Val d’Oise | Un fils de diplomate tombé dans les griffes d’un éducateur criminel

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L’influence malsaine d’un éducateur de l’ASE
Chargé d’encadrer des jeunes en difficulté, Moussa V., un éducateur d’un foyer de l’Aide Sociale à l’Enfance du Val-d’Oise, vient d’être condamné par la cour d’assises des mineurs du Val-d’Oise, après avoir entraîné trois adolescents dans son projet fou.

Son sourire n’efface pas les stigmates de sa douloureuse jeunesse.

Pourtant, tout semblait bien en ordre, sur les rails, pour ce fils de diplomate malien arrivé en France en 2014, à l’âge de 9 ans, avec sa famille.

Douze ans plus tard, Sila (le prénom a été changé) a connu l’errance, les foyers, les hôtels sociaux… et le crime.

Le crime commandité par son propre éducateur désireux de faire supprimer son épouse.

Une histoire hallucinante sur laquelle s’est penchée la cour d’assises des mineurs du Val-d’Oise en octobre dernier.

Sila a été jugé avec deux autres gamins du foyer de Persan (Val-d’Oise), où il était pris en charge.

Ou plutôt pris en main par un éducateur qui avait une bien étrange conception des valeurs à transmettre aux jeunes que l’Aide sociale à l’enfance (ASE) lui confiait.

Trois semaines après le procès, Sila revient sur l’engrenage qui l’a mené dans ses griffes.

Il remonte d’abord à l’année 2021, quand il décide de rester en France alors que son père vient d’achever sa mission à l’ambassade de France et rentre au Mali.

« J’avais 16 ans, j’étais en seconde à l’École européenne. Je suis resté dans l’appartement de fonction de mon père. »

Son frère et sa sœur y vivent aussi mais sont très peu présents.

« Et puis, l’école a informé l’ASE que j’étais devenu un mineur non accompagné », raconte posément ce grand jeune homme.

L’éducateur fournit de quoi fumer

Après un premier placement d’urgence dans un hôtel parisien, Sila refuse d’être confié à une famille d’accueil.

« En mars 2022, le juge m’a placé en semi-autonomie, reprend-il. Sauf qu’au lieu de me laisser en semi-autonomie, l’ASE du 92 m’a placé dans ce foyer. »

Dès son arrivée dans l’établissement, Sila devient copain avec deux autres pensionnaires qui, comme lui, fument des joints.

C’est ce qui les rassemble et n’échappe pas à Moussa M.

Cet éducateur, alors à l’aube de la quarantaine, avait intégré le foyer un an plus tôt et semblait donner satisfaction.

En toute discrétion, il fournit à l’un des nouveaux amis de Sila, au foyer depuis plusieurs mois déjà, de quoi fumer.

Sila entre dans le jeu.

« Il nous passait l’argent et il fallait qu’on le rembourse. En fait, il rentrait une plaquette de shit, il y a en avait la moitié pour nous et on vendait l’autre moitié. »

Le business tourne vite au vinaigre.

« On consommait beaucoup, alors on était toujours en perte. »

Pour éponger les dettes, l’éducateur soumet à ses trois « protégés » l’idée, qui remettra les compteurs à zéro.

« Il nous en parle à chacun, séparément. À moi, il dit que la femme d’un ami à lui l’a violenté et que cet ami nous paie pour aller la taper. À l’un des deux autres, il parle d’une agression avec de l’acide, et au troisième, d’une seringue. Jusqu’à ce qu’il lui dise qu’il fallait la tuer. Moi, franchement, j’étais dans la précarité et je me dis qu’il s’agit peut-être de l’intimider. »

De l’acide et une poudre blanche dans la seringue

Le jour J, le 29 mars 2022, alors que Sila n’est dans le foyer que depuis neuf jours, le trio embarque dans la voiture conduite par l’éducateur.

Direction Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise).

L’équipée fait halte dans un magasin de sport où l’éducateur investit dans des tenues noires que les adolescents revêtent.

Puis, dans une grande surface de bricolage, où il achète une bouteille d’acide et du scotch pour 6,65 euros.

« Et directement, on va chez la femme. Dans la voiture, je vois que l’un des deux autres tient une seringue. Après Moussa, il lui donne une poudre blanche, il dit que c’est du poison et ils mettent ça dans la seringue avec l’acide. Instinctivement, je dis que c’est mortel. »

Remarque sans effet.

« Et on arrive devant une résidence. En fait, c’était chez lui mais nous, on ne savait pas. Il avait mis un tracker sur la voiture de sa femme et il savait quand elle allait arriver. Tous les trois, on attend dehors, on fume. Elle arrive, nous demande ce qu’on fait là, nous dit de partir et quand elle entre dans son bâtiment, on lui court après. Il y a en un qui lui assène deux coups, l’autre essaie de la piquer mais il se pique la main. Elle crie, tout le monde a peur et on retourne à la voiture. »

« Il me demande si je connais quelqu’un pour finir le travail »

Après cet échec, le quotidien reprend au foyer.

Sila gamberge et tique quand il découvre incidemment l’adresse de Moussa.

« Je tape sur Google et je vois que son adresse, c’est celle de la femme qu’il voulait piquer à l’acide. Et plus tard, il me demande si je connais quelqu’un pour finir le travail. J’ai dit que non, alors, il voulait renvoyer le jeune qui avait la seringue. C’est là que je suis allé voir la direction pour dire que si elle n’intervenait pas, il allait faire une connerie. Déjà qu’il y avait eu une dinguerie… »

Après avoir tout raconté au foyer, Sila raconte aux gendarmes et les trois adolescents, âgés aujourd’hui de 19 à 20 ans, ont été jugés aux côtés de Moussa M. aux assises.

Le verdict a condamné l’éducateur à 22 ans de réclusion criminelle.

Les deux anciens copains de foyer de Sila ont été condamnés à un an sous bracelet et dix-huit mois ferme.

Sila s’en sort avec un an de prison avec sursis.

Aujourd’hui, le jeune homme est suivi par une association du nord des Hauts-de-Seine.

Il suit une formation en alternance mais, sous la menace d’une obligation de quitter le territoire, craint que ses projets ne s’écroulent.

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