Expertises judiciaires | Le recours au « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) bientôt proscrit car médicalement infondé.

Le ministère des Familles de l’Enfance et des Droits des femmes vient d’annoncer la prochaine publication d’une fiche sur le site du ministère de la Justice, visant à proscrire l’utilisation du concept idéologique dénommé SAP ou AP.

Depuis une dizaine d’années, de nombreux spécialistes de l’enfance et du psycho-traumatisme n’ont eu de cesse d’en dénoncer la dangerosité au regard de la protection des enfants. Ils déplorent également son introduction abusive dans les milieux de la justice par le biais de son enseignement dans certaines formations de professionnels et en particulier à l’École nationale de la magistrature.
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La fiche officielle bientôt sur le site du ministère de la Justice

C’est dans le contexte du 5ème plan de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux femmes (2017-2019) que le ministère publie le bilan du 4ème plan de Prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016). Ce bilan, au niveau de l’Axe D, l’objectif 19 intitulé : « Protéger les mères et leurs enfants dans l’exercice de l’autorité parentale pendant et après la séparation », contient l’annonce de cette proscription de la manière suivante :


P 42 : Action 58 : Informer sur le caractère médicalement infondé du « syndrome d’aliénation parentale »


« Dans les cas de violences conjugales ou de violences faites aux enfants, l’allégation du « syndrome d’aliénation parentale » soulève de réelles difficultés.

Elle conduit à décrédibiliser la parole de la mère, exceptionnellement du père ou de l’enfant, et par conséquent à en nier le statut de victime en inversant les responsabilités. Or, aucune autorité scientifique n’a jamais reconnu un tel « syndrome » et le consensus scientifique souligne le manque de fiabilité de cette notion.

Il n’est reconnu ni par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM5) ouvrage de référence de l’association américaine de psychiatrie (APA), ni par la classification internationale des maladies publiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

La recherche démontre que les fausses allégations de maltraitance ou de négligences sur les enfants sont marginales.

C’est pourquoi une communication visant à proscrire l’utilisation de ce concept sera réalisée, via la publication d’une fiche sur ce sujet, sur le site du ministère de la Justice. »

Rappel et Ré-information sur le SAP
  • Rappel :

Il faut d’abord préciser que Richard Gardner a employé, pour la première fois, le terme de syndrome d’aliénation parentale (SAP) dans un article écrit en 1985 (Academy Forum, Vol. 29, N°2, 1985, p. 3-7, Recent Trends in Divorce and Custody Litigation). Il était lui-même concerné directement par le sujet et en bien mauvais posture..


« Le Syndrome d’Aliénation Parentale est un trouble qui survient essentiellement dans le cadre d’un litige à propos du droit de garde dans lequel un enfant, programmé par le parent prétendument aimé, entreprend une campagne de dénigrements à l’encontre du parent prétendument détesté. (…)

La plupart des mères sont impliquées dans de tels programmes, et les pères sont les victimes de ces campagnes de dévalorisation. » (Gardner, R.A., M.D., True and False Accusations of Child Sex Abuse, 1992, Cresskill, NJ : Creative Therapeutics, p. 193.).


Gardner prétend en référence à ses seules convictions, que lorsque l’enfant rejette un parent ( plus souvent le père) c’est dans presque 90 % des cas parce que la mère l’aurait aliéné. L’enfant selon lui, ne s’exprimerait pas selon ce qu’il ressent, mais selon ce que l’adulte aliénant lui impose, il serait donc forcément manipulé par un adulte.

Ce qui va bien entendu, en cas de psycho-traumatisme, à l’encontre de toutes les connaissances en psychologie et victimologie infantiles et de l’expérience (pour ma part, plus de 1000 expertises dans le registre des agressions sexuelles sur mineurs entre 1989 et 2015).

Pour les non-spécialistes de la psychiatrie et du droit que sont les magistrats et les avocats par définition, les termes de syndrome et d’aliénation renvoyant – abusivement – à une discipline (la psychiatrie) qu’ils ne maîtrisent pas, font appel aux experts censés être formés à sa détection lors des séparations dites conflictuelles. Ceux qui n’adhèrent pas à ce concept étant censés pour les confrères précités ne pas avoir été formés à sa détection ou pire être aveuglés par un prétendu militantisme pour l’intérêt de l’enfant.


N.B. : Soulignons ici que le terme de « séparation conflictuelle » met à égalité les deux parents, apportant un effet de neutralisation des plaintes des victimes.

  • La ré-information sur le SAP

Venons-en à la ré-information qui s’est engagée depuis de nombreuses années et qui a atteint sa finalité grâce au rejet de ce syndrome par le consensus psychiatrique international et les arguments sur l’absence de réalité scientifique et éthique de ce syndrome.


Les enseignements du Dr Paul Bensussan, promoteur du SAP en France, à l’École Nationale de la Magistrature ont été judicieusement rectifiés par le Dr Maurice Berger lors d’une intervention récente dans ce haut lieux de la formation des magistrats (« Le SAP Syndrome d’aliénation parentale ou AP Aliénation Parentale, des concepts dangereux »).

Il a rappelé qu’une étude commandée en 2001 par le ministère de la Justice à partir de 30.000 dossiers JAF estime à seulement 0,8 % le nombre de fausses allégations d’agressions sexuelles.

Au niveau de l’enfant, les notions d’instrumentalisation, de conflit de loyauté voire d’emprise que l’on peut parfois repérer, ne débouchent pas sur des accusations d’agressions sexuelles ; et lorsqu’elles surviennent de manière éventuellement condamnable, elles ne résistent pas à l’analyse victimologique de la déclaration de l’enfant et elles restent de ce fait, très marginales.

Par ailleurs, Jacqueline Phélip auteure avec le Dr Maurice Berger de « Divorce et séparations, nos parents sont-ils protégés ? » (Dunod 2011) fait état d’une étude récente (2013) demandée et financée par le ministère de la Justice américaine et réalisée par trois chercheurs (Silberg et coll.) qui démontre que nombre d’enfants sont confiés par la justice à un parent violent ou abuseur au prétexte d’une aliénation parentale faite par le parent qui demande une protection pour lui et ses enfants (le plus souvent des mères).

Il est très important de préciser que ces chercheurs n’ont fondé leur étude que sur les dossiers où la preuve fut apportée quelques mois plus tard que le père était bien un violeur-abuseur (Site de l’Enfant d’abord).

Le Dr Gérard Lopez, président de l’Institut de Victimologie, n’est pas de reste en termes de ré-information sur le SAP.

Dans son ouvrage « Enfants violés et violentés, le scandale ignoré » (Dunod 2013), il a classifié ce concept dans la catégorie des théories qu’il appelle « anti-victimaires ». Cela signifie que leur usage se fait au détriment des enfants victimes dont la parole est discréditée malgré l’authentification expertale (médicale et psychologique) de leurs plaintes, l’idéologie conceptuelle permettant sans autre forme de procès, de dédouaner l’agresseur des accusations dont il est destinataire. Dans la même perspective, sont référencés le syndrome des faux souvenirs, le syndrome de Münchhausen par procuration et le référentiel « Outreau ».


Rappelons que dans cette affaire 12 enfants ont pourtant été reconnus victimes de viols, agressions sexuelles, corruption de mineurs et proxénétisme ( « Outreau, la vérité abusée » Hugo et cie 2009, 2015). Rappelons aussi que 7 experts (34 expertises) ont validé leur parole. Or, la vérité judiciaire des victimes a été remplacée par la vérité médiatique du Dr Paul Bensussan (entre autres) qui a évoqué dans de nombreuses émissions et articles, le mensonge des enfants d’Outreau sans les avoir examinés et qui est aussi… est-il utile de le préciser une fois de plus, le promoteur du SAP en France ?


Il semble utile également de préciser qu’un certain nombre de professionnels qui utilisent le référentiel – erroné – Outreau pour asseoir leur argumentation sur le mensonge des enfants – quand on ne peut invoquer l’inexpérience – s’avèrent être par ailleurs des défenseurs du SAP et/ou d’autres théories anti-victimaires.

Une mention à part sera faite dans ce chapitre sur la ré-information, elle concerne l’ouvrage sur la parole de l’enfant publié cette année par le Dr Roland Coutanceau. Il y propose de « déconstruire le SAP pour le reconstruire autrement », ce qui est dommageable au moment où la prise de conscience des autorités gouvernementales va le condamner définitivement.

Enfin, comment ne pas signaler l’ouvrage collectif écrit par les professionnels, praticiens de terrain de l’association REPPEA (Réseaux de Professionnels pour la Protection de l’Enfance) – dont je fais partie – qui ont également dénoncé l’utilisation des théories anti-victimaires dont le SAP. Il s’intitule lucidement « Danger en protection l’Enfance »( Dunod 2016) et il est publié sous la direction de Hélène Romano et Eugénie Izard.

Dans sa contribution très complète sur l’autre histoire du SAP, Me Brigitte Robilliard, qui bénéficie de la triple formation d’avocate, de psychologue et de médiatrice familiale, rend compte à son tour de l’utilisation catastrophique de ce concept dans le domaine social et judiciaire.

Qu’en est -il des expertises pro-SAP ?

Les psychologues et les psychiatres en exercice – dont je suis – sont témoins des dégâts majeurs provoqués par l’utilisation du SAP lors des séparations parentales. Les constats effectués en France rejoignent ceux de tous les pays concernés par ce concept infondé médicalement.


C’est parce que l’on a atteint un tel niveau de régression dramatique quant à la protection de l’enfance qu’un certain nombre de pays ont déjà réagi comme aujourd’hui la ministre des Familles et de l’Enfance, Laurence Rossignol. Et l’on a appris récemment qu’un certain nombre de psychiatres et de psychologues ayant utilisé le SAP dans leurs expertises aux États-Unis et en Australie (Canberra) ont été sanctionnés.

Une question très délicate se pose : qu’en sera t-il en France des enquêtes sociales et des expertises pro-SAP qui ont abouti à un changement de garde de l’enfant révélant des violences de toutes natures, au détriment – vraisemblablement – du parent protecteur ?


Une autre question encore plus délicate est celle de l’avenir des enfants livrés à leurs abuseurs suite à de telles expertises ! Y aura-t-il une possibilité de remise en cause des décisions judiciaires ?


L’on sait qu’actuellement, un certain nombre de missions ordonnées par les juges aux affaires familiales comportent encore l’évocation de cette recherche du SAP, ce qui légitimise le concept – en toute bonne foi – et cautionne son existence.

Une dernière question concerne la position en France du Conseil de l’Ordre qui en 2001 sanctionnait une centaine de médecins ayant effectué des signalements qui n’avaient pas débouché sur une condamnation.

On sait que la présomption d’innocence doit être respectée mais aussi que les subterfuges utilisés pour la défense des agresseurs se sont affinés, en même temps que l’amélioration des connaissances en victimologie infantile.


Il ne semble pas exagéré de dire que le recours à un concept délétère tel que le SAP constitue une nouvelle forme de déni de l’inceste.

L’interdiction du SAP permettra sans doute au législateur d’introduire objectivement le principe de précaution de sorte que le respect de l’intégrité physique et psychique de l’enfant redevienne une priorité dans les faits.


Il faut espérer enfin que cette fiche de proscription d’utilisation du SAP, aura les effets attendus, à savoir que les enfants qui révèlent des violences et des agressions sexuelles, puissent être enfin entendus, examinés par des professionnels avertis et formés, pour être, en toute légalité, définitivement protégés.

Source : http://www.village-justice.com

 

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