Valenciennes | Une dizaine de jeunes garçons piégés par «un pédophile en puissance»
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 04/03/2017
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- Nord, 59 | Nord , Assistant d'Education, Collège, Condamnation, Corruption de Mineur, Décision de Justice, Éducateur Sportif, Éducation, Europe, Facebook, Football, France, Hauts-de-France, Jugement, Obligation de Soins, Pédophilie, Prison Ferme, Prouvy, Quesnoy, Récidiviste, Suivi Socio Judiciaire
Ambiance tendue et mines concentrées, ce jeudi 2 mars, au tribunal de grande instance de Valenciennes. Dans la salle d’audience, parents et enfants ont découvert le vrai visage de celui qui se faisait passer pour leur ami… et qui a été condamné à quatre ans de prison pour « corruption de mineurs ».
Franck D. a 26 ans. Il fut l’entraîneur de foot d’une flopée de gamins entre 2008 et 2014, à Prouvy. Il fut aussi surveillant au collège Paul-Langevin puis au collège Eugène-Thomas, au Quesnoy. De lui, ne filtraient qu’une grande timidité et une totale discrétion. Il est décrit comme travailleur et consciencieux. Rien à voir avec celui qui, derrière l’écran de son ordinateur ou de sa PS4, rentrait en contact avec des gamins en se donnant six ans de moins et usait d’une méthode bien rodée pour installer une emprise psychologique sur ses jeunes victimes.
Une méthode bien rodée
Franck D. se mettait en contact avec des gamins grâce à Facebook et à des jeux vidéos en ligne. La conversation – et c’était vertigineux d’entendre cette répétition à l’audience – commençait toujours de la même manière. Franck D. demandait l’âge de son interlocuteur (ils avaient tous entre 11 et 13 ans) puis annonçait son homosexualité. « Est-ce que cela te gêne que je sois gay ? Est-ce que tu veux bien continuer à discuter et à jouer avec moi quand même ? » Le substitut du procureur y voit l’expression d’un « prédateur en chasse », d’un « pédophile en puissance » qui tisse les liens de la culpabilisation (l’enfant est gêné de la confidence mais ne veut pas être celui qui rejette) puis met en confiance. Il donnait son adresse mail et son code pour qu’ils puissent regarder son profil sur Facebook et, très vite, leur proposait de regarder une photo de lui, son avis étant censé l’aider à trouver « l’amour de sa vie ».
« Est-ce que cela te gêne que je sois gay ? Est-ce que tu veux bien continuer à discuter et à jouer avec moi quand même ? »
Première photo. Premier engrenage
L’ado se retrouve face à un cliché de Franck D. : de pied, tout nu ; en gros plan, zoom sur son sexe. Ils ont tous eu la même réaction de surprise. Ils lui ont tous dit que ça ne les intéressait pas. Aucun n’a accepté, malgré le harcèlement constant du prévenu, de lui envoyer des photos d’eux-mêmes tout nus. Alors Franck D. leur demandait s’ils avaient des copains, « gays » et que ça pourrait intéresser. Il leur proposait de l’argent (virtuel, à utiliser au cours de jeux vidéos en ligne pour passer des niveaux) s’ils acceptaient de jouer à « Action ou Vérité », ce qui lui permettait de poser des questions gênantes (« Quelle est la taille de ton sexe ? ») ou de revenir à la charge (« Photographie ta… »).
Récidiviste
« Je cherchais à me valoriser. C’était débile de faire ça », a répété le prévenu, qui a plaidé son envie de jouer au « mentor » mais en quoi était-il le mentor de ces jeunes garçons, qui ne lui demandaient rien ? A-t-il compris que cela ne se fait pas ? s’est interrogé le tribunal qui n’a cessé de dire ses craintes quant à la dangerosité du prévenu. C’est que Franck D. avait déjà été condamné par le tribunal d’Avesnes pour les mêmes faits, un an avant, et avait écopé de 18 mois de prison dont 6 assortis du sursis avec l’interdiction totale de rentrer en contact avec des mineurs. Quand il a recommencé à piéger des adolescents, il portait un bracelet électronique. Déjà, en 2013, son comportement avait alerté, au collège Langevin, quand une photo de lui tout nu avait circulé sur le portable des élèves. À l’époque, il avait expliqué qu’on lui avait piraté son compte Facebook mais, quand la principale lui avait demandé de porter plainte, il avait prétexté la maladie de son père, l’envie de ne pas entrer en voie de procédure. L’affaire avait été signalée auprès de l’Inspection académique et il avait atterri au Quesnoy.
Au portrait du prédateur déterminé, dressé par le procureur, l’avocat de la défense a opposé la psychologie d’un homme de 26 ans « totalement immature », dont la seule expérience sexuelle se résume « à un baiser ». « Il ne faudrait pas tomber dans le procès d’intention » a-t-il conclu, persuadé que les choses en seraient restées là, au contact virtuel.
Quatre ans de prison
Franck D. a été condamné à trois ans de prison auxquels s’ajoute un an de sursis révoqué ; à un suivi sociojudiciaire pendant cinq ans (il encourt deux ans de plus s’il ne s’y conforme pas), à une obligation de soins, d’indemniser les victimes (1000 euros pour chaque enfant, 300 pour les parents), et (une nouvelle fois) à l’interdiction totale d’entrer en contact avec des mineurs.
Coup de massue pour les parents
Une dizaine de jeunes garçons ont dû supporter les mêmes faits mais seul Lucas (nom d’emprunt) a réussi à en parler à sa mère et c’est grâce à lui que Franck D. a été démasqué. Mais sa prise de parole a davantage ressemblé à un acte manqué qu’à de vraies confidences et quand Franck D., bloqué sur Facebook, a repris contact avec lui grâce à la PS4, il a préféré se taire. « Les enfants ne savent plus quel moyen utiliser pour faire cesser le harcèlement, a expliqué l’avocat mandaté par le Conseil départemental. Il les a placés volontairement dans une situation d’insécurité. »
Un an après la révélation des faits, les stigmates d’une confiance blessée sont encore bien présents. Un père a expliqué à la barre que son gamin, qui a aujourd’hui 14 ans, n’a plus accès au portable, à l’ordinateur, aux réseaux sociaux « parce qu’il n’a rien dit », parce que le père a fermé toutes les portes en apprenant le danger qu’il avait couru.
Une maman, au nom de tous les parents, a expliqué combien l’enfant est vulnérable mais combien, aussi, les adultes le sont et se sentent coupables d’avoir failli à leur mission de protection. La présidente du tribunal a pris le temps de faire la part des choses pour qu’enfants et parents puissent s’en sortir le mieux possible une fois l’affaire jugée. Elle a beaucoup insisté, aussi, pour ne pas laisser le Département prendre la place, à la barre, des parents présents. Pris par le temps, le Parquet avait en effet décidé de façon unilatérale de mandater un administrateur ad hoc pour représenter les jeunes victimes, de peur que leurs responsables légaux ne viennent pas à l’audience ou ne souhaitent pas défendre les droits de leur enfant. C’était le cas pour cinq d’entre eux. Pour les autres, les parents étaient là et bien là. Et ils avaient plus que leur place.
Source: La Voix du Nord
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