La réalité virtuelle pourrait-elle permettre de traiter la pédophilie ?
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 13/08/2016
- 00:00
Catégories :
Mots clés :
Lors de la dernière édition de l’événement Forbidden Research organisé par le MIT, Ethan Zuckerman a mis en garde la communauté des scientifiques qui était présente. « Si vous ne vous sentez pas mal à l’aise aujourd’hui, c’est que nous avons fait quelque chose de mal ».
L’évènement en question traite des sujets qui sont considérés comme sensibles comme la surveillance gouvernementale, les modifications génétiques humaines, l’Islam ou encore les droits des femmes. L’un des sujets qui a été évoqués lors de cette conférence était « Déviances sexuelles : La technologie peut-elle protéger nos enfants ?».
Durant une heure, deux chercheurs discutèrent la possibilité que dans un futur proche, la robotique et la réalité virtuelle puisse se confronter à la pornographie infantile et donc, à la pédophilie.
La réalité virtuelle pourrait canaliser la pédophilie
Les deux intervenants ne sont pas si loin de la réalité. Une entreprise japonaise nommée Trottla propose déjà des poupées ressemblant étrangement des enfants et livre ses produits à travers le monde. Plus tôt cette année, un canadien a été jugé pour avoir, en 2013, commandé une poupée de ce genre. Selon la loi canadienne, il risque sept ans de prison pour pornographie infantile.
Mais prenons le problème dans l’autre sens. Et si ces poupées étaient utilisées pour faire le bien plutôt que le mal ? Ron Arkin, ingénieur en robotique à la Georgia Institute of Technology argumente que les gens ne devraient pas seulement être en droit de posséder un tel produit, mais celle-ci devraient être prescrites pour certains. Selon lui, la réalité virtuelle couplée à la robotique pourrait faire office d’exutoire à la déviance sexuelle. Elle permettrait aux personnes concernées d’exprimer leurs besoins en canalisant leurs désirs les plus sombres envers une machine et non plus vers de vrais enfants. Si cela devait être mis en place, les bénéfices seraient doubles. Les criminels sexuels pourraient réintégrer plus facilement la société sans devenir un danger pour cette dernière, et les déviants ne passeraient pas à l’acte car ils seraient tenus éloignés de l’objet réel de leur désir.
Pour le moment, une proportion significative de la population restreint ses besoins, par honte ou par peur d’être accusés de déviants, de tordus ou tout autre qualificatif qu’on prête habituellement à ce genre d’orientations. Ces personnes sont souvent ignorées, rejetées par les institutions légales et médicales susceptibles de leur venir en aide. Au mieux, admettre leur déviance, même à un psychologue leur vaudrait un rapport officiel et une mise sous surveillance. C’est à cause de politiques comme celle-ci qu’on ne peut toujours pas estimer le nombre de pédophiles cachés au sein de notre société. Les gens ne veulent pas admettre officiellement leurs orientations à cause des risques qu’ils encourent. Malheureusement, lorsqu’on découvre qu’une personne est pédophile, c’est bien souvent car cette personne est passée à l’acte.
La réalité virtuelle permettrait de diagnostiquer la pédophilie
Patrice Renaud, psychologue à l’université de Montréal est un spécialiste des besoins sexuels.
Il est conscient du rôle de la technologie dans le maintien et l’alimentation de ces déviances. Chaque année, son équipe rencontre des individus qui leurs sont envoyés par le tribunal afin d’établir un diagnostic et définir s’ils peuvent constituer un danger pour autrui. Les sujets sont connectés à un « eye-tracker », un « brain monitor » et un autre appareil qui mesure l’afflux sanguin au niveau de leurs parties génitales. Dans le cas des pédophiles, les stimuli visuels sont constitués d’images pornographiques mettant en scène des enfants, obtenues lors d’interventions policières.
Depuis l’interdiction de ce procédé au Canada, Renaud et son laboratoire ne travaillent qu’avec des enregistrements audio décrivant des scénarios sexuels.
Selon le chercheur, les deux méthodes sont toutes aussi problématiques. L’utilisation de vrais images soulèvent un souci moral au sein de la population mais déclenchent plus efficacement des réponses chez les accusés. Toutefois, les photographies ne sont pas standardisées, ce qui entre en conflit avec les méthodes de recherche scientifiques. Les informations auditives, quant à elles, ne sont pas assez immersives pour déclencher une réponse. Ces deux méthodes étant faillibles, Patrice Renaud a donc décidé de s’intéresser à la réalité virtuelle.
La réalité virtuelle pourrait permettre d’identifier la déviance qu’est la pédophilie de manière plus précise et sans soulever de questions éthiques comme le font les méthodes existantes.
Au cours de ces expérimentations, Renaud et ses collègues ont exposé des personnes non déviantes et des pédophiles à une série d’images virtuelles générées par ordinateur. Les réponses individuelles étaient en corrélation avec les préférences sexuelles de chacun des sujets de l’expérience, prouvant ainsi que la VR est capable de créer ce que Renaud appelle la « présence sexuelle ».
La réalité virtuelle étant par essence une technologie immersive, elle s’avère plus stimulante que de simples images et ne cause pas problème moral de par son caractère virtuel.
Des effets encore inconnus sur les pédophiles
Actuellement, le laboratoire de Renaud se concentre sur l’évaluation de la pédophilie par la réalité virtuelle. Il aimerait néanmoins explorer les possibilités de traitement par la pornographie synthétique. La réalité virtuelle a déjà prouvé ses vertus thérapeutiques et s’est révélée capable de traiter des désordres mentaux comme les phobies, les stress post-traumatiques ou encore la schizophrénie. Patrice Renaud ajoute que « la pédophilie est quelque chose de très difficile à traiter ». Pour lui, « vous ne pouvez pas changer la préférence sexuelle en elle-même, tout comme vous ne pouvez vous débarrasser des mauvaises habitudes telles que fumer ».
Pour l’heure, peu de traitements existent à la pédophilie. La plupart des patients pourront s’essayer à des thérapies comportementales et cognitives. Certaines législations peuvent même forcer le patient à subir une castration chimique. C’est la raison pour laquelle des groupes anonymes, comme Virtuous Pedophiles (les pédophiles vertueux) ont émergé, offrant leur soutien aux personnes qui ne veulent pas agir sur leurs désirs mais ne souhaitent également pas se confier à un professionnel.
Renaud semble suggérer que la réalité virtuelle couplée à un traitement cognitif pourrait aider ces personnes à comprendre leurs désirs et à vivre avec. L’un des projets sur lequel il travail propose aux patients de se promener dans un parc rempli d’enfants, donc « d’opportunités criminelles ».
Il envisage de développer prochainement une autre expérience basée sur l’empathie envers les victimes, visant à empêcher les prévenus de récidiver. Il songe également à combiner la VR avec la robotique afin de rendre cette future expérience encore plus réaliste. Toutefois, il reste précautionneux vis-à-vis de cette idée. Même si certains patients pourraient être satisfaits de ce type d’expériences, d’autres pourraient vouloir aller plus loin. Il précise donc que « J’hésite à me servir de la robotique dans mes traitements. Peut-être que certains individus intelligents et tempérés pourraient se contenter de ce genre de contact avec des poupées, mais pour les autres, je pense que cela pourrait seulement mener à l’envie d’aller plus loin et de dépasser la limite entre robot et vraie victime ».
Difficile d’effectuer des recherches objectives sur la pédophilie
Dans ce cas de figure, l’utilisation de robots pourrait banaliser les comportements déviants, mettant ainsi les enfants en plus grand danger. En d’autres termes, elle pourrait avoir l’effet inverse de celui escompté. « Nous ne connaissons pas la réponse » affirme Kate Darling, spécialiste des interactions entre humains et robots au MIT. « Nous ne pouvons pas savoir quelles en seront les conséquences ». Trouver des financements est difficile, aussi difficile que de convaincre un groupe de pédophiles de participer aux recherches. Un tel projet soulèverait de nombreuses protestations, comme celles de la Campaign Against Sex Robots (campagne contre les robots sexuels), qui assure que des substituts robotisés n’ont en aucun cas permis d’endiguer le phénomène de la prostitution.
De plus, il est compliqué d’effectuer des recherches objectives autour d’un sujet comme la pédophilie, compte tenu de l’aversion morale et du rejet que cette déviance suscite. Les poupées, comme celles que vend Trottla devraient très bientôt être pourvues d’une intelligence artificielle.
A quel point pourraient-elles devenir réalistes ? Est-ce que des technologies plus immersives régleraient ou amplifieraient le problème ? Les chercheurs devront sérieusement s’intéresser aux conséquences d’une telle décision.
Source : http://www.realite-virtuelle.com/
Source(s):