Un pédocriminel présidera la 42ème cérémonie des Césars

L’affaire Polanski rattrape les Césars

Le cinéaste Roman Polanski, accusé de viol sur une enfant de 13 ans en 1977

Le choix de Roman Polanski pour présider cette édition, annoncé le 18 janvier, par le président de l’Académie et producteur Alain Terzian, ainsi que par la chaîne Canal+, n’en finit pas de susciter colère et incompréhension.

Combien de temps ­l’Académie des Césars va-t-elle garder le silence, alors que tout autour de l’institution les réactions d’indignation s’accumulent?

Agé de 83 ans, le réalisateur franco-polonais ne compte plus les prix reçus dans les grands festivals : Ours d’or à Berlin pour ­Cul-de-sac en 1966, Palme d’or à Cannes pour Le Pianiste en 2002, film pour lequel il a aussi obtenu l’Oscar du meilleur réalisateur en 2003. Il a déjà présidé plusieurs jurys, de Cannes en 1991 à Venise en 1996. Mais le cinéaste traîne aussi depuis quarante ans une accusation de viol sur mineure.

C’était en 1977, Polanski était alors âgé de 43 ans : Samantha Geimer, 13 ans, l’avait accusé de l’avoir ­droguée puis violée, à l’issue d’une séance de photos. Incarcéré pendant 47 jours, Roman Polanski avait été libéré sous caution, avant de s’enfuir des Etats-Unis quelques années plus tard, en 1978. Depuis lors, la justice américaine n’a cessé de le poursuivre. Entre-temps, Samantha Geimer a renoncé à ses poursuites judiciaires – un accord financier a été conclu avec le cinéaste. En août 2014, à cause de cette même affaire, sous le coup d’un mandat d’arrêt international, le réalisateur avait dû renoncer à se rendre au festival de Locarno, où il devait recevoir un prix pour l’ensemble de sa carrière.

La polémique Polanski ressurgit alors que de « vieilles » histoires d’abus sexuels émanant d’autres artistes ont refait surface, qu’il s’agisse des violences qu’aurait subies Maria Schneider lors du tournage du Dernier tango à Paris (1972), de Bernardo Ber­tolucci, ou de celles dont auraient été victimes des modèles de David Hamilton dans les années 1980 – retrouvé mort dans son appartement le 25 novembre 2016.

L’Académie des Césars ne pouvait ignorer que le choix de Polanski risquait de provoquer des remous.

 

Des réactions troublantes mais révélatrices…

Alain Rocca, l’un des six membres du bureau de l’APC, ne comprend pas ce:

« torrent d’indignation ». « Habituellement, la présidence de la Cérémonie des Césars n’intéresse personne. Mais le sujet devient subitement intéressant aujourd’hui, dès lors qu’il s’agit de salir une institution, et un homme comme Polanski, chacun y allant de sa version sur les réseaux sociaux. C’est avec ce genre de dynamique post-vérité que l’on arrive à élire Trump aux Etats-Unis »

« esthète insatiable » qui « réinvente son art et ses œuvres au fil des époques ». « Artiste, cinéaste, producteur, scénariste, comédien, metteur en scène, il existe bien des mots pour définir Roman Polanski mais un seul pour lui exprimer notre admiration et notre enchantement : Merci, Monsieur le président. »

Des associations féministes sont montées au créneau :

« Nous rappelons que plutôt que de faire face à ses responsabilités, et donc à la justice, M. Polanski a préféré fuir, et que tous les mandats d’extradition ont depuis échoué (…). Il est un auteur de violences sexuelles qui reste impuni, protégé par son statut d’homme célèbre », s’indigne l’association Osez le féminisme dans un communiqué.

Shirley Kohn actrice et productrice, exprime sa consternation :

« Cette année, je me disais : à l’approche de l’élection présidentielle, l’Académie des Césars va faire des arbitrages fédérateurs. Eh bien non ! Même si on ne connaît pas les détails de l’affaire Samantha Geimer, c’est comme si on ne prenait pas au sérieux cette accusation de viol », déclare-t-elle au Monde. « Les acteurs et les professionnels du cinéma accepteront-ils de recevoir des prix de la main de Polanski ? »

Caroline Champetier, membre de l’APC :

« Polanski est un immense metteur en scène. Mais je n’ai pas été prévenue qu’il allait présider la 42e Cérémonie », avoue-t-elle.

 Aurélie Filippetti, alors qu’elle était invitée sur France Info jeudi 19 janvier:

C’est la « liberté abso­lue » de l’Acadé­mie de choisir Polanski, « un très grand réali­sa­teur », a souligné l’ancienne ministre de la ­culture et de la communication (2012-2014), avant d’ajouter : « C’est quelque chose qui s’est passé il y a quarante ans. On ne peut pas à chaque fois relan­cer cette affaire. »

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