Saint-Pierre et Miquelon | Deux ans de prison pour agression sexuelle sur sa belle-fille
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 12/11/2022
- 11:55
Février 2020, à Saint-Pierre Miquelon. Louis* va voir son médecin. En consultation, persuadé qu’il est protégé par le secret médical, l’homme d’une quarantaine d’années déclare avoir abusé sexuellement de sa belle-fille, Manon*, tout juste 12 ans.
Le médecin fait immédiatement un signalement à la procureure de la République.
S’ensuit une longue bataille judiciaire pour déterminer si, oui ou non, l’homme a violé la jeune fille ; si, oui ou non, il avait déjà abusé d’elle avant cet épisode de février 2020 ; et si, oui ou non, il consultait des sites comportant des vidéos à caractère pédopornographiques.
Jeudi 10 novembre, Louis était renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour “agression sexuelle incestueuse sur un mineur de 15 ans” ainsi que pour avoir consulté ces sites diffusant des vidéos mettant en scène des mineurs.
Le juge d’abord chargé de l’affaire à Saint-Pierre et Miquelon avait préféré se retirer du dossier et délocaliser le procès à Paris, car il était également le juge aux affaires familiales chargé du divorce de Louis et de la mère de Manon. Pour que la procédure se déroule dans les meilleures conditions, il a jugé bon que ce dossier soit géré ailleurs, et par quelqu’un d’autre.
À la mi-journée, c’est donc dans le palais de justice de la capitale que l’audience s’est ouverte. Le prévenu et la victime étaient connectés par visioconférence depuis le tribunal de Saint-Pierre et Miquelon.
Trois tests de grossesse
Reprenons le fil de l’histoire. Après avoir avoué les faits à son médecin, Louis est placé en garde à vue. Il reconnait avoir frotté son sexe contre celui de la fillette, alors qu’elle dormait, et avoir éjaculé sur son t-shirt. Il affirme qu’il n’y a pas eu de pénétration.
Pourtant, constatant que Manon a un retard de règles et s’inquiétant qu’elle puisse être tombée enceinte, il lui fait faire des tests de grossesse. Trois.
Louis avait pour habitude de s’allonger dans le lit de Manon le soir, pour l’aider à s’endormir. Il affirme n’avoir abusé sexuellement de sa belle-fille qu’une seule fois, ce que confirme dans un premier temps Manon aux enquêteurs.
Mais quelques mois plus tard, la jeune fille revient sur ses déclarations : il n’est plus question d’un fait isolé, mais d’actes répétés entre 2018 et 2020.
Elle affirme que son beau-père entrait dans la salle de bain alors qu’elle prenait sa douche, qu’il lui caressait la poitrine et les fesses, et qu’il se glissait parfois dans son lit pour se coller à elle. Il aurait aussi tenté à plusieurs reprises de lui enlever ses vêtements.
Lui nie. Il dénonce une instrumentalisation de l’enfant : désormais séparé de la mère de Manon, avec qui il a eu une fille, il voit dans les nouvelles déclarations de l’adolescente une manœuvre pour permettre à sa mère d’obtenir la garde de sa petite sœur.
L’argument est irrecevable pour maître Nathalie Tomasini, l’avocate de Manon.
Selon elle, il n’y a rien d’étonnant à ce que la victime dénonce tardivement les faits.
“Sa parole s’est libérée progressivement, comme toutes les victimes d’abus”
, avance-t-elle.
Confrontation au tribunal
Lors du procès, qui avait lieu à huis clos, la victime étant mineure, Louis s’enfonce. Il décide de minimiser les faits qu’il avait avoués – en indiquant que ce n’était non pas sur le sexe de la fillette, mais sur ses fesses qu’il s’était frotté –, et continue de nier ceux qui lui sont reprochés. Ce qui ne plaît pas aux juges.
La défense, assurée par Maître Patrick Tabet, pointe du doigt les contradictions des déclarations de Manon et de sa mère, arrivées trop longtemps après les faits, selon lui. Me Tomasini lui oppose la libération de la parole.
Chose inattendue lors de l’audience : pour la première fois, Manon a accepté de se confronter à son agresseur. La victime et son ancien beau-père se trouvaient dans la même pièce pour suivre le jugement, dans le tribunal Saint-Pierrais. Mais même s’ils ne se sont pas parlés directement, la jeune adolescente, aujourd’hui âgée de 14 ans, a pu raconter son histoire, sa version, ses traumatismes.
Tard dans la nuit, elle obtient gain de cause : son ex-beau-père a été jugé coupable et condamné à cinq ans de prison, dont deux fermes pour l’agression sexuelle incestueuse qu’il avait lui-même avoué, mais aussi pour les abus sexuels qui ont précédé, et enfin pour la consultation des sites pédopornographiques.
Il est également inscrit au fichier des délinquants sexuels et a interdiction d’entrer en contact avec Manon.
Me Nathalie Tomasini a néanmoins un regret : elle voulait faire requalifier les faits en viol, ce qui a été rejeté par le tribunal d’appel de Saint-Pierre et Miquelon. C’est pourquoi l’affaire était jugée au tribunal correctionnel, qui juge les délits, et non au tribunal criminel.
“Je suis très en colère que cette affaire ait été correctionnalisée, s’agace Nathalie Tomasini. Le viol n’a pas été retenu, parce que l’hymen n’a pas été déchiré. Mais tous les viols n’entraînent pas la déchirure d’un hymen. Elle a bien précisé qu’il avait tenté de la pénétrer un peu avant et qu’elle l’avait empêché en lui disant ‘si tu fais quoi que ce soit, j’en parle à ma mère’”.
Ressorti menotté du tribunal de Saint-Pierre et Miquelon, Louis a fait appel de son jugement. Lundi, son avocat, Maître Patrick Tabet, déposera une demande de remise en liberté.
*Les prénoms ont été modifiés
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