A 19 ans, Nina se reconstruit pas à pas après avoir plongé dès 15 ans, malgré une famille aimante, dans la prostitution, comme un nombre croissant d’adolescentes.
« Chaque homme que j’ai rencontré est parti avec un bout de moi […] Après, ils repartaient vivre leur vie, comme si de rien n’était… Et moi je devais encaisser ça »,
raconte d’une voix douce, mais en se tordant les doigts, cette jeune fille brune.
Après une passe, le cannabis d’abord, la cocaïne ensuite, l’aidaient à retrouver un semblant de sérénité.
Un retour chez ses parents en banlieue de Lille, des études, un travail de serveuse : la jeune femme apprend désormais à vivre avec ses cicatrices.
Mais elle tient à témoigner pour celles qui vivent dans la honte de ce « tabou », la prostitution, qu’elle a mis de temps à nommer, se définissant comme « escort girl ».
Ce lundi 21 novembre, la jeune femme s’est exprimée lors de l’annonce d’un plan interministériel de lutte contre la prostitution des mineurs, un phénomène qui toucherait selon les associations 7 000 à 10 000 jeunes en France, peut-être beaucoup plus.
« On est cachées mais on est là […] C’est très facile de mettre une annonce pour faire cette activité. Il n’y a pas de contrôle d’identité, c’est fluide »,
explique-t-elle avant d’ajouter, que ” dans l’acte, c’est autre chose “.
L’adolescente a raconté son histoire dans un livre («Papa, viens me chercher ! », L’Observatoire, 2020), mais a rechuté plusieurs fois depuis.
En mai dernier, elle était encore en cure de désintoxication et se faisait avorter.
« J’ai encore de gros coups de blues mais je ne vais pas lâcher »,
assure-t-elle, les yeux brillants.
Elle qui cite « l’appât du gain » parmi les causes principales de son entrée dans la prostitution gagne en un mois, comme serveuse, les 900 euros qu’elle pouvait amasser en une journée.
Une famille unie, des parents entrepreneurs, deux petits frères, une grande maison, de bonnes notes… Rien ne semblait prédisposer Nina à cette descente aux enfers.
Tout bascule en quelques semaines, à l’âge de 14 ans.
Harcelée dans son collège privé catholique, elle commence à sécher les cours.
Attirée par le monde de la nuit, elle est violée lors de sa première soirée en discothèque.
Entre mal-être, soif de liberté et fuite en avant, elle fugue à répétition, « flambe » dans les bars, les boîtes de nuit et les hôtels de luxe avec de l’argent volé à sa famille.
Puis commence à se prostituer, après avoir dû coucher avec deux dealers qui voulaient « tester la marchandise » avant de la faire « travailler ».
Via des annonces où elle ment sur son âge, elle se prostitue tantôt seule, tantôt sous la coupe d’hommes pour qui son exploitation s’avère plus lucrative que le trafic de drogue.
« J’avais un sentiment de contrôle à ce moment-là, j’étais sûre que j’avais les épaules assez solides pour encaisser »,
se souvient-elle, désormais consciente des « séquelles » de cette période.
Selon ses parents, l’adolescente s’en est sortie parce qu’ils n’ont jamais rompu le lien, mais surtout grâce à sa « force de caractère ».
Avec émotion et colère, ils racontent les murs auxquels ils se sont heurtés dans leur combat pour la sortir de là.
« On ne rentrait pas dans les cases, les gens (policiers, magistrats, ndlr) ne percutaient pas »,
s’indigne son père, qui a dû à plusieurs reprises prendre la route en pleine nuit pour extraire son enfant d’une situation périlleuse.
« Petits bourgeois de province », selon leurs propres mots, les parents de Nina ont à cœur de montrer que la prostitution des mineures n’est pas l’apanage des « cas soc’ ».
Nina insiste sur la nécessité de mieux former policiers et gendarmes et de sensibiliser les jeunes.
Elle parle aussi beaucoup d’amour, celui qu’elle a craint de ne jamais éprouver, faute de pouvoir à nouveau faire confiance à un homme.
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