de Cécile meurt dans un accident de la route. Quatre ans plus tard, le juge d’instruction chargé de l’affaire clôture l’information judiciaire et le parquet prononce un non-lieu pour cause de non-identification de l’auteur du meurtre de Cécile Bloch et absence de nouvelles pistes. À la brigade criminelle de Paris, cependant, les policiers maintiennent le dossier ouvert.
Après de multiples rebondissements, fin 2017, le dossier judiciaire de l’affaire Cécile Bloch, instruit par un neuvième juge, recouvre trois meurtres et six viols, autant d’actes criminels imputés au “Grêlé”. Parmi ces crimes, six sont avérés grâce à des expertises ADN.
Le père de la fillette meurt en septembre 2011, miné par le chagrin, il n’aura jamais connu le vrai visage du meurtrier de sa fille. La brigade criminelle de Paris poursuit son enquête sur sa plus vieille affaire criminelle en cours; Cette dernière pourrait prendre un tournant décisif ce jeudi 30 septembre 2021.
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