France | Je n’ai jamais été consentante. JAMAIS.

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Témoignage d’Angélique M. qui nous partage l’histoire de l’inceste criminel qu’elle a subie
« J’ai subi l’inceste entre 8 et 21 ans et je ne peux plus entendre que j’étais consentante. » Voici l’histoire d’Angélique qui nous raconte, révoltée, le poids de la culpabilité pour les victimes de pédocriminalité face aux commentaires de personnes extérieures.

L’actualité me met en colère et m’attriste

Il est enfin question de prendre en compte les violences sexuelles commises sur les enfants, je devrais donc ”être contente”.

Mais ce n’est pas le cas. Je n’y arrive pas. D’abord parce que la société fait comme si elle découvrait ce fléau alors que nous, victimes et anciennes victimes, lançons des SOS depuis tellement d’années que j’ai du mal à comprendre pourquoi aujourd’hui, pourquoi si tard, pourquoi a-t-il fallu attendre le livre de Camille Kouchner pour que l’on prenne le temps de nous écouter, de nous entendre?!

Tant de vies gâchées, tant de souffrances que l’on aurait peut-être pu empêcher ou stopper bien plus tôt…

Mais je crois que ce qui me met le plus en colère ce sont les propos que je peux lire et entendre ici ou là.

Ces propos que je qualifie d’immondes tellement ils sont violents et inappropriés. Ils ne sont pas majoritaires, je l’espère, mais le simple fait qu’ils puissent être pensés et/ou dits me révolte.

Je peux entendre, comprendre qu’une large partie de la société ne connaît pas ce “sujet” des violences sexuelles commises sur des enfants et plus particulièrement ce “sujet” de l’inceste.

Les personnes qui n’en ont jamais été victimes peuvent évidemment avoir des difficultés à saisir l’ampleur des dégâts causés par ces ignominies.

Et c’est bien normal, comment peut-on imaginer l’inimaginable?

Comment peut-on penser ou croire que la famille puisse être un lieu d’agressions?

Aujourd’hui’ j’ai envie de m’adresser à vous, à tous ceux qui ne connaissent pas ce sujet, à tous ceux qui semblent le découvrir à travers l’actualité et surtout, à tous ceux qui tiennent des propos aussi blessants qu’humiliants.

Je ne sais pas s’il s’agit de maladresses, de certitudes que vous pensez tenir ou bien simplement d’une envie de commenter l’actualité pour être la personne qui aura donné son avis.

Libre à chacun(e) de le faire, ce n’est pas ce que je remets en question.
Des phrases insupportables

Ce qui m’exaspère, ce sont les propos tels que

″À son âge elle (parce que souvent vous pointez les filles, mais je vous rappelle ou vous informe que 1 garçon sur 13 a subi des violences sexuelles) aurait pu/dû dire NON, si elle ne l’a pas fait c’est qu’elle a bien voulu”

ou

“Elle n’avait qu’à partir, elle n’avait qu’à le dire, elle n’avait qu’à…”.

Les “Elle n’avait qu’à”, nombre d’entre vous semblent en être particulièrement friands, je ne sais pas pourquoi, mais sachez que si cela était aussi simple, il y aurait sans doute moins de victimes, ou les violences prendraient fin bien plus tôt!

Ces phrases-là, je ne les supporte plus.

Dire qu’un enfant peut être consentant lorsqu’on lui impose des violences sexuelles –agressions et/ou viols– je ne peux et ne veux plus l’entendre.

Parce que, moi aussi, j’y ai eu le droit à ces

“Quand tu étais petite d’accord, mais une fois adolescente pourquoi t’as pas refusé?”

ou ces

“Tu étais suffisamment grande pour savoir que ce n’était pas normal”

ou encore ces

″À 18 ans quand même tu pouvais partir”…

Alors peut-être que les personnes qui m’ont tenu ces propos voulaient seulement comprendre.

Peut-être est-ce encore ce même besoin de compréhension pour vous qui avez aussi ce genre de réflexions.

Peut-être, je ne sais pas, mais s’il vous plaît, privilégiez le questionnement aux affirmations, laissez-nous vous expliquer au lieu de nous culpabiliser davantage.

Parce que c’est ce qui arrive lorsque vous parlez ainsi.

Je suis une ancienne victime

Je l’ai été de l’âge de 8 ans jusqu’à 21 ans.

Oui oui, vous avez bien lu. Jusqu’à 21 ans. Cela vous surprend n’est-ce pas?

J’ai été victime d’agressions sexuelles et de viols par inceste d’abord commis par mon beau-père (qui m’a élevée et reconnue dès l’âge de 2 ans, je n’ai donc connu que lui comme “figure paternelle”) et ensuite, par ma mère.

Je ne vais pas m’étendre davantage sur les violences subies, cela n’aurait aucun intérêt.

Cependant, j’aimerais que vous compreniez la raison pour laquelle même lorsqu’on ne dit pas NON, même lorsqu’on garde le silence, même lorsqu’il n’y a pas de “surprise, violence, contrainte” comme l’exige actuellement la loi pour reconnaître le viol, l’enfant n’est jamais consentant des actes sexuels qu’on lui impose!

Quand il s’agit d’agressions sexuelles et/ou viols par inceste, quand il s’agit d’agressions sexuelles et/ou viols par une personne ayant ou faisant fonction d’autorité (un ami de la famille, un entraîneur de sport, un professeur…), vos injonctions telles que vous les formulez aujourd’hui sont totalement surréalistes et erronées. D’autant plus si les violences s’exercent dans le temps!

J’ai subi jusqu’à l’âge de 21 ans, mais sachez que je n’ai jamais était consentante.

JAMAIS! Ni à 8, ni à 13, ni à 18 ou à 21 ans. JAMAIS! L’idée que vous puissiez l’envisager me met en colère, me dégoûte et surtout me culpabilise encore un peu plus.

Le nœud de tout: l’EMPRISE.

Je ne sais pas si certain(e)s d’entre vous ont pris le temps de lire les livres de Vanessa Springora (“Le consentement”) et/ou de Camille Kouchner (“La Familia grande”), pour ne citer qu’elles.

Si ce n’est pas le cas, alors permettez-moi de vous parler un peu de cette notion d’emprise abordée par ces deux auteures. Parce que c’est quand même le nœud de tout!

L’emprise est un mécanisme très pervers qui, en plus de créer de la culpabilité chez la victime, la rend complice de ce qu’elle subit. Cela vous surprend peut-être, mais c’est une réalité. Ça a été ma réalité!

Vous imaginez-vous ce que c’est réellement que de se sentir coupable? Coupable de ne pas avoir réussi à dire NON à mon beau-père.

Coupable de ne pas avoir réussi à dire NON à ma mère.

Coupable de ne pas avoir réussi à les repousser.

Coupable d’avoir obéi juste pour être un peu aimée.

Coupable de ne pas avoir réussi à parler, à dénoncer même lorsque les occasions se présentaient.

Coupable d’avoir été leur complice. Coupable d’avoir détruit la famille lorsque j’ai enfin dénoncé.

Parce que c’est aussi ça quand on parle, la famille vole en éclat et, pour majorité de victimes, elle se retourne contre nous: j’ai été et suis encore –20 ans après– la paria de cette famille!

Coupable d’avoir fait incarcérer ma mère, mon beau-père. Coupable de…

Savez-vous ce que c’est que cette culpabilité, cette putain de culpabilité qui me colle encore aujourd’hui à la peau, celle dont je ne me suis pas encore défaite émotionnellement?

Petite, adolescente, jeune majeure et aujourd’hui adulte, j’ai toujours eu le sentiment d’être coupable de tous les maux. Et c’est ce qu’a créé cette emprise.

Bien sûr qu’à l’adolescence je savais que ce que je subissais n’était “pas bien” n’était “pas normal”.

Je l’ai su très vite. Mais croyez-vous que cela suffise à stopper les violences? Croyez-vous que parce que j’avais l’âge de comprendre, je pouvais refuser? Parce que j’avais l’âge de la majorité, je pouvais partir?

Manipulation et culpabilisation

Le “travail” d’emprise avait déjà opéré bien avant! Cette emprise a été sournoise, elle s’est infiltrée progressivement, insidieusement et une fois installée je ne suis pas parvenue à m’en défaire.

Mon beau-père et ma mère m’ont “façonnée” pour parvenir à me “dépouiller” de mon identité. Ce qui a été assez simple pour eux puisque je n’étais qu’une enfant, “leur” enfant!

Leur statut de “parents” leur conférait déjà une certaine légitimité!

Leur manipulation, leur domination et ma soumission n’en ont été que plus rapides, aisées et ancrées. Ils ont ainsi joué avec moi pendant des années, et plus particulièrement avec mes émotions:

“si tu ne le veux pas, c’est que tu ne m’aimes pas”, “si tu refuses, je vais être obligé de demander à ta sœur, elle est petite, tu ne voudrais quand même pas qu’elle te remplace”, “pourquoi tu acceptes avec ton père et pas avec moi?”…

Je n’étais plus rien.

Ça peut vous paraître excessif, mais il s’agit pourtant bien de cela. Je n’étais plus rien! Ils m’avaient réduite à néant, je n’étais plus que l’objet de leurs désirs, de leurs fantasmes.

Un objet, rien d’autre.

J’étais obéissante, soumise et finalement dépossédée de mon corps que j’avais fini par leur “céder”.

Je n’avais plus aucune confiance, plus aucune estime de moi alors me raccrocher à la moindre petite “attention” qu’ils pouvaient m’accorder était presque devenu ma survie.

Sans eux, je n’étais plus rien. Avec eux, je n’étais plus rien. C’est comme si j’étais “conditionnée”, comme si finalement je m’étais “habituée” à subir ces violences sexuelles.

Voyez-vous un peu comme elle est perverse cette emprise? Alors lorsqu’elle est dans les mains d’adultes tout aussi pervers, je vous laisse imaginer comment, dans ces conditions, un enfant peut s’opposer à quoi que ce soit…

Et sachez que je ne suis pas la seule. Dans la majorité (pour ne pas dire toutes) des violences sexuelles commises sur les enfants, ce “procédé” est le même…

Alors je vous le répète, j’ai été victime d’agressions sexuelles et de viols par inceste, de l’âge de 8 à 21 ans, mais je n’ai JAMAIS été consentante. JAMAIS.

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