
Châlons-en-Champagne | Elise se suicide, son bourreau est mis en garde à vue
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 03/10/2025
- 18:06
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Les mots de Louna sont remplis d’amour.
“Vu la rage qu’elle a déployée, nous ses amies, nous voulons lui rendre hommage.”
Elise a décidé de mettre fin à ses jours en février 2025.
Épuisée, par des années de combat pour que justice soit faite.
Elise est élève au lycée Bayen, en section cirque, lorsqu’elle rencontre Louna. Ensemble, elles passent leurs trois années à Châlons-en-Champagne et se passionnent pour les arts du cirque.
Pendant ces années de lycée, Elise rencontre son agresseur présumé, dont nous tairons le nom pour cause d’instruction judiciaire en cours. Il est étudiant au CNAC, le centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne.
Ils se rencontrent lors d’un spectacle de fin d’année des élèves du lycée. Il a dix ans de plus qu’elle. Il est majeur, elle, mineure.
Leur relation amoureuse débute sous les yeux de Louna.
“Une relation malsaine, explique-t-elle. Elle est en couple avec lui de 2016 à 2018, c’est là où sont apparus la manipulation et les premiers viols. Et ensuite, ils se sont séparés à la fin du lycée en 2019. Elise se méfiait de lui et voulait rester en bons termes. Lors d’une énième fois, il est entré dans sa chambre et l’a violée. C’était en novembre 2019. Suite à cela, elle a porté plainte, à Bordeaux où elle était scolarisée à l’école de cirque, en prépa”.
Ce dépôt de plainte est un déclic pour la jeune femme victime.
“Elle a pris conscience de tout ce qui lui était arrivé, explique encore son ami, Louna, et elle s’est posé la question : peut-être ne suis-je pas la seule ?”
Un véritable travail d’enquête
Louna sera une des confidentes d’Elise durant toutes ces années. Les deux jeunes filles échangeront régulièrement sur ce qui deviendra très vite un combat judiciaire.
“Elise avait fait des recherches et était remontée vers toutes les personnes qui auraient pu être des victimes potentielles. Son objectif : protéger les prochaines.”
La jeune femme passe presque tout son temps, à relancer la justice concernant sa plainte.
Elle recherche aussi inlassablement les femmes qui ont partagé les trois années d’études au CNAC avec son agresseur présumé.
Elle s’acharne. Sur les réseaux sociaux, elle retrouve la trace de certaines d’entre elles et découvre aussi qu’elles ont été victimes, comme elle.
Des plaintes sont déposées, six au total à ce jour.
Camille Denkinger a aujourd’hui 33 ans. Élève au CNAC, elle n’est restée que quelques mois et a connu l’agresseur présumé d’Elise.
“Elle m’a contacté par Facebook et m’a dit qu’elle avait vu que j’étais dans la classe de ce monsieur et si je voulais bien discuter avec elle. J’avoue que son appel ne m’a pas surprise. “Cela faisait plusieurs années que je menais mon combat de dénoncer les agressions sexuelles dans ce milieu, que j’accompagnais des gens qui mènent le même combat. Je savais déjà de quoi il en retirait”.
Enfin presque. Camille n’est pas une victime de l’homme qui était dans sa promotion, mais
“Elise était la première personne qui ouvertement parlait de problèmes de violences. La première personne qui me disait qu’elle avait déposé une plainte et était en procédure”.
“J’ai été témoin de problèmes avec cet homme. Moi, c’était clair depuis le début, cette personne ne m’approche pas. C’était physiquement impossible d’être proche de lui mais j’ai assisté à beaucoup de choses. Ça a été des mains qui se baladent, des fins de soirées où il s’invitait dans le lit de certaines qui devaient le repousser fortement. J’ai pu dire à Elise, contacte cette personne et cette autre”.
Cette discussion a eu lieu quelques mois avant son suicide et Camille ne saura pas si Elise, grâce à elle, a pu remonter jusqu’à certaines victimes.
“Ce sont des combats éreintants. Mais j’ai eu l’impression, quand je lui ai parlé au téléphone, qu’il y avait des choses qui bougeaient au niveau de l’enquête. J’ai été très surprise quand j’ai appris qu’elle avait mis fin à ses jours. J’étais très triste de n’avoir pas pris de nouvelles plus tôt.”
Le mouvement “Balance ton cirque”, lancé en juillet 2021, sera un soulagement pour ces femmes qui luttent pour que les agressions, dans ce milieu, cessent.
“Moi, je suis positive, reprend Camille, quand j’ai quitté l’école en 2015-2016, je n’avais aucun soutien, la parole était libérée nulle part. Mes parents et moi, nous étions dans un no man’s land concernant le harcèlement moral. Aujourd’hui, des choses se sont réveillées.
“C’était une façon de ne pas mourir”
“Elise était entière et généreuse. Elle courait après la justice ou après les injustices, témoigne aussi Stéphanie. C’était viscéral. Elise vivait à travers cela et les spectacles aussi.”
Il y a 15 ans, à Verdey, dans la Marne, Stéphanie fonde avec son mari une association de théâtre équestre, Eq’art. Elise y adhère à l’âge de 12 ans. À 14, elle participe à son premier spectacle et très vite
“Elle fait partie de la famille, reprend Stéphanie. Même quand elle entre au lycée à Châlons, elle vient très souvent à la maison, par la suite, reste parfois 6 mois, un an. Chez nous, c’était son refuge”.
Elise alterne entre sa maison, chez ses parents et Verdey. Elle participe activement à l’élaboration des spectacles annuels du cabaret équestre.
“Elise, elle avait ça dans la peau. Son désir, c’était d’en faire son métier. Elle était douée”, précise encore Stéphanie.
Stéphanie sera entendue, deux fois, par les enquêteurs de police après le dépôt de plainte d’Elise.
Elle a côtoyé son agresseur lors de quelques jours à Verdey ou la jeune femme était venue avec lui.
“Il était bien sous tout rapport, je n’ai rien vu au début. Par contre il était beaucoup plus vieux qu’elle et j’ai contacté sa mère pour le lui dire. Tous les deux paraissaient proches et liés”.
Six-huit mois après, Stéphanie constate un changement dans le comportement d’Elise.
“Elle était très anxieuse. Ils se disputaient beaucoup et, lui, avait une attitude caractérielle, d’ailleurs, je l’ai mis dehors”.
Elise a beaucoup pleuré et s’est livrée à Stéphanie et à sa mère qui était aussi à Verdey à ce moment-là.
La jeune fille a confié les violences, l’emprise. C’était le 6 juillet 2019.
“Puis elle s’est démenée, s’est mobilisée. Elle a contacté des filles qui avaient été en lien avec son agresseur. Ce fut sa vie pendant 5 ans. Elle voulait que justice soit faite, plus encore pour les autres que pour elle. C’était sa raison de vivre. Nous, nous étions là pour tenter de la sortir de cette atmosphère. Elle était sous antidépresseur, voyait un psy, ce furent des moments très durs. C’était une façon de ne pas mourir”.
En Roumanie
“C’était une pépite, elle aimait créer, chercher ses musiques. C’était une artiste, une créatrice, livrent avec beaucoup d’émotion Anne-Françoise et Yann ses parents. Elle aimait créer des spectacles, je pense que dans un futur cela aurait été son job, son plaisir. De voir ce qu’elle a imaginé, pensé, évoluer sur la scène”.
Tout en retenue, les parents d’Elise évoquent le parcours de leur fille.
“Elle faisait de la voltige cosaque, de la jonglerie sur le cheval au tout début, puis de l’équilibre sur les mains à l’école, et elle a fait du tissu. Ensuite quand elle était en Allemagne, elle faisait tout, du cerceau, du trapèze, du tissu, du cheval, du théâtre de la danse”.
Artiste complète, Elise aimait apprendre et en Roumanie, là où elle a vécu ses derniers mois, elle se produisait avec la société pour qui elle travaillait, mais surtout
“Elle s’occupait des chevaux, apprenait à monter et à dresser. Son dernier spectacle, c’était à Avignon mi-janvier 2025, explique Anne-Françoise, sa maman. La dernière fois que je l’ai vue. Elle était magnifique et tout le monde n’a parlé que d’elle. Elle était fière d’elle. C’était la première fois qu’on la voyait fière d’elle”.
Un mois plus tard, en Roumanie, Elise décidait de tout arrêter.
D’arrêter de vivre.
“Dans un des messages qu’elle nous a laissés, elle demande que l’on continue son combat. Pour elle, c’est trop tard, mais pour les autres jeunes filles, c’est indispensable. Elle voulait absolument que son agresseur soit arrêté”.
Ce fut le cas quelques semaines après.
Tout est écrit
À ses parents, Elise a confié ses souffrances. Eux non plus ne se doutaient de rien.
“On le connaissait, il venait à la maison, mais elle, nous montrait un visage qui n’était pas la réalité, explique Yann. Elle ne se rendait pas compte de ce qu’elle vivait, elle était endoctrinée, c’est ce que nous avons compris après. Jusqu’au jour où elle l’a quitté”.
Ils ne savent pas le drame qui se noue ensuite à Bordeaux, le viol que subit leur fille.
“Nous l’apprendrons quatre mois plus tard, elle nous a précisé que nous allions être contactés par la police. Elle a géré cela quatre mois toute seule”.
Elise ensuite parle peu
“Juste quand elle avait des nouvelles de la justice, où quand le silence était trop long. Elle nous disait, tiens j’ai réussi à contacter cette personne. Elle voulait tout gérer”.
La plainte pour viol est déposée par Elise à Bordeaux, mais les premiers faits d’agression ont eu lieu à Châlons-en-Champagne. Le dossier arrive donc au parquet de Châlons.
Les parents d’Elise sont entendus, tout comme Stéphanie et d’autres de ses amis qui ont côtoyé l’agresseur présumé.
Elise était mineure au moment des premiers faits, “et nous espérions que l’enquête aille plus vite”, confie encore Yann.
Malheureusement le temps passe, si le dossier n’est jamais classé, il se perd.
” Pourtant, dès qu’elle le pouvait, Elise se rendait au parquet de Châlons pour tenter d’en savoir plus. Elle ne supportait pas qu’il continue”,
Explique Anne-Françoise en parlant de l’accusé.
Pendant toutes ces années, lui, n’a jamais été inquiété.
Elise poursuit malgré tout sa route. Elle reste deux années en prépa à l’école du cirque de Bordeaux, puis part à l’école de Rotterdam où son moral décline.
Elle n’y reste que quelques mois.
“Elle luttait, luttait. On s’en rend compte, maintenant, de ce qu’elle vivait en étant, nous-mêmes, psychologiquement très affectés, explique les parents d’Elise. Elle essayait de faire bonne figure et personne n’imaginait son mal-être interne. C’était une belle personne, souriante, elle remontait le moral à tout le monde. Elle, était au fond du trou, mais personne ne le savait”.
En Allemagne, ensuite, elle décroche son premier contrat dans un cirque et elle y reste jusqu’en milieu d’année 2024. Avant de partir en Roumanie.
Après le suicide d’Elise, le dossier arrive en banlieue parisienne, là où le violeur présumé réside.
“C’est triste à dire, mais, la décision qu’elle a prise de partir, reprend son père avec beaucoup d’émotion, a relancé vraiment l’affaire et le policier qui a repris le dossier a été stupéfait. D’abord, quand il nous a appelés, il voulait parler à Elise. Il ne savait pas qu’elle était décédée. Cela a été un choc pour lui. Puis, quand il a pris le dossier en mains, il s’est rendu compte de tout le travail qu’elle avait fait à leur place, c’était monstrueux. Il a traité le dossier en reprenant toutes les notes d’Elise. Il n’a travaillé qu’avec ça. Elle avait tout transmis de ses recherches, aux gendarmes et aux policiers qu’elle a côtoyés. Si vous saviez tout ce qu’elle a écrit. Elle a passé sa vie à écrire. Tout ce qui s’est passé dans sa vie, elle l’a écrit, dans son ordinateur, dans son téléphone. Jusqu’au dernier jour, elle a écrit”.
Joint par téléphone, le policier enquêteur nous a confié avoir été
“Particulièrement touché par cette affaire. Cette jeune fille a fait un travail énorme sur lequel je me suis appuyé. Elle mérite qu’on lui rende hommage”.
“Elle voulait absolument qu’il soit au moins arrêté, au moins ça, reprennent les parents d’Elise. Ça la minait. Elle a apporté toutes les preuves et ça ne bougeait pas. Elle savait que d’autres personnes souffraient, ça lui faisait du mal.”
“Comme si elle vivait encore un peu”
Elise met fin à ses jours en février 2025 et en juillet, son agresseur présumé est arrêté, mis en garde à vue.
Il n’a pas le droit de quitter le département où il réside. Sous contrôle judiciaire, il doit venir au commissariat de police toutes les semaines.
“Si vous saviez quel soulagement c’est pour moi, reprend Camille Denkinger. Cela ne la ramènera pas, mais j’espère que de là où elle est, elle voit que ça ne lâche pas”.
Pour les parents d’Elise qui ont tant parlé de ce moment avec leur fille,
“Ça n’a même pas été un soulagement pour nous. Nous l’espérions, mais même pas, parce que le mal est fait et que notre fille ne reviendra pas. Elle avait tellement de belles choses encore à faire. Il nous l’a abîmée, détruite”.
Le combat n’est pas terminé pour les parents d’Elise, pour les victimes. Ils attendent le renvoi du procès. Encore de longs mois de patience. Le spectacle, lui, continue.
Elise le voulait et elle aimerait voir ce qui se passe au sein de l’association Eq’art.
C’est Paul, son ami, qui a pris en main la réalisation de ce nouveau spectacle annuel. Tous ses amis seront là, sur la piste et dans les gradins.
“Elle est toujours présente, plus que jamais. Les premiers mois sans elle, ont été tellement compliqués, dit encore Stéphanie la fondatrice de l’association Eq’art. L’idée de la faire vivre, un peu encore, dans ce spectacle, c’est aussi prolongé son combat. On sait que l’on ne se trompe pas”.
Du 23 au 26 octobre, Yann et Anne-Françoise seront aussi à Verdey pour l’hommage à leur fille.
“Nous avions l’habitude de fêter son anniversaire le 25 octobre au cabaret, là-bas et nous sommes contents d’être avec eux aussi. C’est comme si elle vivait encore un peu.”
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